
Les aliénations des biens cccléfiafliqucs ont été long*
temps regardées comme de Jimpies engagemens. Les
malheurs auxquels la France fut expofée fur la fin
du feizième liècle, obligèrent nos rois à demander
au clergé des fubventions extraordinaires. Pour
mettre les eccléfiaftiques en état de les payer ,
on leur permit d’aliéner des biens de leurs églifes ,
au cas qu’ils ne pulfent trouver d’autres moyens
de fournir au roi ce qu’il demandoit, foit en vendant
des meubles , fort par des coupes de bois ,
foit en constituant des rentes. Les papes approu-.
vèrent ces aliénations ; cependant il y eut de grands
abus , par la collufion des commiffaires députés
pour cette vente avec les acquéreurs , par. les adjudications
faites à vil prix , & par la vente des
héritages les plus considérables , defquels le prix
alloit beaucoup au-delà de ce qui étoit néceftaire
pour acquitter la fubventiôn , dont chaque bénéfice
étoit chargé; «
On n’a regardé', en France, ces aliénations que
comme des engagemens ; c’eft pourquoi on a fou-
vent permis aux eccléfiaftiques de rentrer dans les
biens qui avoient été aliénés pour les fubvendons.
On accorda d’abord à l’églife la faculté de les racheter
dans l’année ; enfuite cette faculté fut
prorogée à cinq ans; depuis elle a été fouvent
renouvellée par les contrats que les affemblées du
clergé ont paffés avec le roi.
Ces prorogations ont été renouvellées , depuis
1641 jufqu’en 1675 , dans toutes les affemblées du^k:
clergé , & les détenteurs payoient au ro i, à la décharge
du clergé, différentes taxes , pour être maintenus
dans la poffeffion des biens eccléfiaftiques.
Enfin , il parut plus avantageux au clergé d’abandonner
aux tiers-détenteurs les biens aliénés pour
caufe de fubventiôn , que de faire ufage de la faculté
de rachat. Cette faculté ne pouvoit s’exercer
de fa part , qu’en rembourfant le prix principal de
Yaliénation , les dépenfes faites pour les améliorations
, foit utiles, foit agréables, enfemble les taxes
payées depuis 1641 jufqu’en 1675. Ces confédérations
déterminèrent le clergé , en 1702 , à renoncer
pour toujours à cette faculté , en confentant
que le roi levât , à la décharge du clergé , une
nouvelle taxe fur les biens eccléfiaftiques aliénés
depuis 15 56. Cette taxe étoit le fixième denier du
prix dé l'aliénation ou de la valeur des biens, quand
le prix de Yaliénation n’étoit pas connu , avec les
deux fous pour livres.
Par la déclaration du 18 juillet 1702, relative
à ce contrat, il a été dit que ceux qui paieroient
au roi la taxe dont on vient de parler , deviendraient
propriétaires incommutables des fonds aliénés
par l’églife , & que les eccléfiaftiques ne feroient
pins reçus à retirer ces biens , fous quelque
prétexte que ce fut.
Les détenteurs des biens aliénés par Féglife, qui
n’avoient point payé la taxe du huitième denier
1675 » on* été obligés de payer le quart du I
prix de Yaliénation , pour jouir du bénéfice de la
déclaration dont on vient de parler.
Il eft certain que le clergé , en fe faifant décharger
d’une partie des fubventions extraordinaires
pour renoncer à une faculté de rachat qu’il
ne pouvoit exercer fans lui être plus onéreu-
fe que profitable , a pris le parti le plus avantageux.
Cela eft bien vérifié par le fait de quelques
communautés qui ont contraélé beaucoup de dettes ,
pour rentrer dans des biens dont les revenus ne
leur produifent pas la moitié des" intérêts des
fomines qu’eUes ont empruntées pour faire le
rachat.
Les détenteurs des biens eccléfiaftiques, engagés
à faculté de rachat , dont le terme n’étoit point
expiré lors de la déclaration de 1702 , ont été confirmes
dans leur poffeffion pour trente années ,
a compter du jour que les trente années, qui leur
avoient été accordées par la déclaration de 1675 ,
feroient expirées, fans que les eccléfiaftiques puffent
exercer pendant ce temps la faculté de rachat.
