
C o lo n ie ment introduits chez eux, ou qui ont été la suite immédiate et presque
Pon-Ja^ckson. '«rcée de leurs débauches.
Indigènes On cfoit qu’à l’époque de l’arrivée des Anglais sur ces bords les juremens
actuel.8.
étoient encore inconnus aux aborigènes ; et ce qui paroît venir
à l’appui de cette opinion, c’est le nombre assez grand de mots anglais
estropiés dont ils se servent pour exprimer une foule d’idées
basses, d’imprécations abominables, dont ils n’avoient primitivement
aucune idée, et qu’ils mêlent aujourd’hui dans tous leurs discours. Un
tel amalgame ne seroit que burlesque si la cause qui le produit n’étoit
aussi grave et aussi honteuse.
Dans les environs de Sydney et sur quelques autres points*de la coionie,
où l’arrivée des convicts a coïncidé avec le premier établissement
des Anglais, on peut dire que la population indigène est à peu près
anéantie; et que même il est fort douteux que les misérables restes de
ces peuplades sauvages puissent résister encore longtemps à toutes les
causes de destruction qui les entourent.
Notre planche 105 donnera une idée de la figure dégradée de
quelques indigènes voisins de Sydney, à l’époque où l’Uranie stationna
dans ces parages. Abrutis par l’usage des liqueurs fortes, abandonnés à
leur caractère naturellement indolent, ainsi qu’aux habitudes de fainéantise
qu’on ieur a fait contracter, ils ne cessent d’errer çà et là
comme des vagabonds, sans désirs comme sans objet. Ce ne sont pas,
à proprement parler, des mendians, et cependant ils acceptent sans
difficulté les débris de viandes qui proviennent de ia desserte des tabfes,
et qu’on ieur donne en échange des huîtres et du poisson qu’ils apportent
à ia ville. Retirent-ils quelque argent de cette espèce de trafic,
il est rare qu’ils n’aillent pas aussitôt le dépenser au cabaret, où ils
boivent alors jusqu’à rester morts ivres sur fa place. Dans d’autres instans
on les voit colporter des nouvelies dans Sydney, ou regarder en
désoeuvrés ce qui se passe sur les quais ; ils connoissent tout le monde
et comprennent i’espèce d’euvrage de chacün, quoique eux-mêmes ne
veuillent prendre part à aucune espèce de travail pénible.
Quelques Anglais instruits, en jetant les yeux sur cette race abâtardie
et abrutie, n ont pas craint d’avancer que, trop paresseux pour
LIVRE V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 905
servir et trop peu intelligens pour devenir maîtres, ceux qui la composent
seroient toujours inutiles au sein d’une colonie industrieuse, et
que peut-être étoit-il à désirer qu’elle s’anéantît complètement. Sans
doute on ne trouvera pas ces voeux très-philanthropiques.
Comment on eût pu civiliser les indigènes. — Ce n’est point ainsi que
raisonnoient et que se conduisoient surtout les savans missionnaires qui
étoient parvenus à ranger sous ies lois de l’Evangile et de ia civilisation
tant de tribus nomades et farouches. Au Port-Jackson, on a pensé longtemps
que l’exemple des colons devoit suffire pour convaincre ces malheureux
aborigènes de l’avantage des usages d’Europe sur ceux qui leur
étoient familiers, Pour faire adopter les nouvelles habitudes sociales
qu’on desiroit introduire, la religion chrétienne n’a pas été employée
comme auxiliaire, ou ne l’a été que d’une manière incomplète et trop peu
convenable; or c’est pour cela que la main de l’homme a été impuissante.
On diroit que ce qui a surtout choqué ies Anglais, c’est de voir que, à
un très-petit riombre près , ies Australiens se refiisoient à porter des vêtemens
, et qu’ils étoient impropres, par conséquent, à augmenter la
consommation des marchandises de la Grande-Bretagne. Mais ces pauvres
indigènes n’eussent-iis pas été en droit de penser, à leur tour, que les
coions avoient une intelligence bien bornée pour ne pas comprendre
encore, après tant d’années passées au milieu d’eux, que ies vêtemens
étoient chose superflue dans un climat doux et salubre! Qu’eussent-ils
pensé au fond des vues philanthropiques de leurs envahisseurs, s’ils
eussent pu lire le passage où Bayle a avancé : qu'il e'toit bon de prêcher
ï Évangile aux sauvages, parce que, dût-on ne leur apprendre qii autant de
christianisme qu'il en faut pour marcher habille's, ce seroit un grand bien pour
les manufactures anglaises f-
Quant aux maisons construites à demeure fixe, elles ne pouvoient être
qu’assujettissantes et incommodes pour des peuples chez qui la vie errante
a tant de charmes. Aucun indigène ne devoit donc être tenté de
se bâtir une habiiation en pierre ou en brique ; mais combien de
voyageurs, au contraire, se sont trouvés heureux de jiasser la nuit
sous un appentis en écorce, fait à la hâte à la manière du pays, par
leur guide sauvage! Dawson, dans une circonstance de ce genre, affirme
Indigènes
actuels.