
57(i VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Iles S andw ich, état de marasme complet. Un remède éméto-cathartique est administré
D e l’homme par les naturels dans cette maladie, qui épargne rarement ceux qui
c o m m e i n d i v i d u . x j o x
en sont attaqués. Dernièrement, selon M. Rives, elle avait emporté
beaucoup de monde.
Petite - vérole. — » La maladie cutanée qui porte ce nom n’a pas
encore, dit-on, répandu ses ravages aux îles Sandwich: à Wahou,
lorsqu’on croit qu’un enfant en est atteint, on l’étouffe.
Folie, rage. — » II n’y a point ici de chiens enragés; mais on con-
noît quelques fous : on lie les maniaques, et parfois on les laisse mourir
de faim.
Atrophie des membres. — » Un enfant de huit ans se montra à nous,
aux environs de Kayakakoua, avec le bras gauche amaigri et le droit
atrophié ; chaque main n’étoît pourvue que de quatre doigts et de quatre
os du métacarpe. Les doigts de la main gauche étoient recourbés et un
peu déformés; ceux de la droite , au contraire, paroissoient dans leur état
normal, et n’offroient, ainsi que la main, pas la moindre apparence de
difformité.
Rachitis. — » Nous rencontrâmes à Kohaïhaï un petit homme nommé
Araou, de 4 pieds 2 pouces [ i ‘",3 5 ] de haut, fluet, très-foiblement
constitué, bossu par devant et par derrière ; son pouls ne donnoit pas
moins de p3 pulsations par minute.
Accouchemens. — » II meurt quelquefois des femmes en couche, et
cela arrive infailliblement lorsque l’enfantement naturel est impossible.
On lave à l’eau de mer les nouveaux nés, et on ies étend ensuite sur des
nattes. Les femmes vaquent à leurs occupations aussitôt après qu’elles
sont accouchées. II y a des personnes de ce sexe qui font profession de
donner ieurs soins à celles qui sont en travail.
Blessures. — » Les chefs, ainsi que leurs femmes, sont les personnes
qui connoissent le mieux l’art de guérir les blessures. » [M . Gaimard.)
§. VI.
De l ’Homme vivant en famille.
Nourriture. Préparation des alimens. — Selon M. Guérin, les Sandwichiens
LIVRE IV. — D e G û a m a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 577
mangent à toutes les heures de la journée; ce sont, tantôt des cannes à lies S andw ich,
sucre, tantôt des bananes , des pastèques ou des melons. Cependant des
repas plus substantiels ont lieu à trois époques principales de la journée :
à l’heure où l’on se lève, au milieu du jour, et à l’instant où le soleil
disparoît sous l’horizon. On sert aiors une bouillie aigrelette [poé], faite
avec la racine du taro [chou caraïbe]; quelquefois un cochon ou un
chien cuit au four, du poisson frais, cru ou grillé, ou bien de la chair de
porc et de poisson salé, que les naturels aiment beaucoup.
Les fours dont on fait usage ressemblent parfaitement à ceux des
Mariannes, que nous avons décrits dans un de nos précédons chapitres.
Pour préparer le poé, on commence par faire cuire dans ces fours souterrains
le taro , qui a préalablement été gratté avec une coquille et enveloppé
de feuilles de bananier ou de ti ; on l’écrase ensuite sous une
sorte de pilon en pierre; puis on délaie ia pâte dans l’eau, de manière
à en former une bouillie liquide. Cette pâte, lorsqu’elle a fermenté
pendant douze ou dix-huit heures, acquiert une saveur acidulé qui,
quatre ou cinq jours après, est pius forte encore et flatte davantage le
goût des habitans. Si le taro cuit au four, comme on vient de le dire, est
pétri sans eau, il donne une sorte de pain qui, enveloppé de feuilles
et séché au soleil, peut se conserver pendant plusieurs mois : c’est ia
provision essentielle des marins. Quelquefois, au lieu de poé, les Sandwichiens
mangent des patates douces et des racines de t i , cuites par
ie même procédé : nous ne nous sommes pas aperçus que le rima ou les
ignames fussent chez eux des substances aussi recherchées.
Les mets sont servis sur des nattes étendues par terre, et autour
desquelles chacun des convives s’accroupit ou s’étend. Le poé est contenu
dans d’énormes calebasses (pl. p o , fig. 1 5 ) ; le reste dans des
plats en bois de diverses grandeurs (même pl . , fig. 14) : chez les chefs
du premier ordre, cependant, on commence à employer des piats en porcelaine
de Chine, des verreries, &c. L ’usage des fourchettes et des cuillers
est encore inconnu; chacun trempe son doigt index dans la bouillie, et ia
porte ainsi à la bouche. Des ablutions précèdent et suivent chaque repas.
Le seul assaisonnement du poisson cru est ia saumure ou simplement l’eau
de mer : ceiui qu’on veut fiiire cuire est placé à cet effet sur des pierres