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tent ou qui empêchent une libéralité entre conjoints.
Quoi qu’il en foit, pour en revenir au droit coutumier,
la prohibition portée par la coutume de
Paris, n’eft pas fi générale qu’elle ne reçoive bien
des exceptions dans d’autres coutumes. Dans les
unes, comme dans celle de la Marche, il eft permis
au mari & à la femme de tefter l’un en faveur
de l’autre , jufqu’à concurrence du tiers de tous leurs
biens ; dans d’autres, comme en Auvergne , le mari
peut tefier en faveur de fa femme, & non la femme
en faveur du mari. Dans une province,.on peut
difpofer de certains biens, & dans une autre, on
ne le peut pas. Ici on peut le faire lorfque les çon-.
joints s’èn font réfervé la faculté par le contrat de
mariage ; là on ne le peut, ni d’une façon, ni d’une
autre ; rien de plus varié fuivant les différentes coutumes;
mais en général , il eft de droit commun
qu’il y a une prohibition, à moins qu’elle ne foit
levée par la coutume du pays où l’on a envie de
difpofer. Sur quoi il eft bon d’obferver que cette
prohibition n’eft que locale, c’eft-à-dire, qu’elle
ne porte que fur les biens qui font fitués fous la
coutume prohibitive, & qu’elle ne s’étend nullement
fur ceux qui font fitués en pays d’entière.
liberté. .■
Des avantages indirects entre conjoints. Il eft de
maxime que lorfqu’on ne peut s’avantager directement
entre conjoints, on ne peut le-faire non
plus indirectement. Ainfi , quoique le don- mutuel
ne foit point, à proprement parler, un avantage
puifqu’il peut tourner au profit de l’un comme de
l ’autre, cependant, fi ce don ne fe faifoit qu'aux
approches d’une mort inévitable il ne produirait
aucun- effet ; on préfumeroït par-là, que. le fur-
vivant a cherché à fe faire faire un avantage m-
direft.
On le préfumeroit de même encore, fi le mari
recevant une fucceflion échue à fa femme, il exa-
géroit par fes quittances le mpntant de cette fuc-
ceftion. On ferok- fondé à croire qu’il a voulu gratifier
fa femme, en lui fourniffant le moyen de •
réclamer, quand il feroit mort, des objets plus con-
fidérables que ce qu-’il auroit réellement touché de
la fiiecefîton-
Conime les fruits & revenus du bien de la
femme appartiennent au mari, s’il paroiffoit qu’ils
ne fe font féparés que pou& donner occafiorr à la
•femme ^’appliquer ces mêmes fruits à fou profit
particulier, ce feroit une ouverture aux héritiers
du mari pour s’en plaindre.
Si par le contrat de mariage il étoit dit que la
femme partagera la communauté, fans participer
aux dettes, cette claufe ne pourroit non plus fe
foutenir, parce que rien ne feroit plus facile que *
de l’avantager de cette manière : le mari n’auroit
pour cet effet qu’à faire béaucoup d’emprunts pour
des acquifitions. Si le mari, par contrat de mariage ,
avoit inftitué fa femme héritière de tout le mobilier
qui fe trouverait dans fa fucceflion, le prix •
des propres aliénés tomberoit-il dans Isa faveur de
1 inftîtutîon ? Si l’aliénation s’étoit faite fans fraude^
ce prix lui appartiendrait ; mais dans le cas contraire
on penferoit différemment, fuivant qu’il a été jugé
dans la coutume de Paris, par arrêt du 2.9 février 1760*
Quoique la coutume de Paris foit une des coutumes
les plus févères, elle permet pourtant aux
époux, lorfqu’ils marient leurs enfans, de ftipuler
que ces enfans laijferont jouir le furvivant de leur père
ou de leur mère y des meubles & conquéts du prédécédé r
la vie durant du furvivant ; pourvu qu’il ne' f e remarie
pas. 11 ne falloir pas moins qu’une exception
marquée pour les fouftraire à la rigueur de l’article
2.82 ; § t , comme cette exception 11’èff pas de droit
commun , elle ne fauroit s’étendre.* aux autres coutumes
qui n’en parlent pas».
