
1 178 VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Colonie dans l’imagiiiation et dans l’intelligence, il s’en joint une autre qui parle
Por t - Jackson. intérêts du plus grand nombre et généralise ia justification, reiative-
Considérations ment à la violation de tous les principes sociaux, tels que ceux de la
les b a g n L , etc. propriété, du mariage, de la famille, etc.
Dans l’énoncé qui précède je n’ai eu pour objet que de fixer l’attention
des hommes d’état sur une matière d’un intérêt immense, et dont
le développement comporteroit plusieurs ouvrages étendus. Les progrès
du mal sont rapides (1) ; on peut en juger par le seul fait de l’augmentation
des suicides rapporté plus haut, Ce n’est assurément pas sans
un juste sentiment d’alarme qu’on peut voir le nombre de ces êtres égarés
augmenter d’environ un tiers dans le court espace de sept ans; période
durant laquelle ies condamnations à mort ont diminué, avons-nous dit,
dans une proportion sensiblement égale.
La question de savoir si ie nombre des crimes va croissant en France
est extrêmement complexe; et le peu de fixité de notre légisiation pénale
s’oppose surtout à ce que les élémens du problème puissent être saisis et
traduits en chiffres dans toutes leurs parties. Beaucoup d’exemples moraux
cependant pourroient être accumulés pour soutenir l’affirmative,
mais les bornes de cet ouvrage m’obligent à ne pas fouiller plus avant
dans cette mine immense.
E ) .— Moyens d’ameTtoraüon proposes.
Après avoir parlé du système actueliement suivi dans nos ports, et des
principaux inconvéniens qui résultent, pour les individus comme pour
la société, delà constitution des bagnes, il nous reste à jeter un coup d’oeil
sur ies améliorations qu’il seroit possible d’y introduire.
Emprisonnement. — La première réflexion qui se présente à l’esprit est
celle de savoir si, dans un système complet de législation pénale, l’établissement
des bagnes (2) devroit être conservé. Mon opinion seroit de le
supprimer, ou du moins de n’y recevoir que des criminels condamnés à vie.
(r) On remarquera que je ne dis rien de spécial sur nos collèges et nos autres maisons d’éducation
, dont la morale, souvent excessivement relâchée^ pourroit aussi donner lieu aux plus
graves comme aux plus affligeantes réflexions.
(2) Pour éviter toute équivoque, je définirai ies bagnes : U n e p rison d ’ où les détenus enchaînés
sortent habituellement dans le jo u r p o u r rravailler hors de son enceinte.
L IV R E V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t , i l y q
Les conditions d’une prison bien faite sont encore susceptibles de Colonie
perfectionnemens. Anciennement on avoit suriout pour objet de séques- Port-Ja/k/on,
ti-er ie coupable delà société, et de le punir non-seulement pour empê- Considérations
cher qu’il ne tombât en récidive, mais encore pour effrayer ceux qui j,,, },agn/ etc
auroient été tentés de l’imiter. Cette double-considération paroît fondée
en principe ; mais la pensée d’améliorer le moral des détenus n’est ni
moins philanthropique ni moins importante. Tous les criminalistes sont
d’accord sur ce point, ils ne diffèrent que dans les moyens de parvenir
au but ; je dirai bientôt ce que je pense à cet égard.
La division des condamnés en catégories est un acheminement nécessaire,
indispensable même au bien qu’il s’agit de produire; mais par ce
mot de catégorie on doit entendre une division des criminels telle cju’ils
ne puissent avoir aucune communication entre eux; et, dans ie système
actuel de nos bagnes, cette division est impossible, puisque, lors même que
les condamnés seroient séparés dans les salles, ils se trouveroient confondus
aux fatigues. Je pense donc que, si i’on jugeoit devoir conserver les
bagnes, les forçats à vie devroient à eux seuls former une catégorie qu’on
diviseroit elle-même en plusieurs sections. Ceux qui auroient été condamnés
en récidive, soit simple soit redoublée(i), devroient être i’objet
d’une attention particulière : en général la législation ne sauroit sévir
trop rigoureusement contre ces criminels d’habitude. Il conviendroit aussi
que ies faussaires, les meurtriers, les hommes coupables de viol ne fussent
pas confondus les uns avec les autres, ni avec ies différentes classes de
voleurs. La conduite morale des détenus, longtemps et convenablement
éprouvée, devroit servir de règle pour passer d’une classe dans l’autre,
soit en montant, soit en descendant. Mais le choix du directeur d’un tel
établissement seroit une des choses les pius essentielles et les plus délicates;
il le faudroit ferme, charitable, instruit, d’une grande moralité,
et de plus investi d’un pouvoir étendu pour punir comme pour récompenser.
A cet égard, une marche énergique à la fois et bienveillante, unie à
une impartiale justice et au raisonnement, réussiroit beaucoup mieux,
pour dompter ies bandits les plus intraitables, que celle où l’on ne procé-
(1 ) Dans les Comptes rendus de l’administiation criminelle de la justice on cire des individus
qui ont été condamnés en récidive jusqu’à dix fois successivement.