
Les dommages arrivés aux marchandifes par leur
vice propre , par tempête , prife , naufrage ou
échouement ; les frais faits pour les fauver, & lés
droits , importions & coutumes , doivent tomber
fur le compte des propriétaires.
Quand on dît le vice propre des marchandifes ,
cela doit s’entendre de la'pourriture , dégât, mouillure
d’eau, coulage , &c.
La nourriture & le loyer des matelots, lorfque
le navire eft arrêté en voyage par ordre du fou-
verain, font auffi réputés fimples avaries , lorfque
le vaiffeau eft loué au voyage & non au mois; &
c ’eft le vaiffeau feul qui doit les fupporter.
Les groffes ou communes avaries lont les dépendes
extraordinaires faites , & le dommage fouffert
pour le bien & le falut commun des marchandifes &
du vaiffeau, telles que les chofes données par com-
pofition aux pirates , pour le rachat du navire &
des marchandifes ; les effets jettés à la mer, les cables
& mâts rompus ou coupés ; les ancres & autres
effets abandonnés pour le bien commun du
navire & des marchandifes.
Le dommage fait aux marchandifes reftées dans
le navire en faifant le jet en mer ; les panfemens
& nourritures des matelots bleffès en défendant le
bâtiment'; & les frais de la décharge pour entrer
dans un havre ou dans une rivière , ou pour remettre
à flot le vaiffeau.
La nourriture & le loyer des matelots d’un navire
arrêté en voyage par l’ordre d’un fouverain ,
lorfque le bâdment efrloué au mois, & non pour
le voyage.
Toutes ces avaries groffes & communes doivent
tomber tant fur le vaiffeau que fur les marchandifes
, pour être réparties, fur le tout, au fou
la livre.
Les menues avaries font les lamanages, touages ,
pilotages, pour entrer dans les havres & rivières
ou pour en fortir ; & elles doivent être fupportées,
un tiers par le navire, & les deux autres tiers par
les marchandifes.
Ces dépenfes font regardées comme menues avaries
, lorfqu’elles font des frais ordinaires ; mais fi
elles font occafionnées par une tempête ou autre
fortune de mer, ce font des frais extraordinaires,
qu’on eftime comme avaries communes, & pour
ïefquelles la contribution que nous venons d’expliquer
a lieu.
Pour prévenir toute difeuffion entre les propriétaires
ou les maîtres des navires & les marchands
affréteurs , au fujet de la répartition des menues
avaries y l’ufage s’eft établi depuis long-temp6 de
paffer, outre le fret, une certaine fomme aux propriétaires
des navires, pour les indemnifer de ces
menues avaries , fans diftinguer fi elles font ordinaires
ou extraordinaires ; & dans plufieurs ports,
où l’entrée des navires chargés eft difficile oc dan-
gereufe , on y a joint auffi l’indemnité des frais
extraordinaires de décharge des marchandifes.
En conféquence, la formule des connoiffemens
eft telle par-tout , qu’après la ftipuîatîon du fret>
on ajoute toujours cette phrafe , outre les avaries
aux us 6» coutumes de la mer , ou d’autres termes
équivalens. Cet ufage eft tellement accrédité, que
fi les marchandifes étoient chargées fans corinoif-
femènt dans un navire, on ne manqueroit pas d’en
faire payer le fret, fur le pied des autres marchandifes
chargées par connoiffement, & d’y ajouter
le prix des avaries, aux us & coutumes de la mer.
Comme les droits à payer , par les navires, ne
font pas les mêmes dans tous les ports , & que
dans les uns la décharge des marchandifes coûte plus
que dans lesautres, il y a auffi de la différence dans la
fixation de l’indemnité accordée au-delà du fret.