Mais fi,dans ces autres coutumes, un pèçe , par
exemplefaifoit un avantage àfon fils, à la charge
& condition par celui-ci, de laïffeç jouir fa mère
de tel ou tel objet fa vie durant, une pareille dif-
pofition palTerott-elJe pour un avantage prohibé’
La queftion eft délicate : il paraît d’abord que ce
feroit un avantage indirecte Cependant, comme
toutes les conventions-, & principalement les conventions
matrimoniales font fiffceptibles de toutes
fortes de claufes & conditions qui 11 ont rien; de
contraire*aux bonnes moeurs, on peut dire qu’une
ftipuktion pareille obtiendrait fon effet' ; parce
qu’enfin on ne peut point féparer la condition, de
la libéralité à laquelle elle eft attachée. D’ailfeür&
i f dépendroit du fils d’accepter Y avantage ©u. de le
réfuter ; mais,. en. l’acceptant, il faudrait qu’il acceptât
néceilairement ce qui feroit une fiiite de ce
meme avantage : qui Jentit commodum,. fentire débet
&■ onus.
On prétend que lorfque les deux conjoints font
proches parens , n’ayant dès-lofs été mariés qu’avec
difpenfe, la prohibition n’a plus lieu à leur égard ;
& cela, dans l’idée que les avantages qu’ils fe feraient
, auroient plutôt alors- l’affefiion que la tyrannie
ou la fédudion pour- principe. Mais nous
ne faurions adopter cette, diftindion qui dans l’u-
fage ne fe propofe point. Il eft rare que la parente
contribue à rendre les mariages plus unis & plus
heureux. L’intérêt & la cupidité font aveug lesils
ne, favent rien difcerner..
S e c t i o n I L
Des avantages prohibés vis-à-vis des enfans 6* dès
héritiers préfomptifsi
Avantages concernant les enfans. Les enfans font
naturellement appelles à- partager la fucceflion de
leur père & de leur mère par égale portion, &
cette égalité s’obferve, à moins qu’il ne foit permis
d’y déroger. Le droit, écrit & le droit coutumier
n’ont prefque rien de commun à cet égard.
Dans le droit écrit, il eft permis de faire la condition
d’un de fes enfans,. meilleure que celle des
autres, foit par teftament, foit par donation con-
traduelle» En pays coutumier, il en eft autrement;
dans quelques coutumes , on né peut avantager les
uns plus que les autres, fi ce n’eft par leur propre
contrat de mariage ; dans d’autres , on ne peut les
favorifer que d’une certaine quotité & d’une certaine
nature de biens. Ici on diftingue entre nobles
& 'roturiers : là on accorde un préciput ; ailleurs
il n’efi eft point quéftion : autant de coutumes, autant
, pour ainfi dire, de difpofitions diverfes
fingulières.
Lorfqu’il eft porté par-une coutume, que le père
& la mère ne pourront avantager l’un de leurs
enfans plus que les autres, fi ce n’eft dans les
cas où il leur' eft permis de ne point s’arrêter à
cette égalité, il eft certain que ce qu’on ne peut
point faire pour eux directement, on ne peut le
faire non plus d’une manière indirecte, c’eft-à-dire ,
par des voies détournées.
Un ftatut pareil eft-il réel ou peçfonnel ? Il devrait
fans doute être perfonnel, & s’étendre à toutes
fortes $ avantages, faiis confidérer fi les biens
font fitués ou non dans? la coutume prohibitive ;
mais il en eft ic i, comme à l’égard du mari & de
la femme, pour lefquels il eft décidé , qu’ils peuvent
exercer leurs libéralités refpeâives fur d’autres
biens que ceux qui font fitués dans la coutume
prohibitive dû ils ont leur domicile. Sans doute
qu’on regarde la prohibition comme trop rîgou-
reufe,pour lui donner de l’effet- hors du territoire
où 'elle eft introduite.
Mais fi un père, pour avoir occafion d’avantager
l’un de fes enfans dans une coutume prohibitive
, vendoit de fes fonds fitués dans cette coutume
, pour en acheter d’autres dans une province
où il eft permis d’avantager l’un de fes enfans plus
que les autres, la difpofition qui feroit faite de ces
biens nouvellement acquis, en faveur de cet enfant
, au préjudice des autres, feroit-elle valable ? |
Ceci dépendroit des circonftançes : il eft certain
que, f i , peu de temps après l’acquifition , le père
en difpofoit en faveur de fon fils, cette difpofition
paraîtrait faite pour éluder la lo i, & le fils
feroit obligé de rapporter ce qu’il auroit pris ; mais
fi d’un Coté, on peut préfumer de la prédile&ion
de la part du père , on eft, d’un autre côté, éloigné
de foupçonner de la fraude, lorfqu’on fait attention
qu’un père chérit également fes enfans, &
que l’amdtir de l’égalité eft autant chez lui dans la
nature que dans la loi. On ne peut donc point
donner de règles certaines en pareil cas : tout dépend
des- circonftances, des lumières & de la prudence
des juges.
