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Le I 9, après déjeuner, je me disposois à passer la revue de l’équipage,
quand tout à coup des cris de joie se firent entendre Un navire!....
’ un navire! Chacun accourt, on monte sur ies hauteurs, et l’on voit
en effet un sloup sous voiles, à i’entrée de la baie.
Craignant que ce bâtiment n’eût pas l’intention de venir au mouillage,
et jugeant d’ailleurs qu’il étoit très-important pour nous de lui faire connoître
tout de suite notre position, je fis arborer nos couleurs au sommet
d’une colline éievée, ce qu’on accompagna de plusieurs coups de canon.
Le grand canot partit aussitôt sous les ordres de M. Fabré, pour se rendre
à bord de ce navire, et l’engager à venir au mouillage. Il ne tarda pas à
l’atteindre, et peu après, le patron de cette barque, M. Hamond, descendit
à terre et entra dans ma tente.
J ’appris que ce sioup nommé le Pinguin, appartenoit à un navire
beaucoup plus grand le Général Knox, occupé à ia pêche des phoques.
Le capitaine de ce dernier navire, parti de Salem, dans le Mas-
sachussets, aux États-Unis anglo-américains, étoit le chef de toute
l’entreprise, et avoit fixé le centre de ses opérations à l’île West-Point,
dans la partie la plus occidentale des Malouines (pl. 108).
J ’exposai au patron Hamond l’événement qui nous retenoit sur cette île,
et le déterminai aisément à transporter un de mes officiers à l’îleWest-Point,
où étoit son capitaine, afin de s’entendre avec lui relativement aux secours
qu’il étoit en position de nous donner. M. Dubaut fut chargé de cette
mission délicate, et reçut en conséquence mes instructions écrites sur
la conduite qu'il avoit à tenir et les demandes qu’ii avoit à faire.
20. Cet officier, s’étant rendu sans délai à bord du Pinguin, mit sous voiles
le lendemain matin, et ne tarda guère à disparoître à nos yeux, accompagné
de tous les voeux que nous formions pour le succès et la rapidité
de son voyage.
Le départ de l’Espérance fut naturellement suspendu, et en attendant
la réponse que M. Dubaut devoit nous apporter, je me décidai à utiliser
les talens et le zèle de M. Duperrey, en le chargeant de faire la
24 géographie de la baie Française : ce travail fut commencé aussitôt, et
nous nous livrâmes nous-mêmes, dès le 2 4 , à nos observations accoutumées
de magnétisme et d’astronomie.
Le 28, dans i’après-midi, un navire à trois mâts se montra à l’ouvert
de ia baie, faisant route pour venir au mouillage. Nous ne doutâmes pas
un instant que ce ne fût ie navire le Général Knox, et déjà nous nous
émerveillions de ia rapidité avec laquelle M. Dubaut avoit rempli sa
mission, lorsque, pour m’en éclaircir, j’envoyai une embarcation à son
bord. M. Duperrey, qui la montoit, ne tarda pas à nous apprendre que
ce bâtiment se nommoit le Mercury; que, parti de Buenos-Ayres sous ie
pavillon des Indépendans, il alloit porter des canons et des boulets à
Valparaiso; que par 60" de latitude australe, et à l’instant de doubler
le cap Horn, une voie d’eau considérable s’étoit déclarée à bord, et que la
crainte de couler en mer avoit obligé le capitaine de relâcher à la baie
Française, où il comptoit échouer son navire pour essayer de le réparer.
Ce capitaine, M. John Galvin, étoit Anglo-Américain; je lui offris
immédiatement, pour réparer ses avaries, les secours en matériaux et
en hommes dont je pouvois disposer, ajoutant que si nos charpentiers
réussissoient à radouber son navire, je lui demanderois de nous transporter,
moi, mes compagnons de voyage et nos bagages à Rio de Janeiro,
en supposant que mes arrangemens avec le capitaine du navire le Général
Knox ne pussent avoir lieu. Ces propositions iui parurent raisonnables,
et il me témoigna sa reconnoissance de mon empressement à
lui rendre service.
J ’envoyai aussitôt à bord du Mercury nos maîtres calfats et charpentiers,
deux corps de pompe et un assez grand nombre d’hommes de corvée
pour tenir ce bâtiment à flot; son équipage, composé de 12 hommes
seulement et de 5 passagers, se trouvoit sur les dents par suite de la
fatigue qu’avoit occasionné le travail de la pompe.
Le rapport que me firent ces ouvriers fut entièrement favorable ; ils pen-
soient que les réparations du Mercury étoient possibles, mais qu’elles exige-
l'oientau moins un mois de travail. J ’ordonnai que tout ce qui étoit nécessaire
à cet objet fût pris dans notre camp, et qu’on se mît immédiatement
à l’ouvrage. On visita aussi le gréement du navire; son mât de misaine,
ayant été trouvé un peu trop long, fut soulevé dans ses étambrais et raccourci.
Enfin, pour diminuer sa charge, on jeta à la mer 3 o canons de sa cargaison,
que la foiblesse de sa construction ne lui permettoit plus de porter.
1820,
-Mars,
28.