
tiers étrangers, réfidans dans le royaume, feraient
obligé de prendre des lettres qui leur tiendroient
lieu de naturalité, en payant les fommes auxquelles
ils feroient taxés ; 8c que, dans cette taxe, feroient
compris ceux même des étrangers qui avoient obtenu
des lettres de naturalité; au moyen de quoi,
les uns 8c les autres jouiraient des mêmes privilèges
que les régnicoles ; & que, fur les taxes de
ces derniers v on déduiroit ce qu’ils juftifieroient
avoir payé pour la conceffion de leurs premières
lettres.
Louis XIII, pour fubvenir aux dépenfes de la
guerre, ordonna, par la déclaration du 29 janvier
16 39, que tous les étrangers réfidans ou poffédans
des biens, offices ou bénéfices dans le royaume, de
quelque nation, qualité & condition qu’ils fu fient,
oc leurs premiers defeendans , héritiers, fuccefleurs
ou donataires de leurs biens, payeroient les fommes
auxquelles ils feroient taxés fuivant les rôles qui
feroient expédiés.
Louis X IV , par les édits des mois de janvier 1646
& mai 1656 , ordonna que les étrangers habitués
en ce royaume, 8c leurs premiers defeendans, héritiers
, fuccefleurs 8c donataires, feroient confirmés
dans la jouiflance des droits à eux accordés par leurs
lettres de naturalité, en payant les fommes auxquelles
ils feroient impofés.
Néanmoins ^par un arrêt du 23 juin 1657, il excepta
de la taxe ordonnéé par l’édit de 16565 ceux
des étrangers 8c premiers defeendans qui avoient
payé les taxes de leurs lettres de naturalité 8c de
confirmation, en vertu de la déclaration du 26 janvier
1639, 8c de l’édit du mois de janvier 1646,
Par une déclaration du 27 juillet 1697, ce prince
fit payer une nouvelle taxe aux étrangers pour
la confirmation de leurs lettres de naturalité : on
çft fort furpris de voir énoncer, dans cette déclaration,
les droits de chevage 8c de for-mariage,
comme s’ils euflent encore fubfifté : 8c cette cir-
conftance trouve fa place dans les motifs de la demande
aux étrangers d’un droit de confirmation.
Il y eut, le 30 juillet de- la même année 1697,
un arrêt du confeil qui exempta de la taxe les défi
cendans, fuccefleurs 8c donataires, en quelque degré
que ce fût , qui l’avoient payé en vertu de la déclaration
de 1639, 8c des édits de 1646 8c 1656,
Du droit d’aubaine fuivant lajurifprudence aftuelle.
Les principes fur cette matière font conftans ; tout
étranger eft capable, dans.le royaume, des aâes
du droit des gens; il peut librement vendre, échanger,
8c en général pafler toutes fortes de contrats
que ce droit autorife : il peut donner 8c recevoir
entre-vifs : mais il ne peut recevoir ni difpofer par
teftament, ni pour caufe de mort : il vit libre, mais
i l meurt ferf
. Les aâes du droit civil lui font iiyte^J^s ; par cette
ralfon, il eft incapable de pofleder, foit offices,
foit bénéfices : 8c, comme la capacité pour les fuc-
ceffions avives 8c paffives eft du droit civil, il en
réfulte que tout étranger en eft exclu ; il eft incapable
de tranfinettre fa fucceffion , 8c cette înctr*
pacité eft un des principaux fondemens du droit d'au*
haine : le prince peut ieul, par fon autorité, effacer
le vice qui réfulte de la naiflance fous une domination
étrangère, 8c habiliter, par des lettres de naturalité
, à participer aux avantages 8c aux droits
dont jouiflent les citoyens dans le royaume : mais
fi un étranger, quoique naturalifé, ne laiffe, pour
acquérir fa fucceffion, que des enfans nés 8c de*
meurans hors du royaume, ou des parens étrangers ,
cette fucceffion eft dévolue au roi à titre d'aubaine 9
8c le feigneur haut-jufticier ne peut la prétendre,
comme biens vacans 8c à titre de déshérence «. Je
» tiens, dit Loifeau, qu’il eft très-jufte d’exclure
” le haut-jufticier de la fucceffion de l’étranger, bien
» même que naturalifé, mourant fans parens régni-
» coles, tant à raifon de la condition appofée de
” ftyle commun ès lettres de naturalité, pourvu
» qu’ il ait héritiers régnicoles, qui défaut en ce cas,
» que parce que la naturalifation de l’étranger ne
» profite pas à fes parens étrangers qui, n’étant
v naturalifés eux-mêmes, font toujours exclus de
» fuccéder, fut-ce à un naturel François
Il faut cependant obferver que . les enfans des
étrangers, quoique leur père n’ait pas obtenu de
lettres de naturalité, lui fuccèdent, lorfqu’ils font
régnicoles : mais le père étranger ne fuccède.pas à
fes enfans : 8c c’eft un des cas où la règle de la
réciprocité, dans l’ordre des fucceffions, n’a pas lieu.
