
une autre, après la liquidation des prétentions ref-
pe&ives.
A rrêtes de M. le P. P. de Lamoignon : c’eft
un recueil précieux de projets de loix, & des principales
règles ' de la jurifprudence , raflemblés fous
les yeux de M. Lamoignon, par douze des plus
fameux avocats de fon temps.
Son but étoit de remplir le voeu de tous les ju-
rifconfultes éclairés, & en particulier du fameux
Dumoulin * & pour cet effet de réduire à une
feule toutes les coutumes du royaume, dont le .
nombre monte à deux cens quatre-vingt-cinq. Il
vouloit auffi faire difparoître les contrariétés qui fe
rencontrent dans notre jurifprudence, non-feulement
entre les différens parlemens, mais encore
entre les chambres d’un même parlement ; il donnoit
encore des décifions nouvelles & particulières pour
les cas où les coutumes & le droit romain gardent
ïe filence.
Le projet de M. de Lamoignon avoit été agréé
par Louis XIV ; mais il n’a pas eu l’effet qu’on en
attendoit, c’eft un malheur pour la France. Pourquoi
un feul peuple, un feul légiflateur, n’ont-ils
pas un feul & même code?
Quoique les arrêtés dont nous parlons n’aient pas
(Je caraélère des loix publiques, on les regarde au
palais avec la vénération qu’on doit à des confti-
tutions célèbres, que la raifon a diâées, & que les
üècles ont confacrées ; les juges y puifent fouvent
leurs décifions, &• le légiflateur y a eu fouvent
vecours ; M. d’Agueffeau, dit., en parlant de ces
arrêtés, que c’eft l’ouvrage le plus propre à former
cette étendue , & cette fupériorjté d’efprit.avec
lefquelles on doit embraffer ie droit François, fi
on veut en pofféder parfaitement les principes.
ARRHER, v. a. ( Jurifprudence. ) c’eft s’affurer
d’une maîckandife où d’une denrée en donnant des
arrhes. Les loix & les ordonnances de police dé-
\ fendoient d'arrher les grains, foit avant leur récolte,
foit dans le temps qu’on les amène aux marchés,
dans la crainte que les marchands ne fe rendiflent
maîtres du prix de la vente. Voye^ ce que nous en
avons dit ci-dejfus aux mots ACCAPAREMENT,
A mas. Voye^ aujji Grains & Monopole.
ARRHES, f. f. plur. (Droitcivil.') les arrhes font
un gage en argent donné" par l’acheteur au vendeur,
pour aflùrer l’exécution d’un marché.
Il y a deux efpèces d'arrhes : les unes fe donnent
lors d’un contrat feulement projetté, & les
autres, après le contrat conclu & arrêté.
i°. Les arrhes qui fe donnent lors d’un marché
propofé & avant qu’il ait été conclu, forment la
matière d’un contrat particulier par lequel Pierre,
nui donne fes arrhes, confent de les perdre s’il re-
lufe de conclure le marché propofé, & Paul qui
les reçoit, s’oblige, de fon côté, à les rendre au*
double, dans le cas d’un pareil refus de fa part.
Cette convention étant de la nature du contrat
<Parrhes, il n’eft pas néceffaire qu’elle foit expreffe :
elle eft tacitement renfermée dans le fait même pas
lequel Tune des parties , lors d’un marché propofé
& non encore arrêté, donne quelque chofe à l’autre
par forme. d'arrhes.
S i, d’un confentement unanime, les parties annul*
lent le marché, ou fi l’inexécution de là convention
ne peut être imputée, ni à l’acheteur, ni au vendeur
, .celui qui a reçu les arrhes doit les rendre ,
j& rien au-delà.
La chofe donnée pour arrhes doit être confer-
vce avec foin par celui qui l’a reçue ; Il eft tenu
à cet égard de la faute légère, le contrat d"arrhes
fe faifant pour l’intérêt de l’un & de l’autre des
.contraâans.
2°. Quand les arrhes fe donnent après le marché
conclu, c’eft ordinairement -l’acheteur qui les
donne au vendeur, pour fervir de preuve de la
convention.
