
Les états généraux de la Languedoil ou pays coutumier
, furent affemblés en la chambre du parlement
pn 13 5 5. Le chancelier leur ayant demandé une aide,
ils eurent permiffion de fe confulter entre eux ;
enfuite ils fe préfentèrent devant le roi en la même
- chambre, & offrirent d’entretenir 3 0000 hommes
• d’armes à leurs frais. Cette dépenfe fut eftimée
50000 livres , & pour y fub venir, les états ac-
. cordèrent la levée d’une impofition.
L’ordonnance qui fut rendue à cette occafion
• le 28 décembre 1355 , fait Gonnoître quel étoit
alors le pouvoir que les états^s’étoient attribué. Ils
commencèrent, par la permiffion du r o i, à délibérer
, i ° . fur le nombre des troupes néceffaires
pour la guerre ; 20. fur lès fommes néceffaires pour
loudoyer l’armée ; 30. fur les moyens de lever
cette fomme, & fur la régie & emploi des deniers;
ils furent même autorifés à nommer des
généraux des aides, pour en avoir la furintendance,
et des élus dans chaque diocèfe , pour faire Fim-
pcution & levée des deniers, ufages qui ont fub-
. fifté jufqu’à ce que le roi fe foit rèfervé la nomination
des généraux, & qu’il ait eu érigé les élus
en titre d’office; il fut auffi arrêté que le compte
de la levée & emploi des deniers feroit rendu en
préfence des états, qui fe raffembleroient pour
cet effet dans le temps marqué.
Les états avoient auffi demandé que l’on réformât
plufieurs abus qui s’étoient gliffés dans le gouvernement.
Et le ro i, conjîdérant la clameur de fort
peuple y fit plufieurs réglemens fur les monnoies,
fur les priles de vivres 8c provifions qui fe fai-
foient pour le roi & pour là maifon, fur les prêts
forcés d’argent, fur la jurifdiâion des juges ordinaires,
enfin fur plufieurs chofes qui coneernoient
la difcipline des troupes.
Lorfque le roi Jean fut pris par les Anglois, le
dauphin encore ' jeune, croyant devoir ménager
tous les différens ordres' du royaume, dans une -
conjonéhwe fi fâcheufe, affembla les états à Paris,
au mois de mai 1356, dans la falle du parlement,
pour lui donner aide & confeil, tant pour
procurer la prompte délivrance du ro i, que pour
gouverner le royaume & conduire la guerre pendant
fon abfence. Il fe crut d’autant plus obligé
d’en ufer ainfi, qu’il ne prenoit encore d’autre qualité
que celle de lieutenant général du royaume,
dont la régence ne lui fut formellement déférée
qu’un an après par le parlement.
Les députés ayant obtenu un délai pour délibérer
entre eux, tinrent des ajjemblées particulières
dans le couvent des cordeliers ; s’étant plaint au
dauphin que la préfence des commiffaires du roi
gênoit la liberté des délibérations, ces commiflàires
furent rappellés. On convint de cinquante députés
des trois ordres, pour dreffer un projet de réformation
; on délibéra auffi fur ce qui touchoit la
guerre & la finance.
Le dauphin étant venu à leur ajfemblée, ils lui
demandèrent le fecret, à quoi il ne voulut pas
s obliger. Les députés, au lieu de s’occuper à chercher
les moyens de délivrer le roi, qui étoit prifon-
nier à Londres, firent des plaintes fur le gouver*
nement, & voulurent profiter des circonftances,
pour abaiffer injuftement l’autorité royale. Ils firent
des demandes exceffives, qui choquèrent tellement
le dauphin, qu’il éluda long-temps de leur rendre
réponfe: mais enfin il fe trouva forcé par les cir-
conftances de leur accorder tout ce qu’ils de*
mandoient.
Le roi, qui avoit déjà pris des arrangemens avec
- les Anglois, fit publier à Paris des défenfes de lever
.l’aide accordée par les états , & à eux de fe raf-
fembler. Cependant, comme les receveurs des états
étoient maîtres de l’argent, le dauphin fut obligé
de confentir à une ajfemblèp. Il y en eut encore
deux autres en 13 57, où la nobleffe ne parut
point, étant gagnée par le dauphin, qui, d’un-
autre côté, mit les villes en défiance contre la
nobleffe, pour les empêcher de s’unir.