Il y a néanmoins affez d’uniformité , à cet égard r
dans le cabotage françois : on paffe communément ,
pour les avaries , dix pour cent du fret ; mais les
étrangers ne s’en tiennent à cette fixation , qu’au-
tant qu’ils y trouvent leur indemnité , autrement
ils fourniffent leur état de frais & de dépendes',
dont ils demandent les deux tiers aux marchands
chargeurs. Ils font entrer dans cet état de dépenfes
, non-feulement les objets énoncés par l’art. 8
du tit. des avaries, mais encore ceux de l’art. 9 ,
en y ajoutant de plus tout ce qu’il leur en coûte ,
excepté leur nourriture , dans tous les ports où ils
font obligés de relâcher fur la route. Il en eft même
qui font dans l’ufage de ftipuler jufqu’à trente-trois
pour cent du fret ; mais lorfqu’il n’y a point de
convention expreffe à ce fujet, leur condition eft
la même que cellê des autres , c’eft-à-dire , qu’ils
n’ont que les dix pour cent, fi mieux ils n’aiment
fournir l’état de leurs mifes, pour en prétendre les
deux tiers.
Quant aux voyages de long cours , l’ufage eft ,
à la Rochelle, de faire payer, par chaque marchand
chargeur, outre le fret, quatre fous du cent pefant
pour les fucres, cinq fous pour les indigos & les
cafés, fix fous pour les cotons, &c.
A Bordeaux , c’eft cinq pour cent du prix du
fret, autrement le fou pour livre ; & ce qu’il y a
de fingulier , c’eft que l’armateur, indépendamment
de cette augmentation du fret , exige les frais de
la décharge des marchandifes , réglés , par l’ufage ,
à tant par barique , caiffe ou ballot, &c.
On prétend qu’au Havre-de-Grace , il y a , pour
les avaries & frais de décharge , dix pour cent du
fret ; & qu’à Marfeille , il y a jufqu’à douze pour
cent.
Quoique ces frais puiffent paroître exceffifs, les
marchands affréteurs font néanmoins cenfés s’y être
fournis en acceptant les connoiffemens. Mais parce
que des marchands ont chargé leurs marchandifes
fur un navire de Bordeaux ; avec foumiffion de
payer les avaries félon le& us 6* Coutumes de la mer,
doivent-ils payer les cinq pour cent du prix du
fret , lorfque le navire , au lieu de décharger les
marchandifes à Bordeaux , les décharge dans un
port où les avaries dont il s’agit font d’un prix inférieur
}
Parfentence du 19 juillet I75'8, rendue à l’amirauté
de la Rochelle , il a été jugé que les frais
<Tavarie doivent être payés, fuivant l’ulage du port
où les marchandifes font débarquées.
Rien ne paroît , au premier coup d’oeil , plus
fimple que la diftinâion des avaries , & la manière
de les régler ; elles font néanmoins la fource ordinaire
d’une infinité de conteftations , d’où naiffent,
malgré la bonne foi des parties , des queftions très-
délicates , très-difficiles à décider; & cependant très-
intéreffantes pour le commerce : elles ont plus fou-
vent lieu entre les affureurs & les affurés.
On a pu remarquer , par ce que nous avons
déjà dit, que les avaries fimples font fupportées ,
par la chofe même qui a fouffert du dommage ou
caufé de la dépenfe ; que les menues avaries font
ordinairement fixées parle connoiffement, ou l ’ufage
des lieux, qui ont déterminé en même temps la
manière dont elles feroient fupportées , & ceux
qui en feroient tenus : il nous refte à détailler les
différentes efpèces, qui font défignées par le nom
de groffes avaries ou avaries communes, dont la contribution
fe partage au marc la livre entre le propriétaire
du navire & les affréteurs.
Du jet. La première efpèce d’avarie commune
eft le jet à la mer d’une partie de marchandife,
pour en, conferver le refte, ainfi que le vaiffeau.
C’eft une règle générale que le jet n’eft réputé
groffe avarie, & ne donne lieu à la contribution,
<que lorfqu’il a procuré la confervation du navire
6c des marchandifes qui y font reftées. Il faut
donc le concours de deux chofes : 1 °. que le jet
ait été néceffaire; 2,0. qu’il aitpréfervé le bâtiment
du naufrage ou du pillage.
Lorfqu’un maître de vaiffeau , par crainte ou
impéritie , jette à la mer une partie des marchandifes
, chargées fur fon bord , fans une néceffité
évidente, ce jet ne doit pas être compris fous le
nom de groffe avarie, & n’eft point fujet à la contribution
; il en eft feul tenu envers ceux à qui
• elles appartiennent , par l’aétion ex conduBo : c’eft
par cette raifon que l’ordonnance oblige le maître
de faire conftater la néceffité du je t , en cas de tempête
, ou de chaffe d’un pirate ou d’un ennemi ,
par l’avis des marchands , s’il y en a à bord , &
par celui du pilote & des principaux de l’équipage.
