
raie que foit cette règle de ne point aliéner les
biens ecclèfiaftiques & ceux des hôpitaux, elle reçoit
une exception dans le cas d’une nécelîité absolue
ou d’une utilité évidente pour l’églife , pourvu
qu’en faifant l'aliénation on obferve les formalités
prefcrites fur ce fujet par les canons , &
par l’ufage qui a- été. obfervé en France dé temps
immémorial.
Les caufes qui rendent légitimes les aliénations
des biens* d’églife , ■ font’ des dettes valablement
contra&ées qu’il faut acquitter ; les befoins preflans
des pauvres , qii’il faut foulager dans des occa-
fions extraordinaires ; l’avantage que l’églife peut
retirer , par l’échange d’un fonds, en fe procurant
un revenu plus Confidérable, plus à fa bienféance ;
le profit qui revient à l’églife du bail emphytéotique
d’une terre plus à charge que profitable.
■ Pour rendre valable l’échange que fait une églife
avec une autre églife , il fumt que les fonds
échangés foient d’une égale valeur oc qu’ils foient
à la bienféance de ces eglifes, parce que chacune
d’elles trouve en ce cas. un avantage dans l’échange.
Outre ces caufes, il en efl encore une dont les
canons ne parlent pas , & qui efl fùffifante pour
T aliénation d’un bien d’églife ,'fans même qu’i l taillé
obferver les formalités accoutumées : elle fe tire de
l’utilité publique , comme lorfqu’il s’agit de fortifier
une ville ; c’eft pourquoi on peut en pareil
cas forcer les ecclèfiaftiques à aliéner. Ainfi, par
arrêt du parlement de Paris , de 1539 , il a été
jugé que les habitans d’Orléans avoient été bien
fondés à difpofer , pour les fortifications de leur
v ille , du cloître des religieux de faint Euverte ,
à la charge de leur donner d’autres lieux commodes
; & par arrêt du parlement de Provence ,
du 2.6 janvier 1677 , il a été jugé que le nombre
des paroifliens étant augmenté , les marguilliers
étoient fondés , pour agrandir leur églife, à prendre
une chapelle voifine qui apparteneit à des religieux
carmes.
Des formalités nècejfaires pour la validité de l'aliénation
des biens eccléfiafliques. Avant que le créancier
de l’églife puifle en faire aliéner les fonds ,
pour être payé de ce qui lui eft d û , il faut qu’il
en fafle dilcùter les effets mobiliers, comme on le
pratique avant de décréter les immeubles des mineurs.
Il doit aufîi, pour la validité de l'aliénation ,
être en état de prouver que la dette , pour le paiement
de laquelle on a aliéné des fonds, a été
légitimement contractée pour l’avantage de l’églife.
Pour que les fonds d’un chapitre puifient être
Valablement aliénés, il faut que le chapitre ait été
aflemblé félon la manière accoutumée ; que l’on
ait délibéré fur la nécefiité ou fur l’utilité de Valiénation
, & que la plus grande partie des capitulans
l’ait approuvée. Si quelqu’un des capitulans s’oppo-
fe à l’aliénation , on ne doit pas palier outre , avant
que le juge , à qui il appartient d’en cpnnoître ,
ait prononcé fur cette oppofition.
La délibération du chapitre, qui a réfolu- Y allénation,
doit être fuivie d’une enquête , qu’on ap*
pelle information de commodo 6* incommodo fur
l’utilité ou fur la nécefiité de l’aliénation, fur l’état
des biens de l’églife, fur la valeur des fonds qu’on
veut aliéner, & s’il s’agit d’un échange, fur la valeur
du bien qu’on veut donner à l’églife en échange.
Le bénéficier, qui ne fait point partie d’un chapitre
, doit obferver la même formalité. On fuit aiiffi
-cette règle , quand les habitans d’une paroifle ont
réfolu , dans une aflemblée , d’aliéner quelque bien
de la fabrique , & ■ quand les adminiftrateurs des
hôpitaux veulent en vendre ou en échanger quelques
fonds.
Il faut remarquer que s’il ne s’agit que de Xaliénation
des biens d’un bénéfice ordinaire & particulier,
l’information doit être faite à la requête du
procureur du ro i, & la vente homologuée parle
juge royal ; mais s il eft queftion d’aliéner des biens
de bénéfices confiftoriaux ou de fondation royale ,
ou que l’objet de Y aliénation foit confidérable, on
ne peut y procéder qu’en vertu de lettres-patentes
du roi enregiftrées dans les cours, d’après le procès
verbal de commodo & incommodo, fait à la requête
du procureur général.