Lorfqu’il eft permis d’avantager un de fes fils,
en le mariant, on voudrait trouver fouveirt l’oc-
cafion d’en avantager un autre en même temps : la
difficulté a.fait imaginer une tournure qiii.au fond
eft une contravention à la lo i, mais qui cependant
ne laiffe pas de produire fon effet, & la voici :
c’éft de ne faire Xavantage au fils qu’on marie, qu’à
la charge par lui d’y affocier, pour un quart, un
tiers , une moitié, l’autre enfant qu’on veut ayantâger
& qui ne fe marie pas. Comme il eft de maxime
qu’on ne peut point divifer les contrats , pour n’en
exécuter.que ce qui eft avantageux, & abandonner
ce qui en peut être onéreux , fuivant que nous
l’avons obfervé au fujet du mari & de la femme,
on décide que le fils ne peut point accepter Xavantage
qu’on lui a fait,:, fans effeéfivement en communiquer
le bénéfice à l’autre fils affocié pour la
quote-part déterminée. Cette tournure eft d’un ufage
établi, notamment dans la coutume de la Marche
où il eft défendu d’avantager l’un de fes enfans
plus que les autres, fi ce nVeft par contrat de mariage.
Cet ufage eft confirmé par la jurifprudence
du principal fiège de l’endroit, & par nombre d’arrêts
de la cour du parlement, dans le reffort de
laquelle fe trouve fiqiée la province de la Marche.
Dans cette coutume & dans d’autres femblables,
le père & la mère , en fe mariant, peuvent-ils par
leur contrat de mariage, faire des avantages par anticipation
à l’un de leurs enfans à naître, au préjudice
des autres? Suivant ces coutumes, les enfant
ne pouvant être avantagés que par leur propre çon*
trat de mariage, il femble qu’une faveur par' anticipation
blefferoit la loi ; cependant on regarde une
pareille difpofition comme valable, & comme une
fuite naturelle de là faculté qu’on a par*un contrat
de mariage, de ftipuler pour foi & pour fes def-
cendans, telles claufes & conditions quej’on juge
à propos*, lorfqu’elles n’ont rien de contraire aux
bonnes moeurs. En vain, diroit-on qu’un avantage
par anticipation eft contraire à la loi : la loi ne
s’explique que pour les avantages à faire , & non
pour ceux qui fe trouvent déjà faits : la. première
lo i, fous laquelle les enfans font venus au monde,
eft celle du mariage, & c’eft cette même loi qui
doit toujours, être fuivie,
Queftion. Un enfant qui auroit rendu à fon père
un fervice de la dernière importance, qui,. par
exemple, fe feroit expofé à un danger prochain ,
pour le fativer d’un naufrage, d’un incendie , ne
pôurroit-iï point, par forme de récompenfe, recevoir
autrement que par contrat de mariage, un
avantage particulier de fon père , fans être tenu de
le précompter à fes cohéritiers ? La raifon de douter
fe tire de ce qu’un fils, en pareil cas, ne fait
que fon devoir; mais en raifonnant plus conformément
à la nature humaine, nous penfons que
îa juftice, bien loin de le dépouiller de cet avantage
, viendrait à fon fecours pour le lui conferver.
L’exemple d’un fils qui affronte le danger pour fau-
ver la vie de fon père, eft trop précieux , pour
que ce père foit privé de la douce fatisfaftîon de
le récompenfer comme fon bienfaiteur, & trop
rare pour qu’il ne foit point permis de le faire fer-
v if de leçon aux autres enfans qui n’auroient point
la même générofité que lui. Jamais-on. ne pourroit
faira d’application plus matérielle dé la lo i, qu’en,
remployant en pareil cas, à combattre une récompenfe
due au courage & à la vertu.
Avantage aux héritiers préfomptifs. Il y a' des cou