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P o n - Ja ck so n , fides qu’ils commettent si fréquemment; mais nous verrons bientôt que
De l’homme cette contradiction apparente tient à la législation de leur pays.
Ils supportent la douleur sans articuler une seule plainte, quelle que
puisse être d’ailleurs la gravité de leurs blessures; mais à côté de ces
preuves de force de caractère, se montre parfois une pusillanimité
excessive. Faut-il passer sur ie territoire d’une tribu ennemie ou étrangère
, la peur qu’ils en témoignent passe véritablement toute croyance.
Le motif allégué par eux est toujours que si ces étrangers venoient à
les prendre, ils les feroient rôtir et les mangeroient ensuite.
Anthropophagie. — Or, cette crainte est trop générale pour n’avoir pas
quelque fondement; et quoique l’on ne puisse pas dire absolument que
les Nouveaux-Hollandais soient cannibales dans toute ia rigueur du
terme, cependant on ne sauroit douter que dans plus d’une circonstance,
la colère et l’esprit de vengeance n’aient engagé quelques individus à se
livrer à cet excès de férocité. M""' Macquarie m’a assuré que pendant son
séjour à Port-Jackson, un Anglais qui s’étoit égaré dans les bois, fut
rencontré, rôti et dépecé par les sauvages.
Lorsque la femme d’un individu qu’ils haïssent mortellement vient à
tomber entre ieurs mains, ils la coupent par morceaux, et chacun d’eux
après avoir fait rôtir la part qui lui en revient, en mange ce qu’il veut.
Voilà du moins ce qui fut raconté à Barrailler (i) par un naturel de Port-
Jackson nommé Gogi, et certifié par piusieurs autres, qui assurèrent
même s’être ainsi vengés sur la femme d’un de leurs ennemis particuliers
et avoir goûté de sa chair. Dans l’intérieur du pays, tant auprès du mont
Harris que de la rivière Morumbidgee, ona eu lieu des’assurer qu’un usage
aussi infâme n’étoit pas non plus inconnu (2). J ’ai déjà dit que ces
exemples sont ici fort rares, qu’ils sont même aujourd’hui moins fréquens
qu’autrefois, et qu’en général les naturels témoignent une grande
horreur pour cette abominable pratique.
Amour de la patrie. — L’amour de la patrie se manifeste chez eux avec
beaucoup de force. Un vol ayant été commis par un individu que ses
( i ) V o y a g e manuscrit.
( 2 ) Stu rt ( Op. cit. ) rapporte le trait horrible d’un sauvage qui après avoir écrasé la tête
de son propre fils contre une p ie rre, le jette sur le feu et le dévore ü
me
en société.
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . . 7 4 3
compatriotes ne voulurent pas faire connoître, la tribu entière à laquelle Pon - Ja ck so n
il appartenoit fut condamnée, par l’autorité anglaise dti port Stephens, à D e Ihomn
être déportée d’un côté à l’autre de la baie. Celte punition, <]uoiqiie sévère,
parut juste à ces pauvres gens, qui tous partirent en pirogue avec un air
de tristesse qui pénétra tous les spectateurs. Bientôt ils ouvrirent une
négociation pour obtenir la remise de ia peine, et proposèrent de bannir
le coupable d’au milieu d’eux; mais celui-ci étant venu se présenter lui-
même aux magistrats, préféra de subir une punition corporelle, plutôt
que d’être forcé à vivre ainsi éloigné de sa famille et de ses amis , après
cette satisfaction donnée aux lois, ia tribu revit ses foyers, et l’auteur
du délit témoigna depuis un véritable repentir.
En cherchant à retirer ies sauvages des bois, dans l’intention de les
civiliser, à la manière européenne, les Anglais n’ont guère réussi qu’à
leur faire vivement regretter le lieu de leur naissance. Pour ne pas trop
les mécontenter, il a fallu leur permettre de retourner de temps en temps
dans leurs familles, et d’y passer quelques semaines ou même des mois
entiers, pour y vivre selon leurs habitudes natives; sans cette condescendance
on auroit fini par les perdre tout-à-fait, comme on a pu s’en
convaincre par plusieurs essais. Après une absence un peu longue, la
simple vue, même éloignée, des coteaux et des campagnes où s’est écoulée
leur enfance, les jette dans des transports de joie extraordinaires. « Dieu qui
» nous attacha par un charme si délectable et si doux à toutes les choses
» du pays, dit Marchangy (i), et qui nous donna tant de répugnance
» pour les modes et les coutumes étrangères, qui nous inspira tant de
>■ courage pour défendre les moeurs et les usages trouvés au coin des an-
» ciens loyers, nous auroit-il, par une contradiction étrange, obligé de
» cjuitter, pour nous enquérir de je ne sais quelle science arbitraire, le
» lieu natal où le coeur est retenu par des noeuds sacrés? ■
Cet amour du sol et des habitudes de famille explique aussi pourquoi
chaque peiqtlade trouve que tout se fait beaucoup mieux chez elle que
chez ses voisins; amour-propre bien naturel sans doute, et dont nos
sociétés civilisées offrent elles-mêm-es tant d’exemples ! Mais on peut
( 1 ) T risiali le voyageur, t. 1.
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