
A CQ U Ê T f. m. ( D roit coutumier. ) c’eft un
bien immeuble' dont on a acquis la propriété par,
achat, donation, ou autrement que par fucceflion.
On emploie ce- mot acquêt par oppofition au
mot propre, parce que dans le pays coutumier il
y a une grande différence pour les difpofitions
entre-vifs ou à caufe de mort & pour les fuccef-
fions, entre les biens que l’on a foi-même' acquis
& ceux que nos parens nous ont tranfmis : ces derniers
font appelés propres , parce que ce font des
biens de famille qui Semblent ne convenir proprement
qua ceux qui font de la même famille.
Acquêt & conquêt ne font pas tout-à-fait fyno-
nymes : ces deux mots défignent également un bien
acquis ; mais celui d'acquêt s’entend de ceux qui
font acquis avant le mariage, & celui de conquêt,
des biens acquis pendant la communauté qui exifte
entre le mari & la femme, & il eft Oppofé aux
biens qu’on appelle propres de communauté. Tout
conquêt eft véritablement acquêt, mais tout acquêt
n’eft pas conquêt. Voyeç C onquêt.
On ne connoît point dans le pays de droit écrit
cette diftinétion des biens en acquêts & propres :
tout ce qu’y poffède un particulier , foit à titre
d’acquifition ou d’hérédité , ne forme pour lui
qu’un bien de la même nature. C e que nous allons
dire des acquêts ne -fera donc relatif qu’au pays
coutumier.
Règles pour diflinguer les acquêts. Une maxime
généralement adoptée dans les pays de coutume,
eft que tous les biens que poffède un particulier
font cenfés n’être que des acquêts, fi le contraire
n’eft prouvé ; excepté dans celle de Normandie ,
où ils font réputés propres fi l’on ne juftifie qu’ils,
font acquêts.
Les immeubles qui nous viennent en ligne di-
rede , à quelque titre que ce foit, font des biens
propres dans notre patrimoine : les immeubles qui
nous viennent en ligne collatérale ne nous font
propres qu’autant qu’ils nous arrivent par fuccefiion :
fi nous les obtenions en vertu d’un legs ou d’une
donation, ils feroient pour nous des acquêts, quoiqu’il
fût ftipulé par Fade qu’ils ne nous ont été
donnés qu’à ccmdidon qu’üs nous feroient propres
, parce qu’il n’eft au pouvoir de perfonne
d’imprimer aux biens d’autre qualité que celle qu’ils
ont naturellement, à moins que cette claufe n’eût
été appofée pour empêcher qu’ils p’entraffent dans
une communauté.
Quand la qualité d’héritier en collatérale conr
Court dans la même perfonne avec celle de légataire,
ainfi que ces deux qualités peuvent concourir
dans différentes coutumes, ce que l’on recueille
coiçme héritier eft propre, & ce que l’on
prélève comme légataire eft acquêt : il y a plus,
c’eft que fi le même objet paffoit à la même perfonne
avec autant de droit à titre de legs qu’à celui
de fuccefiion, il fuffiroit de préférer la qualité de
légataire pour en faire induire une renonciation
tacite à la qualité d’hçritier, Ç ’eft ce qui a*été jugé
au parlement de Paris le S juillet 1733 , à l’occa-
' fion d’un legs fait par le fieur Turmenies de Nointel
à fa foeur qui avoit accepté le legs fans renoncer
à la fuccefiion du teftateur. L’arrêt eft cité dans la
nouvelle édition de la jurifprudence civile de
Lacombe.
Quoique nous difions que les immeubles qui
nous viennent en ligne directe, à quelque titre que
ce foit, forment des propres dans notre patrimoine,
ceci ne doit pourtant s'entendre que de ce que
nous recevons à titre gratuit; car fi , par exemple,
un père cédoit à fon fils un héritage en paiement
d’une créance, l’héritage feroit un acquêt pour ce
fils. On voit dans la nouvelle édition de la jurifprudence
civile de Lacombe, que la chofe a été ainfi
jugée par un arrêt du 5 juillet 1746 , concernant
un legs univerfel fait par la demoifelle Ferrand en
faveur de l’abbé de Bouillé ; cette jurifprudence a
été fuivie depuis dans une autre affaire- jugée au
parlement de Paris le 14 juillet 176.6.
