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D e l’homme
en société.
Tei est le récit du seui engagement général dont ^histoire nous ait
conservé les détails. Dans une autre circonstance, que relate Dawson,
les armées ennemies arrivèrent en présence, mais cette fois tout se passa
en propos et en menaces réciproques, sans que l’armée assaillante osât en
venir à des voies de fait. La présence, dans l’armée opposée, de piusieurs
Anglais armés de fusils, explique suffisamment cette hésitation, et ie motif
de la retraite qui ne tarda pas à s’effectuer.
Combats de punition, — Les combats de punition ont lieu plus fréquemment.
L’un d’eux se livra au port Stephens. Une vieille femme,
armée d un bâton pointu, s’étant avancée dans l’arène , une autre femme
âgée aussi, et du parti contraire, y descendit également; i’une et l’autre
commencèrent par faire un échange réciproque d’injures et de menaces,
à la suite desquelles l’homme coupable s’avança lui-même armé de son
bouclier et de sa sagaie. Ayant défié tous ceux qui avoient le droit
de le combattre, il frappa fortement son bouclier avec un woméra, par
manière de défi, et piétina en même temps la terre avec violence. Plusieurs
sagaies lui furent successivement lancées ; il les para toutes avec*
autant d’adresse que de bonheur, sans discontinuer de défier et de braver
ses antagonistes. L’un de ceux-ci, qui paroissoit le plus violemment courroucé,
alla à sa rencontre, et, lui présentant la tête, en reçut un vigoureux
coup de waddy, d’où résulta une cruelle blessure ; mais, sans
paroître aucunement en souffrir, il se mit à danser aussitôt devant son adversaire
à la manière des pantins; puis, brandissant à son tour son waddy,
il en asséna sur la tête de son antagoniste un coup capable d’assommer un
boeuf Celui-ci, non moins stoïque, n’eut pour ainsi dire pas l’air de s’en
apercevoir, et, malgré ies ftots de sang qui couloient de sa plaie, ii se mit
à danser comme l’avoit fait son compagnon. Dawson, qui étoit présent,
se trouvant emu dun si affreux spectacle, employa toute son influence
pour le faire cesser; les champions s’arrêtèrent en effet; mais, après un
moment de réflexion, ils lui demandèrent la permission de se donner encore
chacun un petit coup de waddy, sans se mettre, disoient-ils, en colère,
alléguant que, selon leurs usa'ges, il falioit que ia chose se terminât ainsi.
Il y a des combats de punition qui n’ont lieu qu’à la sagaie, et ceux-ci
se terminent souvent sans qu’il y ait de sang répandu, circonstance qui
LIVRE V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 79 5
tient principalement à l’adresse avec laquelle les naturels savent parer,
avec leurs boucliers, les traits qui leur sont lancés. On a vu dans quelques
occasions, et lorsque le coupable avoit satisfait à tout ce que l’usage
exigeoit de lui, le combat devenir général, et ies hommes, ies femmes
et les enfans , réunis dans une affreuse mêlée , donner et recevoir de dangereuses
blessures.
Il y a encore quelques autres différences dans la manière d’attaquer et
de se défendre; mais comme eiles dépendent sans doute de la nature de
l’agression, il ne nous a pas été possible d’en éclaircir la cause. Certains
combats n’ont lieu qu’entre deux individus, et en présence d’un ou de
piusieurs témoins , lesquels arrivent toujours armés sur le terrain. En cas
de S lon ie , les témoins sont obligés de soutenir ceux qu’iis accompagnent,
et de combattre, s’il le faut, seion certaines règles. Ces engagemens
partiels ne troublent point, au reste, l’harmonie qui existe dans les familles;
ce sont des formalités nécessaires qu’ii faut remplir.
Dans les combats avec le waddy, c’est toujours sur la tête et non
ailleurs que les coups sont portés; mais quand les femmes se battent
avec leurs bâtons pointus, elles n’épargnent aucune partie de leur corps.
Dans i’un comme dans l’autre cas on ne s’attache jamais à parer les
coups ; il n’en est pas ainsi quand on se sert de ia sagaie, dont ii est
permis de chercher à se garantir avec le bouclier. Lors d’un combat de
punition qui fut livré à Sydney, on lança à l’auteur du délit soixante-
quatre sagaies, dont dix-sept traversèrent son bouclier, et une seule
fatteignit au gras de la jambe. Il seroit contraire au droit des gens
que deux sagaies fussent lancées en même temps contre un individu :
cette coutume est observée avec une attention scrupuleuse.
D e l’homme
en société.