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1820.
F év rie r.
de l’odeur d’huile de poisson qui s’en exhaie, nos matelots trouvant ce
mets passable, c’étoit beaucoup.
J ’expédiai encore le même officier sur l’île aux Loups-Marins, située
au N. O. de ia précédente, et iui prescrivis de se rendre ensuite dans
l’anse Saint-Louis, où Bougainville, en 17 6 4 , avoit place le centre
de sa petite colonie, et dont plus tard les Espagnols avoient repris possession.
Nous ignorions encore alors s’il y restoit quelques habitans;
je chargeai donc M. Bérard, dans ie cas où il en rencontreroit, de leur
faire connoître notre malheureuse position, et de tirer d eux tous les
secours dont il ieur seroit possible de disposer en notre faveur. MM, Quoy
et Guérin furent aussi de ce petit voyage, dont voici la courte relation.
«Nous prolongions la côte Sud de iile aux Loups - Marins, dit
M. Bérard, lorsque nous aperçûmes deux phoques s’élancer à la mer de
dessus les rochers. M. Guérin en tua un; l’autre étant venu rôder autour
de celui-là, nous essayâmes de nous en rendre maîtres à coups de pique,
afin d’économiser la poudre; mais nous reconnûmes un peu trop tard
notre faute.
» De ce point nous allâmes à l’anse Saint-Louis, où nous échouâmes
notre canot sur un fond vaseux tout près du rivage ; et nous nous hâtâmes
de nous rendre au bourg de ce nom , mais nous le trouvâmes en ruines
et sans habitans. >■
« J ’éprouvai un sentiment bien tendre, dit M. Quoy, en parcourant
ces débris d’habitations où vécurent jadis des Français : ici on a parié
notre langue, me disois-je, et des familles laborieuses y ont peut - être
goûté le bonheur. Nous aperçûmes l’emplacement du fort, les murs d’uue
église, et une maison élégamment bâtie en pierre, qui devoit être ceile
du gouverneur. En parcourant ies chambres d’une masure, quel fut
mon étonnement de trouver dans l’une d’elles du feu allumé : i’île est
habitée! m’écriai - je; voici des traces!.. . . Mais bientôt un examen plus
attentif me fit voir que le sol de cette chambre étoit tourbeux; une fois
que cette substance a été allumée, elle peut brûler pendant plusieurs
mois. En effet, nous remarquâmes des inscriptions faites avec du charbon
sur ia muraille; et la dernière indiquoit qu’un capitaine de navire anglais.
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1 2 4 3
venant de Port-Jackson, avoit relâché sur l’île C o n ti, deux mois environ
avant notre naufrage. D’autres écrits du même genre nous montrèrent
aussi que de temps à autre des navires venoient mouiller dans ia baie
Française.
» Toutes les maisons de ce bourg étoient privées de toiture; en sorte
que nous y eussions passé une assez mauvaise nuit, si nous n’eussions
rencontré un vaste four en brique, parfaitement bien conservé, et dans
lequel nous couchâmes tous au nombre de sept. Ce four, d’une construction
particulière, avoit presque six pieds d’élévation à son centre; il
faut qu’il ait servi à quelque autre usage qu’à cuire le pain , et ce qui
le prouve, c’est que dans la même pièce il y en avoit un autre petit.
» Le soir nous fûmes à la chasse de très-gros canards, dont nous
tuâmes quelques-uns; il faisoit froid et le temps étoit à ia pluie. Nos
matelots firent la cuisine avec des oies et de l’oseille sauvage. »
« Dès la pointe du jour du iendemain, reprend M. Bérard, nos effets et
nos munitions furent transportés au canot qui étoit échoué ; mais comme
la marée montoit depuis quelque temps, nous jugeâmes qu’il seroit bientôt
remis à flot, et en attendant nous allâmes faire quelques courses dans
les environs. La veille nous avions aperçu des oies et des canards en
grande quantité, que malheureusement deux ou trois coups de fusil
avoient dispersés. Nous nous attendions à rencontrer des chevaux et des
boeufs près des ruines de l’établissement, mais on ne vit aucun de ces derniers;
et quant aux chevaux, que quelques-uns d’entre nous observèrent
dans l’éloignement, ils s’enfuirent sans attendre notre approche,
» li étoit six heures du matin lorsque nous quittâmes l’anse Saint-
Louis; nous nous acheminâmes aussitôt pour visiter la côte septentrionale
de i’île aux Loups-Marins, dont nous n’avions encore reconnu que
la partie méridionale. Nous en côtoyâmes les rivages afin de tuer des
canards, qui se montroient en très-grand nombre sur certains points ;
mais nous n’y aperçûmes pas de phoques. Ayant voulu tenter le passage
entre l’île aux Pingouins et la grande terre, nous eûmes beaucoup de
peine à y réussir; et même la chose eût été tout à fait impossible si ia
mer n’eût été à peu près pleine. Nous abordâmes à midi sur la côte Sud
de celte dernière île pour nous reposer de nos fatigues, car depuis