Mais fi la créance partoit d’un principe de libéralité
de la part du père , on penferoit différem-*
ment, comme dans le cas où, après avoir conftitué une
dot à fa fille en argent, il lui céderoit un fonds en
paiement : ce fonds feroit pour la fille un propre ,
comme on le verra plus particuliérement à l’article
Biens.
Que'doit-on penfer de la queftion fuivante ?
Un père poffède un acquêt & il en fait donation à
fon fils ; cet acquêt, fuivant les principes établis,
devient alors un propre pour ce fils : mais ce fils
vient à mourir & b père lui fuccède : l’objet donné
qu’il retrouve dans la fucceflion de fon fils, eft-il
dès-lors un propre pour ce père, ou Amplement
un acquêt, comme il l’étoit avant la donation ?
Les auteurs font partagés fur cette queftion : les
uns prétendent que lorfque les héritages retour-»
nent de cette façon au père, ces héritages confère
vent la qualité ou de propres ou $ acquêts qu’ils
avoient avant la donation. D ’autres penfent, au
contraire, qu’ils retournent avec la qualité de propres
que leur a imprimée la tranfmiflion du père au fils,
oc ce dernier fentiment a été adopté par l’arrêt
rendu le premier feptembre 1762 , entre M. le duc
de Luxembourg & M. le duc de Mortemart, dans
une affaire où il s’agiffoit de favoir fi une terre que
la ducheffe de Beauvillers avoit donnée à fon petit
fils ,& qu’elle avoit recouvrée après la mort de
celui-ci, etoit pour cette aïeule un propre , ou fini-?
plement un acquêt, comme ayant la donation. Il
eft vrai qu’on s’appuyoit fort fur l’article 313 de la
coutume de Paris , o ù , en parlant du droit qu’ont
les afcendans de recueillir les biens que leurs en-»
fans ou petitSrenfans laiffent après leur mort, on
emploie le terme de fuccéder : de forte que dans
d’autres coutumes où le droit des afcendans feroit
différemment expliqué , il n’y auroit rien d’étoni»
nant qu’on jugeât tout autrement.
On demande fi les biens confifqués & remis
enfuite par le foi ou par le feigneur aux héritiers
du coupable, font acquêts ou propres à ces héritiers.
Les auteurs diftinguent en ce cas entre les héritiers
direéfs & les héritiers collatéraux : Dumoulin,
Chopin & d’autres, tels que le Brun | & Renuffon ,
regardent comme propres les biens ainfi remis aux
héritiers direêls, & leur fentiment eft appuyé d’un arrêt
du 26 janvier 1 f 56. A l’égard des héritiers collatéraux
on les juge acquêts, & cette opinion eft appuyee d nn
arrêt du 15 juin 1640, qu’on trouve au Journal des
audiences. , ;
Il femble pourtant qu’en pareille occafion on ne
devroit faire aucune différence entre ces divers
héritiers, parce que les uns comme les autres tiennent
tout alors de la générofité du roi ou du feigneur
; mais on confiaère que les enfans ont une
forte de droit fur les biens de leur père, & que
la reftiife qu’on leur fait eft moins un don particulier
qu’une renonciation à la faculté qu’on avoit
de leur enlever les biens qu’on leur laiffe ; au lieu
qu’à l’égard des collatéraux on n’eft point porté à
penfer aufli favorablement. Il eft pourtant vrai que
le Brun cite un arrêt. du 24 janvier 1691, qui a jugé
que des biens remis par le roi aux enfans du condamné
ét-oient acquêts en leur perfonne; mais il
ajoute qu’il y eut des circonftances particulières dans
les lettres de don , & il ne les explique nullement.
Nous croyons que , pour établir une jurifprudence
certaine à cet égard, il faudroit partir d’un fait qui
feroit de favoir f i, avant la remue, les héritiers ont
été dépouillés des biens confifqués par une prife
de poffeflion de la part du roi ou du feigneur ;. ou
fi au contraire les chofes, lors de cette remife, étoient
dans le même état qu’elles fe font trouvées au temps
de la condamnation : au premier cas il n’y auroit
aucun inconvénient de juger les biens acquêts pour
toute forte d’héritiers ; dans le fécond cas , il n’y
en auroit aucun non plus à les juger propres pour
les uns comme pour les autres , en laiffant les
chofes fuivant les règles ordinaires des fucceflions.
