
1820.
7 février.
1326 VO YA G E AUTOUR DU MONDE,
et gît auN. N. O. de ce cap; on y trouve des mouillages parfaitement sûrs
pour des navires de tout tonnage. Il est si aisé d’arriver au plus méridional
d’entre eux (nommé par le capitaine Weddell Wigwam-Cove), qu’il
suffit, pour l’apercevoir, de se rapprocher de la côte occidentale de la baie
et de la prolonger, eu courant à peu près au N. N. E. du monde ; c’est
le deuxième enfoncement que l’on trouve à bâbord, en entrant dans la
baie Saint-François.
» Relativement aux bourrasques violentes qu’on pourroit éprouver à
Wigwam-Cove pendant la durée des vents d’Ouest, il est certain que les
vaisseaux feront mieux de mouiller à son entrée, par 2 r brasses d’eau, fond
de sable et vase, et d’attendre là l’instant favorable pour se haler dans le
fond du port, où l’on devra s’avancer jusqu'à te que le cap Horn paroisse
caché par les terres les plus voisines du vaisseau. »
On trouve plusieurs autres mouillages, soit dans la baie Saint-François,
soit plus à l’Ouest dans Indian-Cove; mais notre objet n’étant point de
donner ici une instruction nautique détaillée de ces parages, je ne m’en
occuperai pas davantage.
§. III .
Navigation dans le détroit de le Maire ; arrivée et naufrage aux îles
Malouines.
La Terre-des-États forme, comme on sait, avec la partie orientale de
la Terre-de-Feu, un détroit d’environ 15 milles de largeur, connu sous
le nom de ¿étroit de le Maire. C ’est là où nous nous trouvâmes après
notre appareillage de la baie de Bon - Succès. Mais une brume épaisse
ne tarda pas-à couvrir l’atmosphère et à nous dérober la vue des côtes voisines
; il nous fallut donc naviguer comme à tâtons, tantôt sur un bord,
tantôt sur l’autre, sans d’autre moyen de connoître notre position que
le bruit des vagues qui se brisoient sur les roches avec un épouvantable
fracas. Le vent étoit forcé, ia mer très-grosse, et la brume, dans
son opacité, confondoit dans une même teinte la terre, la mer et le ciel
lui-même. La sommité des lames enlevées par ie vent, se mêlant à la
LIVRE VI. — De P o k t - J a c k s o n e n F r a n c e . 1227
pluie, ajoutoit à i’humidité extrême de l’atmosphère, et resserroit ies
bornes déjà si étroites de notre vue. Bientôt la nuit les restreignit encore,
et peu après la tourmente nous força de tenir la cape avec le grand hunier
au bas ris et ie petit foc, voilure sous laquelle l’Uranie se comportoit à
merveille.
Parvenu au milieu du détroit, et voulant soulager les mouvemens de
la corvette, je laissai courir vent arrière. « Dire en quel état se trouvoit
ia mer en ce moment, chercher à faire connoître la force immense qui
nous poussoit, seroit impossible. Cependant, malgré les plus violens
roulis et tout le danger de notre position, nous nous estimions heureux
de pouvoir nous abandonner au cours de i’ouragan, qui nous en-
traînoit loin des côtes , quand la vigie et les hommes qui se trouvoient
sur ie gaillard d’avant s’écrièrent tout à coup : Terre devant nous et fort
près! A ce cri effroyabie, ia terreur de la mort s’empara de tous ies
coeurs !..........» ( M. Gaudichaud. )
D’après mes calculs nous ne devions point avoir de terre devant nous;
mais les parages dans lesquels nous naviguions étoient encore si imparfaitement
connus, ies courans auxquels nous étions soumis étoienr si forts
et si variables, qu’au premier moment, influencé par J’annonce d’un fait
imaginaire, que tant de bouches répétoient comme à i’envi, je dus croire
qu’en effet nous touchions au dernier moment de notre existence. La
force du vent ne permettoit pas de porter plus de voiles que ce que nous
avions dehors; mais je pouvois lancer sur un bord ou sur l’autre, manoeuvre
qui eût été pour nous d’une foible ressource, si ia terre se fût
trouvée réellement aussi proche qu’on le disoit; enfin ii falioit la tenter.
Poussé par une force incommensurable, le mouvement d’oloffée imprimé
au vaisseau fut si rapide, que le grand hunier étant venu à fasseyer, ii
fut aussitôt déchiré et emporté comme une gaze légère : le bruit qui résulta
de cet accident vint ajouter encore à ia terreur panique qui s’étoit
emparée de l’équipage.
Cependant, ayant fait approcher de moi un de mes meilleurs matelots,
dont la vue étoit excellente, je lui montrai ia direction dans laquelle
on disoit apercevoir la terre, et lui demandai s’il voyoit quelque chose
de ce côté. Rassuré par sa réponse négative, non moins que par le calcul