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qu’il ne pouvoit point agir seui dans cette circonstance; qu’il devoit consulter
ses officiers, et que, comptant dès le soir même ies réunir à
souper, on discuteroit alors ia chose à fond.
» Parmi le grand nombre de questions que me fit le capitaine Orne,
je m’aperçus qu’il desiroit particuiièrement connoître la quantité de
vivres que nous avions sauvés de l'Uranie: je crus comprendre qu’il n’a-
joutoit pas beaucoup de foi à ce que je lui disois ; probablement il lui
paroissoit incroyable que des matelots, dans une position où la discipline
est ordinairement très-relâchée, eussent pu veiller eux-mêmes religieusement
et sans y toucher, à la conservation des barriques de rhum et
d’autres liqueurs fortes dont ils étoient privés depuis longtemps, malgré
d’incessantes fatigues.
» Pendant le reste de la journée le capitaine Orne me lit beaucoup d’amitiés,
et me promit d’employer tous ses efforts pour activer autant que
possible l’expédition des secours que j’étois venu lui demander, ajoutant
que, si le Général 'Knox étoil à lu i, il n’hésiteroit pas à partir sur-le-champ.
» Après le souper ia conférence annoncée commença; elle fut longue
et hérissée de difficultés, que chacun des officiers présens à l’entrevue
s’attachoit à faire ressortir. Plusieurs moyens que je proposai furent
rejetés. Il seroit long de les rapporter tous. Je voulois que le Général
Knox vînt nous chercher à ia baie Française; mais cette idée ne fut point
admise, on préféroit, en cas d’arrangement, d’envoyer le Pinguin et te
Brooks pour nous prendre nous et nos bagages et nous charrier en quelque
sorte jusqu’à l’île West-Point. A cet égard je ne pus rien obtenir de
meilleur.
» Cependant ia question pécuniaire fut de beaucoup la plus orageuse
et ia plus difficile à traiter. Chacun exagéroit à l’envi les inconvéniens
et les pertes qui devoient résulter pour les armateurs de la suspension
de la pêche qu’on étoit en train de faire, et la longueur du temps qui
etoit nécessaire pour conduire l’équipage de l'Uranie à Rio de Janeiro.
L’un insîstoit sur les avantages de la pêche des phoques; un autre prétendoit
qu’une absence momentanée des Malouines leur feroit perdre,
non-seulement la saison actuelle, mais encore la saison prochaine, en
sorte, disoit-on, qu’il falioit calculer sur la perte totale de la cargaison.
LIVRE VI. — D e P o r t - J a c k s o n e n F r a n c e . 12 5 7
Le patron Hamond lui-même, qui avoit ordinairement un flegme si
parfait, parla avec une violence et une brusquerie excessives, sans doute
parce qu’il étoit question de ses intérêts.
» Le capitaine Orne, au contraire, mit beaucoup de mesure et de politesse
dans toutes ses paroles. Je le priai de vouloir bien, en définitive,
fixer la somme totale qu’ii vouloit exiger pour nous conduire au Brésil,
et i’on me fit ce singulier calcul :
» Nous pouvons facilement nous procurer 4 000 barriques d’huile;
mais supposons-en seulement 3 000, à 30 gallons par chaque baril,
cela fait 9 0 0 0 0 gallons; or le gallon de cette huile se vendant une
demi-piastre aux États-Unis, cela donne 4 j 000 piastres pour notre
cargaison; nous avons maintenant 12 000 gallons d’huile, ainsi c’est
6 000 piastres qu’ii faut ôter du total ci-dessus, ce qui réduit notre
perte à 39 000 piastres. Par un calcul semblable ils trouvèrent qu’en
sus des 4 000 peaux de phoques qu’ils possédoient déjà, ils pouvoient
s’en procurer encore un pareil nombre; or, à raison de 3 piastres chacune,
c’étoit une somme de 12 000 piastres à ajouter à la première;
ce qui donnoit un total de 5 1 000 piastres [environ (i) 276 930* ], valeur
du complément de la cargaison du Général Knox. Telle étoit ia
somme modique que M. Hamond insistoit pour qu’on nous demandât.
Mais le capitaine Orne étoit loin d’adopter des prétentions aussi excessives;
il se bornoit à exiger 3.5 000 piastres [ 13 5 750^] et à nous tenir
dégagés, moyennant ce déboursé, de toute espèce d’assurance relative à
son navire; je pense même qu’ii eût consenti, à ia fin, à partir pour
moins. Mais nos pourparlers pouvant traîner en longueur, je proposai à
ce capitaine de venir avec moi à ia baie Française, où l’affaire que nous
discutions pourroit être réglée avec beaucoup plus de facilité. Il y consentit
d’autant plus volontiers que ce déplacement ne pouvoit en aucune
manière être nuisible à ses opérations.
» Cet article fixé, nous mîmes à ia voile le 2 avril de grand matin,
enmenant avec nous un chien de chasse, que le capitaine Orne vouloit
bien consentir à nous prêter pour nous aider à la chasse des boeufs
( i ) J e compte ici la piastre à sa v a leur intrinsèque de jh 43 " ; la v a leu r de compte étant
nécessairement v a r iab le , en raison du change.
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