? De la fuccejjion des acquêts. Il eft de droit commun
en pays coutumier, s’il n’y a des ufages contraires
, que les' acquêts d’un défunt appartiennent
à l’héritier le plus proche. Ainfi les pères , les mères
& les autres afcendans y fuccèdent : telles font les
difpofitions de l’article 311 de la coutume de Paris,
& de l’article 223 de la coutume de la Marche.
Lorfque le défunt n’a point d’héritiers en ligne
direéle , fes collatéraux les plus proches , foit paternels
ou maternels, fuccèdent à fes acquêts, parce
que cette forte de biens n’eft affe&ée naturellement
à aucune ligne. Mais, dans la coutume de la
Marche, lorfque les acquêts ont été faits des biens
d’un parent, ces acquêts dans la fucceflion du défunt
reviennent à ceux qui font héritiers du côté
de celui à qui l’héritage appartenoit avant l’acqui-
fition ; & lorfqu’ils ont été faits d’un étranger, ils
font dévolus aux feuls parens paternels, à l’exclufion
des parens maternels.
Ceux qui poffèdent des acquêts font moins gênés
dans certaines coutumes pour en difpofer, qu’ils
ne le font à l’égard des propres. Dans la coutume
de .Paris on peut léguer tous fes acquêts, & l’on
ne peut léguer que le quint de fes propres. Dans
celle du Boulonnois , les acquêts côtiers & les
meubles fe partagent également entre tous les enfans.
qui fuccèdent ab-inteflat ; le père peut même
difpofer de fes meubles & acquêts en faveur d’un
étranger , au préjudice de fes enfans, qui n’ont
pas même le droit de demander fur les acquêts le
fupplément de leur légitime : coutume odieufe, &
qui devroit être réformée, car la légitime eft due
aux enfans par le droit naturel, & elle doit fe prendre
par privilège fur tous les biens du père. Dans
la coutume de Poitou on a de même plus de liberté
pour les acquêts que pour les propres : dafis celle de
la Marche , quiconque a des enfans ne peut difpofer
de fes propres en faveur de qui que ce foit à titre
gratuit, .fi ce n’eft par le contrat de mariage de
celui envers lequel il exerce fa libéralité ; mais à
l’égard de fes acquêts , il peut les donner par aéle
entre-vifs en tout ou en partie, à des étrangers ou
à des parens, excepté toutefois fes enfans qu’il ne
peut gratifier que par teftament ou par contrat de
mariage. Dans la coutume de Metz, on ne peut d ifpofer
librement de fes acquêts qu’autant qu’ils ont
été acquis ou donnés à titre de gagière. Si ce terme
ne fe trouve pas dans l’aéle , ces fortes de biens
font regardés comme faifant partie du patrimoine
de l’acquéreur, dont il ne peut plus difpofer avec
la même liberté qu’il auroit pu le faire s’il avoit
entendu les conferver comme acquêts de gagière.
Mais il y a des coutumes où , pour pouvoir librement
difpofer de fes acquêts il faut pofféder des
propres ; de forte que fi l’on n’a que des^ acquêts ,
les biens de cette efpèce tiennent lieu de propres,
& en fuivent la loi quand il s’agit d’en difpofer :
telles font les coutumes de Poitou & du Maine.
Anciennement on croyoit que, pour peu qu’on
pofledât des propres, on avoit dès-lors une entière
liberté pour les acquêts ; mais la jurifprudence a
changé à cet égard depuis un arrêt du 29 mai 1668,
rapporté par Soefve & cité par Boucheul. Par cet
arrêt on a jugé dans la coutume de Poitou où les
acquêts tiennent- lieu de propres, & où l’on ne
peut difpofer que du tiers des biens de cette nature
, qu’il faut, pour avoir une entière liberté au
fujet des acquêts, que le propre que l’on poffède
foit d’une valeur proportionnée aux autres biens
qu’on peut avoir.
Ce que nous venons de dire des-acquêts par op-
pofition aux propres, ne fe rapporte qu’aux donations
& aux lùcceflions. Il y a encore une autre
grande différence à .faire entre les acquêts & les
propres dans le pays coutumier au fujet des communautés
qui y ont lieu de plein droit , ou que
les futurs conjoints font dans l’ufage de ftipuler
par leur contrat de mariage. Il y a des acquêts qui
entrent dans ces fortes de communautés, & il y
en a d’autres qui n’y entrent pas. Ceux qui y entrent
8c qui proviennent des travaux de l’induftrie