Un étranger naturalifé François, qui fe marie
hors de France, 8c y amène enfuite fa femme, ne
peut la rendre capable du droit de communauté, ni
la rappeller par fon teftament.
Un aubain qui veut former quelque demande en
juftice, eft obligé de donner, avant d’être entendu,
une caution que l’on appelle en-droit judicàtum folvi,~
Cette caution ne regarde que les dépens, tant de
la caufe principale que d’appel. Elle tire fon origine
des loix romaines : les coutumes d’Abbeville
8c de Ponthieu en ont une difpofition exprefle.
L’incapacité civile d’un étranger eft telle qu’il ne
peut être élu fupérieur d’une communauté religieufe
d’homme ou de femme : qu’un aubain foit noble
ou roturier, même conftitué en dignité, comme
un cardinal, ne peut pofleder aucun honneur, offices
qu bénéfices dans le royaume, avant d’avoir
obtenu des lettres de naturalité ou de difpenfes : ces
lettres doivent être enregiftrées pardevant les juges
auxquels elles font adrenées.
Le droit d’aubaine reçoit plufieurs exceptions que
nos rois ont établies en faveur de certaines provinces,
de certains établiflemens, 8c même en faveur
de plufieurs pays étrangers. Nous en donnerons
un précis;
Première exemption du droit d’aubaine en faveur
d’une certaine clajfe d’étrangers, Les marchands fréquentant
les foires jouiflent, pendant leur voyage,
leur féjour en France 8c leur retour dans leur pays,
de l’exemption .du droit d'aubaine : ce privilège avoit
lieu dès le temps des foires de Champagne, fi
célèbres
célèbres dans notre hiftoire, 8c fur lefquelles nous
avons plufieurs anciennes ordonnances de nos rois.
Lorfque Charles V i l accorda à la ville de Lyon
le privilège de trois.foires franches, il fut exprimé,
dans les lettres de conceffion, qu’elles étoient établies
à l’inftar de celles de Champagne qui ne fub-
fiftoient plus. A ces trois premières foires, Louis
X I , par des lettres-patentes du mois de mars 1462,
en ajouta une quatrième, afin d’engager les marchands
étrangers à fréquenter plus volontiers ces foires, 8c
chercher à avoir leur habitation jSc demeure à Lyon.
L ’article 9 de ces lettres leur permet de tefter 8c difpofer
de leurs biens, ainfi que bon leur femblera;
veut que leur teftament foit valable en ce qui fera
de raifon, quoiqu’il ait été fait durant les foires,
devant ou après, dans le royaume ou dehors, 8c
qu’il ait fon effet, comme s’il eût été fait dans leur
patrie; 8c que, dans le cas où ils viendroient à
décéder dans le royaume fans avoir tefté, ceux qui
font leurs.héritiers, fuivant lesftatuts, coutumes 8c
ufages de leur pays, recueillent leur fucceffion ,
comme fi elle eut été ouverte par leur décès dans
leur pays 8c domicile, fans que ces héritiers foient
tenus de payer à ce fujet aucune finance, nonobftant
tous édits 8c ordonnances à ce contraires.
Les prévôt des marchands 8c échevins de. la
ville de Lyon obtinrent, fpus Charles IX , le 27
août 1569, de nouvelles lettres-patentes qui exemptèrent
dii droit d’aubaine tous les étrangers fréquentant
les foires de L y o n , demeurant, féjour-
nant ou réfidant en cette v ille , 8c négociant fous
la faveur de ces privilèges, tant pour leurs mar-
chandifcs 8c effets mobiliers, que pour leurs rentes
conftituées; mais l’arrêt d’enregiftrement au parlement
de Paris, du 4 février 1572, a excepté les
rentes conftituées qu’il a , fans diftinâion , déclarées
immeubles à cet égard. ?