Depuis que le dauphin eut été nommé régent
du royaume , il ne laiffa pas de'convoquer encore,
en 'différentes années, plufieurs états, tant
généraux que particuliers: mais l’indécence avec
laquelle fe conduifirent les états à Paris en 1358,
fut l’écueil où fe brifa la puiffance qu’ils avoient
voulu s’attribuer dans des temps de trouble. Depuis
ce temps, ils furent affemblés moins fréquemment
; & lorfqu’on les affembla, ils n’eurent plus
que la voie de {impie remontrance.
Ceux de la fénéchauffée. de JSeaueaîre & de Nîmes,
tenus en 1363 préfentèrent au roi un cahier
ou mémoire de leurs demandes : e’eft la première
fois, à ce qu’il paroît, que les états fe foientfervi*
du terme de cahier pour défigner leurs demandes;
car dans les précédens états, on a vu que ces fortes
de mémoires étoient qualifiés de cédule, apparemment
parce que l’on n’avoit pas encore l’ufage
d’écrire les aétes eh forme de cahier. Au refte, il
étoit libre au roi de fàire ou ne pas faire droit fur
leurs cahiers.
Les états généraux ne furent affemblés que deux
fois fous le règne de Charles V ,e n l’année 1369.
La première de ces deux ajjemblées fe tint à la grand’-
chambre du parlement, le roi féant en fon lit de
juftice; le tiers-état étoit hors de l’enceinte du
parquet & en fi grand nombre, que la chambre
en étoit remplie. Il ne fut point queftion , pour cette
fois, dç fubfide, mais feulement de- délibérer fur
l’exécution du traité de Brétigny , & fur la guerre
qu’il s’agiffoit d’entreprendre. Les autres états furent
tenus pour avoir un fubfide. Ce qu’il y a de
plus remarquable dans cesdeux ajfemblée s , eft que
Ion n’y parla point de réformation comme les
états avoient coutume de faire , tant on étoit per-
fuadé de la fageffe du gouvernement.
La foibleffe du règne de Charles V I donna lieu
à de fréquentes ajfemblées des états. Il /y en eut à
Compiègne, à Paris, & dans plufieurs autres villes.
Le détail de ce qui s’y paffa, auffi-bien que dans
ceux qu’on tint fous le roi Jean, fe trouve fort
au long dans des préfaces de M. Secouffe, fur les
tomes III & fuivans des ordonnances de la troisième
race. * ,
Les guerres continuelles que Charles VII eut a
Soutenir contre les Anglois, furent caufe quil affembla
rarement les états ; il y en eut cependant
à Mehun-fur-Yèvre, à Tours ock Orléans.
Celui de tous nos refis qui fut tirer le meilleur
parti des états, fut le roi Louis X I , quand il voulut
s’en fervir, comme il fit en 1467, pour régler
l’apanage de fon frère; ce qui fut moins
f effet du -pouvoir des états qu’un trait de politique
de Louis X I , car il y avoit déjà long-tems que
ces ajfemblées avoient perdu leur crédit. Il s’agiffoit
d’ailleurs en cette occafion d’un objet qui ne con-
cernoit point les états, & pour lequel il n’avoit
pas befoin de leur confentément.
Depuis l’ârttfée 1483 , époque du commencement
du règne de Charles V III, il n’y eut point
d’états jufqu’en 1506, qu’on en tint à Tours fous
Louis X I I , à l’occafion du mariage de la fille aînée
du roi. ,
Il n’y en eut point du tout fous François premier.
Sous le règne de Henri I I , il n’y en eut point
avant 1558. Savaron en date pourtant d’autres de
1549; mais.c’étoit un lit de juftice.
Les états généraux tenus du temps de Charles
I X , donnèrent lieu à trois célèbres ordonnances,
qui furent faites fur les plaintes & doléa.nces des
trois états; favoir, lès états d’Orléans, à l’ordonnance
de 1560, pour la réformation du royaume,
appellée Fordonnance d’Orléans p 8c k celle de Rouf-
filon de l’année 1563, portant réglement fur le
fait de la juftice, pour, fatisfaire au furplus des
cahiers des états, comme le roi l’avoit réfervé par
la première ordonnance. Les états de Moulins donnèrent
lieu à l’ordonnance de 15 66 ^ pour la réformation
de la juftice, appellée Fordonnance de
Moulins.