Le confentement de l’évêque eft abfolument né-
ceffaire pour rendre Y aliénation valable , fans quoi
les bénéficiers , ou ceux qui compofent les communautés
, feroient juges dans leur propre caufe.
On doit aufîi demander le confentement du patron
eccléfiaftique ou laïque , parce qu’il eft de fon intérêt
de conferver les biens de l’églife dont il eft
le fondateur. Les communautés , exemptes de la
jurifdiétion de 1 ordinaire & qui font en congrégation,
ne demandent point la permiflion à l’evê-
què pour les aliénations^ mais au fupérieur régulier.
Les canoniftes demandent fi, pour la validité de
Y aliénation , il faut obtenir le confentement de l’évêque
, du chapitre ou du bénéficier qui veut aliéner ,
ou de l’évêque du lieu où le bien eft fitué. Quelques
uns d entre eux difent qu’il eft à propos, pour
une plus grande fureté , d’avoir le confentement
de l’un & de l?autre évêque. Cependant les canons
ne demandent que l’approbation du propre évêque
de l’églife dont on aliène le bien ; & il y à beaucoup
d’apparence qu’on la jugeroit fùffifante, fi la
queftion fe préfentoit.
Quoique la menfe de l’abbé -foit féparée de celle
des religieux , les uns & les autres ont toujours
intérêt à la confervatiôn des biens de l’abbaye. C ’eft
pourquoi l’abbé ne peut aliéner les fonds de fa
menfe , fans le confentement des religieux , & les
religieux ne peuvent difpofer des - biens qui fe
trouvent dans leur lo t , fans l’approbation de l’abbé :
c’eft ce qui a été jugé par divers arrêts des 28 février
1584 , 20 févrièr 1598 , & 12, décembre
1599. Il en eft de même des évêques , par rapport
aux chapitres de leurs églifes cathédrales.
Plufieurs canoniftes prétendent qu’outre le con-
feritement du chapitre ,-1’éyêque doit encore obtenir
celui du métropolitain , pour aliéner quelque
domaine, de l’évêché. Ce para eft fans doute le
plus sûr , & il eft bon de le confeiller quand il
s’agit de faire une aliénation ; mais ft elle étoit faite ,
on peut croire, avec d’Héricourt, que le défaut
de confentement du métropolitain ne la ren-
.droit pas nulle, parce que les canons, qui prefcri-
vent les formalités que l’évêque doit obferver ,
n’exigent en ce cas que le confentement du chapitre.
S’il s’agit d’aliéner des biens d’une églife , qui
n’eft ni chapitre , ni couvent , telle qu une calife
paroifliale , c’eft affez du confentement de leve-
que , fans celui du chapitre de ^ la cathédrale J mais
il faut le confentement du curé , fi le bien eft du
domaine de.la cure, & fi le bien appartient à la
fabrique , il faut, outre le confentement de l’évêque
, celui du curé & des marguilliers.
Quand ort vend un bien d’églife , il faut mettre
des affiches, faire des publications, & ne le délivrer
qu’au plus offrant & dernier enchériffeur.;
en un mot , il faut y obferver les mêmes formalités
que pour la vente des biens de^ mineurs , &
des biens décrétés : le contrat de vente doit auffi
fpécifier toutes les formalités qui ont été obfer-
vêes , & contenir la deftination & 1 emploi des
deniers. ‘ ■ ' A
Comme l’églife peut être reftituée de meme que
les mineurs , quand ou ne prouve pas que Valiénation
lui a été utile , l’acquéreur doit faire employer
les deniers, fuivant la deftination qui en a
été faite par la délibération & par l’approbation
de la vente , & fe faire délivrer une expédition
des quittances de ceux qui reçoivent l’argent : il
doit en outre , dans les quatre mois de la .vente,
faire enregiftrer fon contrat d acquifttion dans^ lés
greffes des gens de main-morte établis, par 1 edit
3e ifioi ,à peine de nullité de l'aliénation.
