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Août.
retourner; mais avant qu’il partît, il me fallut encore lui faire cadeau de
deux bouteilles d’eau-de-vie, pour boire, disoit-il, à ma santé et à mon
heureux voyage : la reine veuve en reçut autant ; et chacun des assistans ,
prenant modèle sur le maître, se crut obligé de m’en demander aussi.
Ce n’est pas trop d’avancer que cette royale compagnie but ou emporta,
dans l’espace de deux heures , ce qui auroit suffi à l’approvisionnement
d’une table de dix personnes pendant trois mois.
Divers cadeaux avoient préalablement été échangés entre nous; parmi
les choses qui me furent offertes par la jeune reine Kamahamarou, se
trouvoit un petit manteau de plume, vêtement fort rare aujourd’hui,
même aux Sandwich. A son départ, je saluai de nouveau le roi de onze
coups de canon.
Kraïmokou, le pilote royal Kéihé-Koukoui et M. Rives restèrent à
dîner avec moi, et j’eus i’avantage de posséder aussi M. le capitaine
Thomas Meek, du navire anglo-américain ÏEagle, de Boston, qui étoit
entré le matin dans ia baie. Ce navire, parti depuis plusieurs mois des
États-Unis d’Amérique, étoit allé d’abord faire la traite des pelleteries
à la côte Nord-Ouest; de là, venu aux îles Sandwich pour y
prendre du bois de sandal, il s’occupoit, en attendant cette partie de
son chargement, à faire le cabotage d’île en îie. En dernier lieu , il avoit
apporté de Wahou, avec un nombre considérable de passagers sandwichiens,
un chargement de quatre-vingt-dix tonneaux [ 2 0 1 600 livres
avoirdupois = 9 1 4 1 3 kilogrammes] de poé, sorte de bouillie, destinés
pour la cour de Riorio. M. Meek devoit enfin partir de conserve avec
le navire le Parangon, en ce moment mouillé à 'Wahou , et se rendre
en Chine pour y vendre sa cargaison.
J ’appris du capitaine Meek que le dernier de ces bâtimens avoit une
assez grande quantité de biscuit et de riz pour être sûr qu’ii consentiroit
à m’en vendre selon mes besoins. Cette nouvelle ne pouvoit m’être indifférente,
puisqu’elle nous laissoit l’espoir de pouvoir compléter dans ces
îles sauvages une partie aussi importante de notre ravitaillement.
Après ie dîner, Kraïmokou me demanda et obtint la permission de
vendre à bord quelques provisions , consistant en sucre , thé, chocolat
et liqueurs fortes ; mais il porta le prix de ces denrées à un taux si élevé,
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A oût.
LI’YRE l ' y . — D e G o a m a u x S a n d w i c h i n c l u s i v e m e n t . 5 4 1
qu’il ne put trouver aucun acheteur. Je donnerai une idée de ses prétentions,
en disant qu’ii ne demandoit pas moins de cent piastres pour un
baril de mauvais rum , de la contenance d’environ dix bouteilles.
En prenant congé du roi, je lui avois annoncé mon projet de mettre à
la voile cette nuit même; aussi avoit-il donné ordre à Kiaïmoukou de
partir avec'moi, afin que, dans le délai le plus court, les provisions qui
m’avoient été promises me fussent livrées à Mowi. Ce chef vint à bord
à la nuit close, accompagné de plusieurs officiers et d’un assez grand
nombre de gens. M. Young m’envoya aussi son chargé d’affaires. Enfin
M. Rives lui-même me remit une lettre pour l’intendant de ses terres,
avec ordre de me délivrer tous les cochons, poules, & c ., qu’on pourroit
y réunir : or, je trouvai bien l’homme auquel s’adressoit cette lettre ;
mais il me dit n’avoir jamais entendu parler ni des domaines dont on ie
qualifioit l’intendant, ni des bestiaux qu’ils contenoient.
M. Lamarche, pendant notre séjour dans la baie de Kohaïhaï, avoit
établi nos tentes sur la côte voisine du mouillage, et MM. Bérard,
Raiiliard, Dubaut et lui y avoient fait assidûment leurs observations,
tandis que M. Duperrey, avec son habileté accoutumée, s’occupoit de
la géographie de la baie.
Le calme qui a coutume de régner ici pendant la nuit, cessa seulement
le I 5 à quatre heures du matin, où une brise très-foible permit que
nous nous éloignassions de la côte. L’île Taliourowé étant doublée, je
me rapprochai de Mowi, mais ne mis à l’ancre devant Raheina que le
lendemain à midi et demi.
Mouillage à Raheina. — Nous descendîmes aussitôt à terre, M. La- Sé jou r à Mowi.
marche et moi, dans le dessein de visiter l’aiguade, et de choisir un lieu
propre à l’établissement de nos instrumens. Kiaïmoukou vint avec nous,
et voulut bien , à ma demande, tabouer une plate-forme voisine d’un
morai et d’une maison bâtie en briques rouges , qui convenoit à nos
opérations futures ; cette formalité du tabouage nous assuroit que notre
observatoire ne seroit point envahi par les curieux importuns. Non loin
de là, l’aiguade offrit, pour l’embarquement de l’eau, toutes ies commodités
nécessaires.
Cet objet essentiel une fois réglé, Kiaïmoukou m’engagea à faire