
D e Wahou
à P o rt-Jackson.
1 8 19 .
Octobre.
N o v em b re .
que j’appelai île Rose, du nom d’une personne qui m’est extrêmement chère.
Ayant, dans la partie Nautique de notre voyage , consigné la description
de cette petite île entourée de récifs, nous ne la reproduirons point ici.
Plus tard nous rectifiâmes la position de l’île Pyltstaart et des îles
Howe, que nous vîmes ies unes et les autres à peu de distance.
Enfin, ie 13 novembre, nous aperçûmes le phare de l’entrée de
Port-Jackson. Nous en étions encore à bonne distance, quand le ciel
s’étant fortement disposé à l’orage, il nous fallut prendre des précautions
pour ne pas nous affaler sur la côte, dans le cas où une saute de vent rapide
et forcée viendroit à avoir lieu, ce qui n’est pas rare dans ces parages.
« Nous eûmes le lendemain, un peu avant le coucher du soleil, un
des plus beaux spectacles dont on puisse être témoin sur mer. Le vent
étoit Nord-Ouest, et souffloit avec force; des nuages très-sombres se
montroient dans diverses parties du ciel, lorsqu’un amas de vapeurs
de la même nature, mais occupant une plus vaste étendue, s’éleva du
milieu des terres, et s’avança rapidement vers nous. Sur un fond d’une
teinte horriblement rembrunie, se dessinoîent comme de longues collines
d’un blanc floconneux et satiné, qu i, agitées d’un mouvement de
rotation, changeoient à chaque instant de forme. Les bords du nuage,
noirs et déchiquetés , se détachoient en fuyant avec rapidité ; des éclairs
éblouissans ie silionnoient en tous sens; et le tonnerre, grondant par
intervalle, achevoient de rendre cette apparition plus sinistre.
» Bientôt le météore fut au-dessus de nos têtes, et nous couvrit d’une
obscurité lugubre. Non , jamais tableau ne parut ni plus majestueux, ni
plus imposant! Notre vaisseau, placé entre deux vents contraires, l’équipage
entier rangé sur les manoeuvres, et préparé à recevoir un orage
d’un aspect si nouveau pour nous, et dont même on ne pouvoit calculer
ni la durée, ni la violence, nous confirmèrent encore une fois tout ce
que peut l’intrépidité de l’homme luttant contre les forces de la nature. »
[M . Quoy).
«En ce moment, dit M. Gaudichaud, la mer éprouvoit des convulsions
non moins capables d’exciter i’étonnement et la terreur : ses lames
contrariées subitement par un vent opposé à leur direction, non-seulement
elle se creusa tout-à-coup, et se brisa sur elle-même avec une
LIVRE V .— D e s S a n d w i c h à P o r t - J a c k s o n i n c l u s i v e m e n t . ¿ 2 5
puissance étonnante, mais elle offrit encore un phénomène plus singulier D e Wahou
, , , . A c ' ' C à P o rt-Ja ck so n . dans ces bnsans , qui, enleves par le vent aussitôt que tormes , turent
roulés les uns sur les autres, et poussés à l’état de tourbillon dans un N ov em b re.
sens inverse à celui du mouvement primitif de la surface des eaux.
» Cependant, i’orage, qui avoit dépassé notre zénith, et qui donnoit
de la pluie, sembioit traîner à sa suite une fouie de nuages en bouies
et déchirés, qui ne prouvoient que trop ia grande agitation de l’atmosphère.
L ’horizon, du côté de l’Est, étoit encore clair, tandis que, dans
i’Ouest , le soleii couchant, qui perçoit de temps à autre à travers
le's nuages , tout en laissant voir quelques montagnes de la Nouveile-Hol-
lande, jetoit un jour obscur sur cette scène imposante. »
Enfin la brise diminua de force, et nous permit de manoeuvrer
pour nous rapprocher de l’entrée du Port-Jackson, dont ie fanal nous
servoit de guide. Le 1 5 , nous pensions pouvoir arriver avant peu au
mouillage, quand une bourrasque de vents contraires vint de nouveau
nous assaillir, e t , prenant progressivement de la force, nous obligea
d’abord de diminuer de voiles , et bientôt de mettre à la cape ; le
navire éprouva dans cette circonstance des roulis extrêmement forts et
fatigans. Après deux jours de lutte, surpris par des caimes et de foibles
brises, nous ne parvînmes à jeter l’ancre dans la rade de Sydney que le
i 8 à sept heures trois quarts du soir.
§. IL
Séjour à Port-Jackson.
La tranquillité parfaite dont nous jouîmes au mouillage fut pour
nous pleine de délices. Je m’attendois à retrouver la vilie de Sydney
agrandie, mais non dans un état tout-à-fait différent de celui où je l’avois
laissée, ii y avoit quinze ou seize ans, pendant l’expédition du capitaine
Baudin; quel fut donc mon étonnement, lorsque le ip , à la pointe
du jour, je pus contempler l’admirable aspect d’une cité européenne
prospérant au sein d’une contrée presque sauvage !