Il neft point néceffaire d’obferver à la rigueur
toutes les formalités prefcrites par les canons , pour
Xaliénation des biens ecclèfiaftiques , quand les domaines
que l’églife vend ,ou qu elle donne a cens ou
àbajl emphytéotique, font d’un revenu fi modique,
qu’il faudrait employer une partie du prix de
Xaliènaùon pour faire frire l’enquête , les affiches
& les proclamations.
C ’eft fur ce principe que , par arrêt ,du 19 juin
1762 ,-le parlement de Paris a déclaré valable la
vente des fiefs de Caillouette & Haye , faite par
le chapitre de Beauvais , fans les formalités prefcrites
, moyennant une fomme de 350 livres une
fois payée.
On permet aufîi aux ecclèfiaftiques de donner
à cens ou à bail emphytéotique les biens qu’on a
coutume de donner à cens , quand ces biens retournent
à l’églife , parce que le bail eft expiré ,
ou parce que le cenfitaire les abandonne ; mais il
faut, en ce cas,que la raifon qui a fait autorifer
la première aliénation fubfifte encore , car fi une
terre inculte , qui auroit été aliénée pour quatre-
vingt-dix ans à la charge de la défricher , pouvoit
produire un revenu confidérable à l’eglife apres
l’expiration du bail, il ne feroit pas permis au bénéficier
de la donner à un nouveau cenfitaire »
ou de renouveller le bail de l’ancien.
Les aliénations des biens eccléfiafliques , faites fans
nécefiité ou fans formalités , font toujours revocables.
Quand les aliénations des biens de l’églife , des
hôpitaux ou des fabriques ont été faites lans néceffité
& fans utilité évidente, ou fans obferver les
formalités prefcrites par les canons , elles peuvent
être déclarées nulles : c’eft la difpofition précife
de l’art. 15 de l’édit de 1606. Alors l’églife, ainfi
que les hôpitaux & les fabriques peuvent rentrer
dans leurs droits , en rembourfant à l’acquéreur
ce qu’il juftifie avoir été employé utilement au
profit de l’églife , des hôpitaux ou fabriques , &
fans reftitution du prix de la vente , quand l’ac-
, quéreur ne juftifie point que les vendeurs en ont
profité. Comme les voies de nullité n’ont point
lieu en France, il faut que , dans ce cas , l’églife
prenne dés lettres de refcifion , à moins que le
roi ne l’en ait difpenfée expreflèment , comme
par la déclaration du 12 février 1661 en faveur
des fabriques, auxquelles il a permis de rentrer
de plein droit dans les biens qu’elles avoient
aliénés depuis 1641. Quand l’églile n’a profité en
aucune manière de Y aliénation , l’acquéreur doit
reftituer , avec le fonds , les fruits depuis trente-
neuf ans.
Quoiqu’on prefcrive contre l’églife par une pof-
; feffion de quarante années fans trouble & avec
#bonne fo i , cette pofleflion , celle même de cent
I
années , ne peut plus fervir au détenteur pour le
faire maintenir en pofleflion du bien , dès qu’on
prouve que le titre , qui fert de fondement à fâ
pofleflion , eft nul ; c’eft pourquoi il faut appliquer
à cette matière la maxime commune , qu’il
vaut mieux , pour le poflefleur, n’avoir point de
titre , que d’en avoir un viciëiix. Après les quarante
années de pofleflion , on préfume qu’on a
obfervé toutes les formalités néceflaires pour la
validité des aliénations, quand on l’a énoncé dans
l’a â e , quoiqu’on n’en rapporte point d’autres preuves
; parce que la fimple énonciation dans les pièces
anciennes fait une preuve, à moins que cette
énonciation ne foit détruite par une preuve contraire.
On préfume même , lorfqu’il s’agit dé aliénations
très-anciennes, qu’on a obferve les formalités
néceflaires, quoiqu’elles ne foient point énoncées
dans l’afte ; car la moindre grâce qu’on puifle
faire en ce cas au poflefleur, eft de juger du titre
par la pofleflion ; mais le tiers-détenteur ne peut
fe fervir contre l’églife de la pofleflion, quelque
longue qu’elle foit , non plus que l’acquéreur,
quand on prouve , par le titre même de Y aliénation
, qu’on n’a point obfervé toutes les formalités
néceflaires pour la rendre valable.
La léfion confidérable n’eft pas couverte par
l’obfervation des formalités , & fi cette léfion eft
prouvée, il y a lieu , pendant quarante ans, à la
refcifion de l’aéte iï aliénation*