M. le Fevre de la Planche, dans fon Traité.du
domaine? prétend que ce privilège’, dont le principal
objet a été d’attirer les étrangers aux foires de L yon,
n’a lieu qu’en laveur de ceux qui les, fréquentent ,
8c non de ceux qui font établis dans cette ville ;
il cite à ce fujet différentes lettres-patentes pofté-r
rieures à celles que l’on a rappellées, 8c prétend que
la jurifprudence y eft conforme.
Il paroît auffi que le droit d’aubaine n’eft point
exercé dans toute fa rigueur à l’égard des marchan-
difes 8c des autres effets mobiliers, dés marchands
étrangers qui viennent trafiquer dans le royaume
avec le deffein de s'en retourner, 8c qui y décèdent.
Seconde exemption fondée fur les privilèges attaches
à certains établifjémeris ou à certains Vieux. Lorfqu’il
a été queftion, pour différens établiflemens de manufaâures
, d’appeller des etrangers, foit pour y travailler
, foit pour en avoir la conduite 8c direâion,
on a cherché à les attirer par différens privilèges
dont l’exemption du droit d'aubaine 8c les avantages
dont jouiflent les régnicoles, ont toujours fait partie.
_ Lorfque, par édit du mois de janvier 1607 ,
Henri IV établit des manufaâures de.tapifferies de
Jurifprudence, Tome /.
Flandres , tant a Paris que dans d’autres Villes du
royaume, il annobiit les fieurs de Commans 8c de
la Planche, étrangers, chargés de la direâion 8c de
l’entreprife de l’ouvrage, ainfi que leur poftérité,
8c il déclara naturels 8c régnicoles, les étrangers
qui viendroient travailler à ces manufaâures, fans
qu’ils fuffent tenus de prendre des lettres de naturalité,
ni de payer aucune finance : ce qui fut ordonné
de même par Louis XIII le 18 avril 1625 ,
8c confirmé par des lettres-patentes de Louis X IV ,
du dernier décembre, 1643.
Ces manufaâures étant prefque tombées, Louis
XIV en établit une nouvelle de tapifferies de haute
8c baffe liffe à Beauvais, fous la conduite de Louis
Hinard, par lettres-patentes du mois d’août 1664 ,
dans lefquelles il déclara régnicoles 8c naturels François
, les ouvriers étrangers qui y auroient travaillé
pendant huit années entières 8c confécutives , à
la charge de continuer leur demeure dans le
royaume.
Par l’article 5 de l’arrêt du confeil du 25 juillet
1722, concernant la même manufaâure-, les ouvriers
étrangers qui y font employés, 8c qui oro-
feffent la religion catholique, font réputés régnicoles
8c naturels François; après dix ans de travail.
Enfin, par deux autres édits de Louis X IV , l’un
du mois d’oâobre 1663, portant établiffement d’une
manufaâure de glaces, cryftaux 8c verres comme
ceux de Venife; l’autre, d’une manufaâure royale
des meubles de la couronne en l’hôtel des Gobelins,
les mêmes privilèges furent accordés aux ouvriers
étrangers, par le premier édit, après huit
années., 8c, par le fécond, après dix années de
I fervice.
' Un édit du mois d’avril 1687* porte que les pilotes
, maîtres, contre - maîtres, canonniers, charpentiers;
calfats 8c autres officiers ; •mariniers, matelots
8c autres gens de mer étrangers qui s’établi-
, ront dans le royaume, feront réputés régnicoles ,
après avoir fervi cinq années, à compter du jour
• de leur enrôlement.
Un autre édit de 1607, rapporté par Fontanqn^
affranchit du droit d’aubaine ceux qui travaillent au
defféchement des marais. Ceux qui travaillent aux
mines, en font pareillement exempts., ainfi que les
courtiers de Bordeaux.
Louis, XIV annonce par fa déclaration du mois
de novembre 1662, qu’un des plus grands fruits
qu’il s’étoit propofé en acquérant la ville de Dunkerque
qu’il venoit de retirer des mains des An-
gloiS , moyennant cinq millions, avoit été l’établif-
fement du:commerce, 8c de rendre à cette ville;
autrefois fi fameufe parmi les négocians, fon ancienne
réputation : c’eft dans cette vue que, par cette
déçlaration, il maintient 8c garde la ville de Dunkerque
, port -, havre 8c habitans de cette ville dans
tous les droits, privilèges , franchifes 8c exemptions
dont ils avoient joui avant 8c depuis la guerre , 8c
accorde le droit de naturalité à tous les marchandé
} 8c négocians étrangers qui voudront trafiquer 8i
' B B b b