
Iles San dw ich, issus comme eux du sang des dieux, ies chefs d’un ordre moins éminent
D e l’homme
en société.
Moeurs
et caractère
des habitans.
se partagent en plusieurs catégories, en raison des fonctions qu’iis remplissent
et de l’autorité dont ils sont investis. Les prêtres des idoles,
quoique appartenant aussi aux castes supérieures , forment cependant
une division à part. La classe du peuple, de beaucoup la plus nombreuse
et la plus abjecte, comprend les personnes qui s’occupent péniblement
de la culture des terres, des transports, et en général des travaux manuels
les plus rudes.
La population blanche, quoique peu considérable encore, et les métis
qui proviennent de son croisement avec la race indigène, appartiennent
à une subdivision nouvelle, qui prendra sans doute à ia longue un notable
accroissement.
Nous avons trouvé les Sandwichiens aussi tranquilles et aussi inoffensifs
qu’ils avoient paru l’être à Vancouver, dans les derniers temps de
son séjour dans ces iles, ainsi qu’aux autres navigateurs plus modernes
qui ont visité avant nous ces contrées. Sûrement il existe encore parmi
eux des êtres féroces, capables des plus grands excès ; néanmoins on peut
dire que, depuis le règne de Taméhaméha, ces peuples vivent en bonne
harmonie, et mènent une vie qui n’est plus troublée par les guerres que se
faisoient jadis des chefs ambitieux et encore non soumis sous un sceptre
unique.
Quoi qu’il en soit, on gémit en pensant que des hommes en apparence
si doux, ne sont que trop réellement convaincus de se souiller par des
actes d’une barbarie révoltante, et qu’on auroit peine à croire, si l’on n’en
retrouvoit pas des exemples chez les Chinois, nation renommée par sa
sagesse et par l’antiquité de sa civilisation : je veux parler de i’infanti-
cide. Pour les pius minces sujets de mécontentement, le père et la mère
ont ici le droit de faire périr les fruits de leur union, et iis consomment
souvent ce crime avec un sang-froid et une atrocité qui font frémir
d’horreur. Sans parler des avortemens , dont les femmes bravent avec
indifférence ies périls, on en voit qui étranglent leurs nouveaux-nés, ou
même qui les enterrent vivans, parfois à côté de leur couche , sans
qu’aucune émotion décèle le moindre sentiment de pitié ou de remords.
M. Ellis, qui nous transmet ces détails {op. ch.), croit que, par cette
LIVRE IV. — D e G ® am a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 587
abominable pratique, plus de la moitié des enfans sont annuellement Iles San dw ich,
détruits. Il est des parens qui ne craignent pas d’outrager ainsi la nature, U e l’ homme
seulement en vue d’éviter une surcharge de bouches à nourrir : mais
concevra-t-on que ce soit par paresse, par crainte de l’embarras et des
soins que réclame le jeune âge, soins qui paroissent si doux au coeur
d’une mère européenne, concevra-t-on , dis-je, que ce soit le plus souvent
pour un pareil motif que des femmes dénaturées se laissent entraîner
à une action qui les ravale au-dessous de la brute. Ces horribles sacrifices,
il est vrai, sont presque proscrits dans les familles aisées; mais celles-
ci sont peu nombreuses , et leur exemple n’empêche pas l’influence destructive
qu’ils exercent sur le développement de la population.
«Rien n’annonce, dit M. Gaimard, que ces insulaires aient jamais été
anthropophages. Leurs manières envers les étrangers sont assez bienveillantes
; nous avons même pu juger qu’ils entendent un peu trop largement
les devoirs de l’hospitalité : toutefois, à la ville comme aux champs,
chez les grands comme dans les cases les plus misérables, nulie part on
ne nous a offert à nous désaltérer. Comment ne leur vient-ii pas à l’idée
que le voyageur qui parcourt ce climat brûlant, éprouve par-dessus tout
le besoin d’étancher sa soif! Lorsque nous trouvions les habitans occupés
à manger leur poé , ils ne manquoient jamais de nous engager à faire
comme eux; mais nous offrir à boire, jamais ils n’y ont pensé. En
définitif, nous n’avons pas trouvé chez les Sandwichiens ces attentions
affectueuses qui sont si touchantes chez d’autres peuples, et dont ies
insulaires de Timor et des Mariannes nous avoient si souvent donné
des preuves.
» Nous sommes loin, en effet, de regarder comme compensation un
genre d’obséquiosité qui répugne trop à nos moeurs pour trouver ici des
éloges. Dans toutes les maisons où nous entrions pendant nos courses,
on s’empressoit de nous offrir les faveurs de quelque belle de la famille ,
comme ailleurs on invite à accepter du vin, du café, du tabac; les
paroles d’usage en pareil cas étoient proférées à i’envi par les hommes
et les femmes , par les jeunes filles, les petits garçons et les vieillards ;
on eût dit qu’ils craignoient de ne pas être compris. Si la victime laissoit
apercevoir, ce qui étoit rare, quelque velléité de résister au sacrifice ,
M i