Pour jouir de ce privilège , les détenteurs
ont été obligés de payer le huitième denier du
prix de Y aliénation , comme ils avoient fait en 1675.
Ceux qui poffédoient des biens eccléfiaftiques , à
baux à vie ou à longues années , ont acquis le
droit-de pofféder ces biens , par eux-mêmes ou par
leurs héritiers , pendant dix années au-delà des termes
portés par les baux , en payant au roi deux
années de la jufte valeur des revenus des biens
qui leur ont été données à vie ou à longues années.
Dans le temps où fut publiée la déclaration
du 18 juillet 1702 , plufieurs eccléfiaftiques &
communautés avoient intenté des aétions contre
les-détenteurs de leurs biens aliénés : le roi leur
permit de pourfuivre ces aétions , & de rentrer
dans leurs biens fans payer la nouvelle taxe ;
pourvu qu’ils rentraffent en poffeffion dans les fix
mois , à compter du jour que le contrat, d’entre
le roi &. le clergé , avoit été figné. A l’égard des
biens ufùrpés fur l’églife ou aliénés fans nécefiité,
fans utilité , & fans obferver les formalités pref-
crites par les canons hors du cas delà fubventiôn,
leglife eft toujours en droit d’y rentrer , quelque
taxe que les détenteurs aient payée , fauf à eux à fe
pourvoir contre le r o i , en cas que l’aéti,on qu’ils
pourroient avoir contre lui ne fût pas prefcrite.
Réglés particulières pour les biens de Vordre de
Malte. Les formalités établies pour Y aliénation des
biens de l’ordre de Malte , font différentes de
celles des autres biens d’églife. Il faut que cette
forte d'aliénation foit faite avec l’autorité du grand-
maître & du chapitre général conjointement, parce
que le grand-maître feul ne peut pas déroger aux
ftatuts ;| qui interdifent impérieufement Yaliénation
des biens de l’ordre ; & fi la permiffion d’aliéner
ne fe demande pas dans le temps de la tenue d’un
chapitre général, il faut non-feulement l’agrément
& la permiffion du grand-maître , de fon confeil
& du tréfor, mais du pape , auquel, en ce cas ,
le droit de déroger aux ftatuts eft accordé par les
ftatuts même , qui lui donnent la qualité de premier
fùpérieur ; un chapitre provincial n’étant pas
capable n’ayant pas l’autorité de déroger à une
défenfe aufii expreffe, que celle qui concerne les
aliénationsrOn obferve encore en France de pro-
pofer & de faire approuver Yaliénation par le chapitre
de l’ordre , qui fe tient au Temple chez le
grand-prieur de France. Voye^ V e n t e , E c h a n g e ,
D o n a t io n , D o m a in e , R é u n io n , U s u r p a t io n ,
M a l t e , A m o r t i s s e m e n t , I n d em n it é , &c.
Des rentes. Les. emprunts étant confidérés comme
des aliénations indirectes , puifqu’ils chargent les
biens d’une rente dont elle diminue la valeur, ils
doivent être précédés , dans les corps eccléfiaftiques
, d’une délibération qui en conftate la nécef-
fité , qui indique l’emploi qui en fera fait ; & le
corps qui veut emprunter , doit y être autorifé
par des lettres-patentes données après le confente-
ment de l’évêque.
Les débiteurs de rentes , dues à des bénéficiers ,
o n t, à la vérité , le pouvoir d’en rembourfer les
capitaux , & de fe libérer de la preftation de la
rente ; mais comme ce rembourfement eft une véritable
alienation , & pour obvier en même temps
à- ce que le titulaire du bénéfice n’emploie pas à
fon profit particulier le rachat des rentes , l’édit de
de 1606 oblige le débiteur à ne pouvoir effe&uer
le rembourfement qu’après avoir appellé le patron
ou le collateur du bénéfice, qui doit veiller à ce
que les deniers du rachat foient employés à l’augmentation
des revenus du même bénéfice.
Du titre clérical. On doit encore comprendre ,
dans le nombre des biens eccléfiaftiques dont Y aliénation
eft défendue , le titre clérical établi pour
affiner la fubfiftance de ceux qui fe confacrent au
fervice des autels.
