
P o n - Ja ck so n . forêt. Des jeux préliminaires, qui durent pendant huit jours , se célèbrent
D e 1 homme sur J g théâtre même où l’opération doit s’exécuter: ce sont, entre autres,
en société. '
des danses ou korroboris dont il sera parlé pius tard. Pendant leur durée
on procède aux préparatifs de la fête, et particulièrement à la construction
d’une sorte de cirque ovaie nommé yolahng, de trente pieds sur vingt
de diamètre. C ’est presque toujours en été que cette réunion a iieu; chacun
s’y montre avec ses plus brillans atours, c’est-à-dire décoré des peintures
en blanc et en rouge qui ont été décrites plus haut.
Dès leur arrivée, le^Kammerra-gals s’avancent d’abord, au nombre
d’une vingtaine, d’une des grandes extrémités du cirque vers l’autre, en
poussant un cri de joie particulier, auquel se mêle le bruit des sagaies
heurtées contre leurs boucliers; pour plus grand agrément ils font élever la
poussière avec leurs pieds, au point d’obscurcir la vue. Parvenus à l’extrémité
où sont, rassemblés les jeunes gens, objets de la cérémonie, un
Kammerra-gal se détache, s’empare de l’un d’eux et le conduit au milieu
du groupe de ses compatriotes, qui le reçoivent avec un redoublement
de cris. Ainsi entouré de guerriers armés, l’enfant semble être là
comme à i’abri des tentatives que ses parens pourroient faire pour
le reprendre. Ses camarades sont successivement enlevés de la même
manière; après quoi on ies fait asseoir ensemble à 1a partie supérieure
du cirque, en astreignant chacun d’eux à tenir la tête baissée, les mains
croisées sur le ventre et les jambes ployées sous lui. Ii faut qu’ils restent
toute la nuit dans cette position désagréable et gênée , et même qu’ils
y persistent jusqu’à ce que la cérémonie soit terminée ; jusque-là il, ne
ieur est permis ni de lever les yeux, ni de prendre de la nourriture.
Ici commence une série de tableaux emblématiques. L’un des karrahdis
se jette tout-à-coup par terre, y prend une grande variété de positions,
dans lesquelles il donne tous ies signes d’une extrême souffrance,
et paroît à la fin rendre un os mystérieux nécessaire à ia suite des opérations.
Durant cette scène, en apparence si pénible, une fouie de naturels
dansent autour du jongleur et poussent de grands cris, tandis qu’une
ou plusieurs personnes de la troupe le tapent incessamment sur le dos
pour faciliter la prétendue évacuation de l’os précieux.
Ce premier acteur ne s’est pas plutôt relevé, épuisé de fatigue et
LIVRE V. — D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . 7 5 1
de sueur, qu’un second lui succède, et parvient aussi bientôt, après les
mêmes contorsions, à faire sortir un os de son estomac. Ces momeries
persuadent aux jeunes gens, à ce qu’on suppose, que l’opération qu’ils
vont supporter sera d’autant moins douloureuse que les karrahdis auront
eux-mêmes davantage souffert.
A la nuit close, les spectateurs se couchent par petits groupes, ainsi
que les acteurs de la cérémonie, sans se mêler; mais dès que le soleil
paroît sur l’horizon, les Kammerra-gals se dirigent d’un pas rapide vers
le yolahng, dont iis font séparément plusieurs fois le tour, en poussant des
cris ; ils ramènent les enfans dans i’enceinte, les font asseoir dans la même
position que la veille, après quoi ies cérémonies continuent. Les officians,
s’étant mis d’abord à quatre pattes, paradent tout autour du cirque à
l’imitation des chiens du pays. Leur accoutrement est analogue aussi
à cette idée; en effet, le bomerang ou sabre de bois courbe, placé à leur
ceinture, figure assez bien la queue d’un chien. Chaque fois qu’ils passent
devant le groupe des enfans, ils leur jettent du sable avec ies pieds et
ies mains à ia manière de ces animaux. Les enfans cependant gardent
une immobilité et un silence parfaits, sans faire mine d’apercevoir le
tableau ridicule offert à leurs regards. Cette scène est vraisemblablement
une allusion à l’autorité que les jeunes gens vont avoir sur ies chiens.
Dans i’épisode qui suit, un karrahdi grand et robuste s’avance en
portant sur ses épaules un simulacre de kanguroo fait avec de l’herbe ; un
second acteur est chargé d’un fagot de broussailles, tandis que quelques
autres, assis dans le voisinage, chantent et battent la mesure avec deux
morceaux de bois, comme pour régler la marche. Plusieurs fois les
deux premiers acteurs font semblant de ne pouvoir avancer qu’avec peine;
mais ils s’arrêtent enfin, et déposent leur fardeau aux pieds des jeunes
néophytes, puis sortent de l’enceinte en feignant d’être exténués de fatigue.
L ’homme chargé des broussailles se passe dans ie trou de la cloison nasale
deux rameaux fleuris, volumineuse paire de moustaches de l’aspect le
plus singulier.
Ce kanguroo mort, offert aux jeunes gens, est la figure de l’investiture
du droit de chasse; les broussailles représenteroient-elles le repaire de
cet animal?
D e l’homme
en société.
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