
Histoire
de
1791.
17 9 2 .
i :
800 VOYAGE AUTOUR DU MONDE,
l’île Norfolk, de la corvette le Sirius, sur laque^je la colonie fondoit ses
Port-Jackson, dernières espérances. Les rations déjà fort petites furent encore sensi-
17 9 0 . blement diminuées et réduites : chaque personne adulte n’eut plus, par
semaine, que 3 livres de farine, une livre de riz et 7 onces de porc,
ou une livre | de boeuf salé.
Le secours en vivres si impatiemment attendu n’arriva qu’au mois de
juin 17 9 0 ; avec lui revint la confiance, et-i’on apprit qu’un premier
vaisseau, parti d’Angleterre avec des provisions pour deux ans, des munitions,
des vêtemens, des instrumens d’agriculture, un renfort de bétail
et 15 0 arbres fruitiers, s’étoit perdu sur une île de glace, flottante.
Sorti de ces difficultés, le gouverneur s’occupa des moyens de mettre
pour l’avenir la colonie qu’il administroit à l’abri d’une semblable détresse,
et Je développement de l’agriculture lui. parut devoir être l’auxiliaire
le plus puissant. Rose-Hill, nommée plus tard Parramatta, seconde
ville de la colonie, venoit d’être fondée; Sydney s’étendoit aussi par
degrés, et divers établissemens agricoles se développoient dans les
environs. Le produit des récoltes étoit entièrement réservé pour les
nouvelles semences, et déjà en 17 9 2 , parmi les 5 17 4 t acres de terrain
concédés aux colons, 5 0 12 se trouvoient défrichés, et plus de
150 0 en culture.
Tels furent les premiers pas de la colonie. Considérons-la un instant
dans ses rapports avec les indigènes. On ne savoit encore- rien de leurs
moeurs ni de leurs usages ; mais peu à peu ies Anglais eurent occasion
de les étudier ; cependant des observations nécessairement incomplètes
donnèrent lieu à bien des méprises. On venoit d’envahir le pays de
ces malheureuses gens, on diminuoit leurs moyens de subsistance, et
loi^ ignoroit encore que ces deux griefs étoient, à leurs yeux, le
plus grand des délits. Les nouveaux colons crurent les dédommager
suffisamment en ieur faisant de petits présens, tels qu’une portion, par
exemple, du poisson qu’ils pêchoient avec un succès prodigieux, et par
des moyens inconnus à ces aborigènes. Le gouverneur défendit sévèrement,
il est vrai, de priver les naturels de leurs sagaies, de leurs fiz-gigs ,
de ieur résine; en un mot, de tous les objets que ces hommes sans défiance
avoient l’habitude de laisser sur les rochers voisins de ia mer, ou
sur la grève; mais ces sages précautions ne purent prévaloir sur le naturel
pervers des convicts, qui, voyant dans le trafic de ces armes avec
les vaisseaux arrivés d’Europe une affaire de lucre pour eux, commirent,
pour s’en procurer, des exactions fréquentes. Les sauvages usèrent
de représailles, les Européens les maltraitèrent à leur tour; et de là provinrent
des vengeances terribles qui amenèrent plus d’une fois le trouble
et l’effi'oi dans ia colonie. C ’étoit en mettant Je feu aux champs de blé et
de maïs à l’instant voisin des récoltes, qu’ils portoient le désespoir dans
le coeur des colons; il fallut faire avancer des troupes, et ainsi l’on vit
s’allumer une guerre dont il étoit difficile de prévoir l’issue ni la durée.
Toutefois le gouverneur, conservant l’espoir de'ramener les naturels
à des sentimens plus pacifiques, s’efforçoit, dans toutes les rencontres,
de se les attacher par des présens. Il crut tÿe si l’on parvenoit à bien
connoître leur langage, on pourroit mieux leur faire comprendre le désir
qu'avoient les Anglais de vivre avec eux en bonne amitié. Plein de cette
pensée, ii fit capturer deux jeunes indigènes, que l’on conduisit à Sydney;
mais ils parvinrent à s’échapper et reparurent bientôt au milieu de leurs
camarades, en sorte que le but fut manqué :
So w a tch ’d occasion, broke theïr ch a ïn ,
A n d sought their native wood again ( i) ,
(G ay, Fables.)
Ayant appris qu’un nombre considérable de naturels s’étoient réunis
autour d’une baleine qui venoit de s’échouer sur ia côte, le gouverjieur
partit pour aller les trouver; laissant son escorte en arrière, il s’avança au
milieu d’eux les mains remplies de présens; mais ces barbares, ayant pris les
démonstrations d’amitié qui leur étoient faites pour une ruse, iui lancèrent
des sagaies, dont une le blessa grièvement à l’épaule; heureusement Je coup
n’étoit pas mortel, et le capitaine Phillip put, au bout de quelques jours,
reprendre ses démarches conciliatrices. Plusieurs des naturels vinrent Je
voir à Sydney ; le bon accueil qu’ils en reçurent leur inspira assez de confiance
pour les engager à multiplier leurs visites; Béneiong, l’un deux,
demanda même qu’on lui fît une maison à l’extrémité orientale de l'anse
( i) Ils épièrent si bien l’occ asion, qu’ ils rompirent leurs chaînes, et retournèrent aussitôt
dans les bois qui les avoient vus naître.
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