. On appelle titre clérical, une rente affignée fur
des héritages par un père Ou autre perfonne, en
faveur de celui qui fe fait promouvoir aux ordres
facrés.
Depuis que l’iifage s’eft introduit de conférer
les faints ordres, fans attacher le clerc au fervice
d’une églife & fans lui conférer un bénéfice , plufieurs
d’entre eux fe trouvoient dans la néceffité ou
de mendier leur fubfiftance , ou de s’adonner à des
métiers qui dégradoient leur miniftère. Ces motifs
ont déterminé les conciles , & fpécialement
celui de Trente , à défendre de conférer les ordres
à des clercs qui ne feroient pas pourvus d’un
bénéfice, ou auxquels on n’aflùreroit pas un revenu
fuffifant pour leur entretien ; ils ont même porté
la précaution jufqu’à interdire Yaliénation des biens
affe&és au titre clérical, fans la permiffion de l’évêque
: permiffion qui ne doit être accordée que dans
le cas où l’eccléfiaftique feroit pourvu d’un bénéfice
, ou auroit d’ailleurs un bien fuffifant.
L’ordonnance d’Orléans a adopté les difpofitions
des conciles ; elle les a même étendues jufqu’à
défendre entièrement Yaliénation du titre clérical ,
& à vouloir que le revenu , deftiné à cet objet,
fût certifié valable par quatre perfonnes folvables
du lieu , qui feroient tenus de fournir & faire valoir
le revenu du titre.
La jurifprudence des arrêts eft conforme à l’ordonnance
: le Prêtre rapporte un arrêt du parle-*-
ment de Paris, du 20 janvier 1610 , qui a déclaré
que le titre clérical étoit inaliénable. Un arrêt du
parlement de Touloufe, rapporté par Catelan, a
même jugé que des créanciers hypothécaires , antérieurs
à la création du titre , confervoient leur
hypothèque, mais que l’effet en reftoit fufpendu,
& qu’il ne pouvoit empêcher l ’ufufruit de l’ecclé-
fiaftique , pourvu cependant que la conftitution du
titre eût été publiée dans la paroiffe où fe trouve
fitué le fonds affe&é au titre clérical : il faut cependant
remarquer que ce fonds peut être valablement
aliéné, mais à la charge de l’ufufruit deftiné
pour les alimens du prêtre^
S e c t i o n I V .
De Valiénation des biens des communautés laïques. :
Les troubles qui défolèrent le royaume vers la
fin du feizième liècle , ayant obligé un grand nombre
de communautés d’aliéner leurs biens .communaux
, pour payer les tailles & les autres impo-
fitions auxquelles on les avoit affujetties, le ro i,
parmi édit du mois de mars 1600, ordonna qu’elles
pourroient rentrer dans ces biens durant l’efpace de
quatre années , en rembourfant aux acquéreurs' le
prix qu’ils en auroient payé.
La même permiffion fut renouvellée par d’autres
loix poftérieures , & finguliérement par la
déclaration du 22 juin 1659 & l’édit du mois d’avril
1667 , qui accordent aux communautés de
toutes les provinces du royaume , le droit de rentrer
, fans aucune formalité de juftice, dans les
fonds , prés , pâturages, bois , terres , ufages &
autres biens communs par elle vendus ou aliénés
par des baux ~ à cens ou emphytéotiques depuis
l’année 1620 , pour quelque caufe que ce pût être ,
même à titre d’échange, en rendant toutefois les
héritages échangés , & en rembourfant aux acquéreurs
le prix des autres aliénations faites pour caufe
légitime, & quiauroient tourné au profit des communautés.
Il fut , en outre , défendu aux mêmes
communautés d’aliéner à l’avenir leurs ufages &
biens communaux , fous quelque caufe ou prétexte'
que ce pût être, nonobftant les permiffions qu’elles.
pourroient obtenir à cet effet, à peine de nullité
des contrats, de perte du prix contre les acquéreurs
, & de 3 000 liv. d’amende contre les
perfonnes -chargées des affaires des communautés
qui auroient confenti à ces aliénations.
Il réfulte, de ce qui vient d’être dit, que quel
que foit le motif des aliénations faites des biens