En cas de diverfité, l’avis du maître & de l’équipage
doit prévaloir fur celui des marchands , parce
que les premiers, étant par état gens de mer, font
cenfés avoir plus d’expérience : dans le cas de partage
, la Voix dû maître eft prépondérante.
L’avis de l’équipage doit non-leulement être donné
pour conftater la néceffité du je t , mais encore
l’efpèce des chofes qui doivent être jettées ; & ,
à cet égard , l’ordonnance preferit de jetter d’abord
les uftenûles du vaiffeau, les chofes les moins né-
ceffaires , les plus pefantes, & celles de moindre
prix.
Cet avis doit être écrit fur le regiftre de l’écri-
.Vain ou de celui qui en fait les fondions , & figné
de tous ceux qui ont affifté à la délibération ; finon,
on doit y faire mention des raifons qui les ont
empêchés de figner.
Pour obvier davantage aux fraudes que pour-
roient commettre les gens de l’équipage, le maître
doit , dans les vingt-quatre heures qu’il arrive à
un port , déclarer devant le juge de l’amirauté ,
s’il n’y en a pas , devant le juge ordinaire, & en
pays étranger, devant le conffil de la nation fran-
çoife , les caufes du jet & les marchandifes jettées
, &. confirmer la déclaration par ferment.
La néceffité du jet ne fuffit pas pour contraindre les
propriétaires du navire & du furplus des marchandifes
, à contribuer pour la perte que le jet a occa-
fionnée, il faut encore qu’il ait effectivement empêché
le naufrage ou la prife du vaiffeau. D’où il
fuit , que fi le vaiffeau eft péri dans la tempête ,
les marchandifes qui auront pu être fauvées du naufrage
, ne feront chargées d’aucune indemnité envers
le propriétaire des marchandifes jettées , par
la raifon qu’elles ne doivent pas leur confervation
à celles qui ont été jettées.
Il en eft de même , lorfem’après le jet d’une partie
de la cargaifon du vaiffeau , il a été pris par
un corfaire ou un pirate, & que l’induftrie ou la
bravoure de l’équipage ont délivré le navire & les
marchandifes reftées, parce que ce n’eft pas le jet
qui en a procuré la confervation.
Mais lorfque le jet a effectivement procuré le
falut du bâtiment , il y a lieu à la contribution ,
en faveur du propriétaire des effets jettés, quand
bien même-il viendroit à périr par une féconde
tempête, ou feroit pris par un fécond corfaire : c’eft
la drfpofition de l’ordonnance , conforme à celle
de la loi 4. §. /. ff. ad leg. Rhod. de jaHu. Ainfi ,
il importe beaucoup de favoir , fi le navire a péri
dans la même tempête pour laquelle le jet a été
fait, ou dans une tempête fubféquente. Il eft bon
néanmoins d’obferver que fi après le jet il y avoit
eu quelque interruption , & que la tempête eût recommencé
avec plus de violence , elle feroit réputée
la même , & il n’y auroit pas lieu à la contribution.
On doit réparer non-feulement le dommage caufé
par la perte des marchandifes jettées, mais encore
celui que.le jeta occafionné aux marchandifescon-
fervées & au corps du bâtiment.
Cette règle reçoit néanmoins deux exceptions :
la première , par rapport aux effets dont il n’y a
pas de connoiffement , à moins que le maître ne
s’en foit chargé fur fon livre de bord , qui fup-
plée alors au connoiffement.
Si ces effets ont été jettés, les propriétaires des
marchandifes confervées ne font tenus d’aucune
contribution à cet égard, par la raifon que le maître
n’en eft pas refponfable , puifqu’il ne s’en eft
pas chargé , & qu’il ne peut être recevable à faire
contribuer à cette perte , les autres parties inté-
reffées à la confervation du navire.
La fécondé exception regarde les effets qui étoient
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