Les états généraux tenus à Blois fous Henri III,
en 1576, donnèrent auffi lieu,à l’ordonnance de
1579, laquelle, quoique datée de Paris & publiée
trois ans après les états de Blois, a été appellée
ordonnance de Blois, parce qu’elle fut dreffée fur
les , cahiers de ces états. Il y en eut auffi à Blois
en 15 88, & l’infolence des demandes qui s’y firent,
avança le défaftre des Guifes.
Le duc de Mayenne affembla à Paris en 1593 ,
de prétendus états généraux, où Fon propofa vainement
d’abolir la loi falique. Comme entre les
trois ordres, il n’y avoit que celui .de la nobleffe.
qui fût dévoué au duc, oc qu’il y avoit peu de
nobleffe confidérable à cette ajfemblée, il propofa,
pour fortifier fon parti, d’ajouter deux nouveaux
ordres aux trois autres ; favoir, celui des feigneurs,
8c celui des gens de robe 8c du parlement ; ce qui
fut rejetté. Ces états furent caftes par arrêt du parlement
du 30 mai 1594.
Les derniers états généraux font ceux, qui fe
tinrent à Paris en 1614. Le roi avoit ordonné que
le clergé s’affemblât aux Auguftins, la nobleffe aux
Cordeliers, 8c le tiers-étar dans l’Hôtel-de-Ville ;
mais la nobleffe & le tiers-état demandèrent permiffion
de s’affembler auffi aux Auguftins, afin
que les trois ordres pùffent conférer enfemble ; ce
qui leur fut accordé.
La chambre du clergé étoit compofée. de cent
quarante perfonnes, dont cinq cardinaux, feptarchevêques
& quaraiite-fept évêques.
Cent trente-deux gentilshommes compofoient
la chambre de la nobleffe.
Celle du tiers-état où préfidoit le prévôt des marchands
, étoit compofée de cent quatre-vingt-deuX
députés, tous officiers de juftice ou de finance.
L’ouverture des états fe fit le 27 oâobre, après
un jeûne public de trois jours , & une proceffion
folemnelle que Fon avoit -ordonnée pour implorer
l’affiftance du ciel.
L’affemblée fe tint au Louvre, dans la grande
falle de l’hôtel de Bourbon ; le roi y fiégea fous
un dais de velours violet femé de fleur dé ly s d’or,
ayant à fa droite la reine fa mère affife dans une
chaife à dos, 8c près d’elle Elizabeth, première
fille de France, promife au prince d’Efpagne, &
la reine Marguerite.
A la gauche du roi étoit monfieur, fon frère
unique, & Chriftine, fécondé fille de France.
Le grand chambellan étoit aux pieds de fa ma-
jefté, le grand-maître & le chancelier à l’extrémité
du marche-pied; le maréchal de Souvré, les capitaines
des gardes 8c plufieurs autres perfonnes
étoient derrière , joignant leurs majeftês.
Les princes, les cardinaux, les ducsctoient placés
des deux côtés.
Aux pieds du trône étoit la table des fecrétaires
d’état.
A leur droite étoient les confeillers d’état de
robe longue, & les maîtres des requêtes ; à leur
gauche, les confeillers de robe courte, & tout de
fuite les bancs des députés des trois ordres ; les. ec-
cléfiaftiques occupoient le côté gauche', le tiers-état
étoit derrière eux.
Le . roi dit en peu de mots que fon but étoit
d’écouter les plaintes de fes fujets, & de pourvoir
à leurs griefs.
Le chancelier parla enfuite de la fituation des
affaires ; puis ayant pris l’ordre du ro i, il dit aux
députés que fa majefté leur permettoit de dreffer
le cahier de leurs plaintes & demandes, 8c qu’elle
promettait d’y répondre favorablement.
Les trois ordres firent chacun leur harangue, les
députés du clergé & de la nobleffe debout & découverts
, le prévôt des marchands à genoux pour
le tiers-état ; après quoi, cette première féance fut
terminée.
Dans l’intervalle de temps qui s’écoula jufqu’à
la féance fuivante, la cour prit des mefures pour
divifer les députés des différens ordres, en les en*