
Colonie
de
I I 86 VO YAGE AUTOUR DU MONDE,
propriété sont par cela même plus éloignés de commettre des crimes.
Port-Jackson. effet, Ü n’est point complètement exact de dire que la propriété est
Considérations la véritable base de la morale publique, de même qu’on ne peut nier
, , aue l’indigence ne soit souvent une cause d’immoralité. On voit de les bagnes, etc. 1 ^
grandes vertus chez des personnes d’une fortune médiocre, et même
chez des gens tout à fait pauvres, tandis qu’on rencontre journellement
des individus riches très-corrompus et très-coupables. Ce sont ies passions
sans frein, le défaut d’éducation morale, et surtout l’amour effréné
des richesses, qui poussent dans la voie des forfaits.
F). Résumé.
II résulte des faits et des discussions auxquelles nous nous sommes
livrés, que i’état des condamnés, tel qu’ii existe en France, est effrayant;
que ies maisons destinées à les recevoir pendant la durée de leur peine
sont des écoles d’immoralité, où ils achèvent de se corrompre, et d’où,
rentrant pour la plupart dans la société, ils rapportent un levain qui augmente
annueilement, et qui doit, dans un temps donné, la corrompre
elle-même. Il importe donc beaucoup de remédier à ce mai, si grand et
toujours contagieux ; or quels sont les moyens à employer? Ceux dont on
a fait l’essai dans des contrées'étrangères, et que nous avons indiqués,
sont loin d’attaquer directement ie mal ; ils peuvent en pallier les conséquences,
mais ils n’en détruisent point ia racine : le moyen le plus
efficace, et même le seul qui soit véritablement efficace, c’est la religion.
S’il y a quelque chose de bien prouvé par l’histoire, et même de
bien senti, pour quiconque du moins porte un coeur droit et une raison
éclairée, c’est l’influence que la religion exerce sur tous ies hommes
civilisés ou barbares, mais principalement sur les coupables, les prisonniers,
ies pauvres, les malheureux: elle va à la source même du mal,
que ies efforts humains les mieux entendus sont incapables d’atteindre.
Elle agit sur l’intelligence, sur l’âme, sur la conscience, quelle réforme
en y faisant parvenir la vérité et ie remords; elle rend les coeurs moins
criminels et les ouvre même à la vertu ; elle fait entrer ces êtres, flétris par
le vice, dans une voie de repentir, souvent plus avantageuse pour la société
bienfaits en faveur des hommes dont nous parlons. Port-Jackson
L ’exemple de saint Vincent de Paul suffiroit à lui seul pour ie prou- Considération:
sur
les bagnes, etc.
ver; quel bleu la religion n’opéra-t-elle pas, par son ministère, sur ies
détenus, et principalement sur les forçats (i)! On peut dire, sans crainte
d’être démenti, que cet homme extraordinaire a fait à lui seul, dans l’intérêt
de la morale et du bien-être de la société, beaucoup plus que tous nos
froids spéculateurs ensemble. Des renseignemens, pris à une source qui ne
sauroit être suspecte, nous ont acquis la certitude que la religion produit
encore tous les jours des résultats non moins heureux sur les personnes
du sexe tombées dans les derniers désordres (2). Dans les maisons destinées
à recueillir ces malheureuses, un grand nombre se réforment de manière
à mener ensuite une vie toute différente, et même parfois exemplaire.
C ’est ce que nous avons appris personnellement, de la bouche
des Dames respectables placées à la tête de ces établissemens à Paris
et à Valence; et c’est ce que j’eusse pu apprendre encore dans les
(1) «Dans les intervalles de loisir que lui laissoient les missions, dit son biographe, Vincent
de Paul fixa ses regards sur les criminels condamnés aux galères et visita ies prisons où ils
étoient détenus avant leur départ pour Marseille. Quoiqu’il s’attendît à y trouver bien de la
misère, il en trouva plus qu’il ne l’avoit cru.... Après avoir obtenu un plein pouvoir d’agir comme
il l’entendroit.... il se dévoua tout entier au soulagement des maux spirituels de ces malheureux,
par des instructions pleines d’onction et de simplicité évangélique. Tant de charité et tant de
zèle ne tardèrent pas à porter leur fruit, tout le monde fut étonné du changement qui s’étoit
opéré en si peu de temps, et Louis XIII établit Vincent de Paul aumônier réal ou général des
galères de France, et lui en fit expédier le brevet. » ( De la Bouderie. )
(2) Nous citerons principalement, comme s’occupant de cet objet, la congrégation des religieuses
de Notre-Dame de Charité, instituée à Caen en 1651, par Je P. Eude, On les connoît
plus particulièrement en France sous le nom de Dames de Saint-Michel. Le but de leur institution
est de s’employer de tout leur coeur, par l’exemple d’une sainte vie, par la ferveur de leurs
prières et par l’efficacité de leurs instructions, à la conversion des filles et femmes qui, tombées
dans le désordre d’une vie licencieuse et se trouvant touchées de Dieu, veulent sortir de
l’état de péché, pour faire pénitence sous leur conduite. Il faut que ces filles et femmes coupables
entrent volontairement dans la maison, car on n’y reçoit personne par force ou
par contrainte. Au nombre de ces dernières on n’admet que celles qui sont en séparation. La
maison de la rue Saint-Jacques, à Paris, peut loger jusqu’à 120 pénitentes; on considère, en
calculant au minimum, qu’il s’en convertit au moins la moitié et que la durée d’une conversion,
c’est-à-dire le retour de ces filles au bien, est d’environ trois ans. A Valence, on comptoit, en
1836, que le nombre des conversions étoit de 88 sur 100, mais qu’il ne falloit’pas moins de 7
à 8 ans pour opérer une conversion sincère. Il y a aussi Paris la maison dite du Bon pasteur, où
l’on reçoit, dans le même but, les filles de mauvaise vie qui sont sous l’inspection de la police.