
Course
au Nouveau-
Fribourg.
de la pêche; on me donna quelques petits poissons, et j’en conservai
plusieurs dans l’esprit de vin. On nous servit en particulier; et tel est
l’usage hospitalier des colons brésiliens, qu’on ne voulut rien recevoir
de nous lorsque nous partîmes.
» La journée du 23 se passa à chasser et à empailler les produits de notre
chasse. Les oiseaux qui vivent dans ce lieu sont ; piusieurs espèces de
toucans, des cardinaux rouges, beaucoup de passereaux ardoisés, et une
espèce d’émérillon, oiseau de proie cjui a ia singulière habitude de se
placer sur le dos des boeufs, pour y manger les ricins qui s’y logent en
grand nombre. L’animal, qu’il débarrasse ainsi d’un insecte incommode,
tolère l’opération de ces émérillons avec beaucoup de tranquillité. Au
reste cet oiseau est très-défiant, et ce n’est qu’avec peine que M. Rolland
parvint à en tuer deux individus.
» On voit ici une grande quantité de terres incultes, couvertes d’arbres
sauvages, et les fermes y sont très-isolées. Deux lieues pius loin on
arrive à Ponto-Pinheiro, sur les bords de la rivière Cacerebu, qui, large
et assez rapide, a ses eaux un peu troubles et ses rives marécageuses. Un
beau pont en hois forme le commencement du chemin, qui, longeant
la chaîne des montagnes, conduit à Minas-Geraes. Nous nous arrêtâmes
là pour faire rafraîchir notre mulet, et déjeunâmes nous-mêmes dans
une espèce d’auberge.
» Il faisoit très-chaud. En avançant nous aperçûmes un grand nombre
de perroquets qui dévastoient des champs de maïs, et plus loin des
volées innombrables de cardinaux rouges. La route n’étoit pas toujours
fort belle, et souvent il nous fallut traverser à gué de larges mares. Bientôt
nous entrâmes dans une plaine inculte, coupée par plusieurs petits marécages,
ou nous tuâmes des jacanas et des crabiers. Près de ià se trouve
une montagne isolée en forme de cône, qui n’est pas granitique, mais
composée d’une espèce d’argile avec des stries ferrugineuses, et dont la
roche se divise en minces fragmens rhomboïdaux.
» Nous arrivâmes d’assez bonne heure à Santa-Anna, petit village dont
ia seule maison remarquable est ceile où l’on donne à manger. Si nous
n’y fûmes pas très-bien régalés, nous eûmes du moins le plaisir d’y
entendre parler français par quantité de Suisses, que (e commerce néces-
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saire à ieur nouvelle colonie amène jusque-là. Ce fut par eux que nous
apprîmes exactement enfin ia route que nous devions suivre pour nous
rendre au Nouveau-Fribourg, et les endroits où nous pouvions nous
arrêter.
» La rivière Macacu fait beaucoup de détours aux environs de Santa-
Anna; elle est peu profonde, assez rapide, mais son cours est embarrassé
par des arbres à moitié déracinés. Comme ie fond sur lequel elle
coule est sablonneux et friable, elle charrie beaucoup de limon et mine
ses propres bords : on craignoit même qu’eile ne finît par envahir la grande
route voisine, mais des ordres ont été donnés pour prévenir cet inconvénient,
et pour faire dévier son cours un peu plus loin. On y voit assez
souvent de petits crocodiles. La rapidité de la rivière et les trous profonds
qui s’y rencontrent la rendent dangereuse pour ceux qui s’y baignent
sans savoir bien nager : c’est ainsi que les Suisses nous ont dit y avoir
perdu un de ieurs respectables ecclésiastiques, qui s’y étoit imprudemment
aventuré.
» Nous quittâmes Santa-Anna après déjeuner, n’ayant eu ce jour-la
qu’une route assez courte à parcourir. C’est sur ce point que les orangers
cultivés disparoissent; nous ne rencontrâmes plus qu’un petit nombre
de ces arbres, qui étoient sauvages, et qui, par conséquent, conservoient
tous ieurs fruits. Après avoir passéàgué ia rivière Macacu , àun endroit où
Ion voit quelques maisons réunies, nous nous rapprochâmes insensiblement
des montagnes que nous avions à traverser, et bientôt nous distinguâmes
ieur sombre verdure. Les nuages qui couvroient ieurs sommets
s’abaissant progressivement dans la plaine, nous fûmes alors environnés
d’une rosée qui, dégénérant en pluie, nous accompagna toute la soirée ;
cette circonstance nous força de raccourcir notre trajet de deux lieues,
et de nous arrêter à la maison de M. le colonel Ferrera, qui nous reçut
très-bien. C ’est une des plus belles sucreries du Brésil; on y faisoit du
sucre qui passoit par cinq cuites différentes av.ant d’être mis dans les cônes.
Cette habitation , qui produit outre cela du café et d’autres denrées, a
l’avantage d’être placée sur la rivière Macacu, qui descend des montagnes,
et commence dans cet endroit à être navigable pour les pirogues.
» Toutes les maisons de campagne portugaises un peu considérables
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Fribourg.