
A dd itions, » voulant en même temps détruire l’opinion qui existe chez ies Anglais,
» que nous sommes le peuple le pius irréligieux de la terre, je donnai des
» ordres pour le dimanche suivant.
» La messe a été célébrée par monseigneur : plusieurs catholiques de
Kororakéka me demandèrent la permission d’y assister, et je mis un
» canot à leur disposition; plusieurs protestans y vinrent aussi. Tout
» l’équipage, et la plus grande partie de l’état-major, ont assisté à cette
» cérémonie toute religieuse et militaire; une garde nombreuse avoit été
» désignée pour rendre les honneurs d’usage au moment de l’élévation.
» Cette céi'émonie a été remarquable par une allocution relative à ia
» circonstance, faite par monseigneur, et terminée d’une manière tou-
» chante par l’appel de la protection divine sur ÏHérdine, pour guider
» au milieu des écueils ces enfans de la France, portés si ioin de ieur pa-
» trie, de leur famille, et donnant au bout du monde un si noble exemple
» de foi et de piété; elle i’a encore été par le profond recueillement de
» l’équipage, dont la tenue, dans cette circonstance, a dépassé de beau-
.» coup ce que j’en attendois , et a pu donner une haute idée de ses senti-
» mens religieux aux étrangers qui étoient présens; eile l’a été encore par
» 23 hommes qui ont fait ou renouvelé ieur première communion, et par
» ia présence de Grégorio Tiro, chef nouveau-zélandais, que monseigneur
» l’évêque avoit baptisé ii y avoit quelque temps, et avoit amené avec
» lui d’Hokianga. Son étonnement, son immobilité, son attention n’ont
» été un instant interrompus que par le mouvement des hommes armés
» mettant le genou en terre et portant la main au chapeau; mais les tam-
» hours battant aux champs au moment de l’élévation ont surtout produit
» un grand effet sur iui; en vrai militaire, Grégorio Tiro a fait aussi le
•> salut de la main.
» Après ia messe j’ai donné à ce chef nouveau-zélandais un sabre
•• d’infanterie. Ce cadeau de la main du grand chef l’a beaucoup flatté;
.. mais j’ai sincèrement regretté de n’avoir pas en ce moment de belles
» armes, que j’eusse pu lui offrir de ia part du Roi.
» Retenu avec monseigneur au dîner, auquel assistoient le capitaine
.. du navire le Mississipi et plusieurs officiers, Grégorio n’a point paru
» embarrassé à table; il a mangé et bu de tout modérément; jamais il ne
» s’étoit trouvé à pareille fête, et il s’est montré enchanté de ce qu’il
■> voyoit. La corvette, ses canons, son cuivre si brillant, ses boulets si
” gros, l’équipage en grande tenue, le maniement des armes, la récep-
» tion de monseigneur, le salut à coups de canon, l’uniforme des officiers,
'■ le dîner, le luxe de la table, &c,, il a tout remarqué, tout admiré en
» homme intelligent; enfin il a puisé, dans trois jours de séjour à bord de
l Héroïne, ie sujet de récits a faire à ses compatriotes pendant piusieurs
» mois.
» Mais si Grégorio a été content de son voyage , monseigneur n’a pas
>• paru l’être moins du sien : ces honneurs, ces déférences, cette céré-
» monie si édifiante, ont avancé ses travaux à la Nouveiie-Zélande pius
” qu’une année de séjour n’auroit pu ie faire, à cause de la révolution
» que ces cérémonies ont dû produire dans i’esprit des malheureux in-
» digènes.
» Monseigneur est parti ce matin 1 5 mai, à 8 heures, pour retourner à
Hokianga. Pendant son séjour ici je l’ai accompagné aussi souvent que
” ses occupations et les miennes l’ont permis , et je l’ai eu tous les jours
” à dîner avec moi. »
L- II, 3 .“ part., p. 915, à la note au bas de la ajoutez:
Les Annales maritimes de 1838 nous apprennent que M. le baron de
Thierry se trouvoit à Londres, il y a environ dix ans, lorsque plusieurs
chefs de la Nouvelle-Zélande y arrivèrent. Il acheta d’eux, à prix d’argent,
et par un contrat en bonne forme, des terres dans la partie septentrionale
de ces îies, et envoya un missionnaire anglais pour en prendre
possession; mais celui-ci se livra à ses propres affaires, et abandonna
ensuite la contrée en emportant l’argent qu’il y avoit amassé. Ces circonstances
décidèrent M. de Thierry à accéder aux voeux d’un grand
nombre de notables habitans du pays, qui l’invitoient à venir se mettre
à leur tête pour être ieur chef souverain.
Plein de ces projets, il partit d’Europe avec sa femme et cinq enfans,
et, après plusieurs années de la vie la plus misérable et la plus aventureuse,
il arriva enfin au Port-Jackson en juillet 1837. 11 trouva là que les
esprits étoient fortement hostiles à ses projets, et y vit qu’une expédition
se disposoit à mettre sous voiles pour aller exploiter les bois qui