Lorfque les arrhes données par l’acheteur con-
fiftent dans une fomme d’argent, elles font cenfées
données à compte du prix de la vente.
Si les arrhes font une autre chofe que de l’argent,
le vendeur peut retenir cette chofe, comme une
efpèce de gage, jufqu’à ce qu’il foit entièrement
payé.
3°. Lorfqu’après le contrat de vente conclu 8c
arrêté, le vendeur a reçu des arrhes de l’acheteur,
chacune des parties peut-elle être contrainte par
l’autre à l’exécution de fon obligation, & condamnée,
faute de l’exécuter, aux dommages & intérêts
réfultans de ^’inexécution , comme s’il n’avoit
point été donné d’arrhes? ou eft-il au pouvoir de
l’acheteur d’annuller fon obligation, en offrant de
perdre les arrhes qu’il a données? & le vendeur
a-t-il le droit de rendre la fienne inutile , en offrant
les arrhes au double ?
Fachin & les docteurs qu’il cite ont fuivi cette
dernière opinion. Ils fe fondent fur ce que Juftinien
dit que l’acheteur qui refùfe d’exécuter le contrat,
doit perdre les arrhes, & que fi le refus vient du
vendeur, il doit les rendre au double. La lo i, di-
fent ces auteurs, ayant fixé les dommages & intérêts
réfultans de l’inexécution de l’obligation, à"
la perte des arrhes, relativement à l’acheteur, &
à la reftitution des arrhes au double, relativement
au vendeur, les parties ne fauroient prétendre d’autre
indemnité. On doit préfumer qu’en donnant & en
recevant les arrhes, elles fe font contentées de
cette efpèce de dommages & intérêts, & qu’elles
ont renoncé à toute autre aétion pour faire exécuter
le contrat.
Mais Wefembec, Yinnius & M. Pothier rejettent
avec raifon cette opinion : ils remarquent ju-
dicieufement que ce qu’a dit l’empereur Juftinien,
ne doit s’entendre que des arrhes que l’on donne
lors du marché qui n’eft enpore que propofé &
non conclu, ni rédigé par écrit. Il doit en être
autrement lorfque les arrhes ont été données après
le marché conclu & arrêté. L’acheteur peut être
contraint au paiement du prix, & le vendeur à
I livrer la chofe ; ou s’il ne peut la livrer, aux doramages
& intérêts de l’acheteur, fans que les parties
puiffent annuller leurs obligations refpetlives,
en offrant de perdre les arrhes ou de les rendre au
double. En effet, il feroit abfurde que les arrhes
n’ayant été données & reçues que pour confirmer
la convention & la rendre plus certaine, devinf-
fent la caufe de la réfolution du contrat.
46. Quoique les arrhes foient communément perdues
pour l’acheteur , quand il refufe d’exécuter le
marché, elles doivent toutefois lui être rendues,
lorfque nonobftant fon refus, il a été contraint
d’exécuter la convention : parce que la perte des
arrhes s'applique à l’inexécution du marché, & non
au refus de l’exécuter.
De même, lorfque pour n’avoir pas exécuté la
convention , le vendeur à été condamné aux dommages
& intérêts de l’acheteur, celui-ci ne peut
pas répéter le double des arrhes, parce que cette
peine tient lieu des dommages & intérêts ; & que
ii le vendeur la fupportoit, l’acheteur feroit payé
doublement d’une même chofe.
< °. Ordinairement dans le projet d’un contrat de
vente, ou dans l’aâe même de vente on fixe un
délai, dans lequel celui qui a donné les arrhes eft
tenu de retirer des mains du vendeur la chofe achetée
, & ce temps expiré, les arrhes appartiennent
de droit au vendeur.
Quelques coutumes ont auffi, pour éviter les
conteftations, limité un temps après l’expiration duquel
le marché eft réfolu, & les arrhes appartiennent
au vendeur.
L’article 400 de la coutume de Reims, porte
que , tous acheteurs de vin & autres marchandifes doivent
, dans vingt fours apres Fâchât, lever ladite mar•
chandifef qu autrement lès arrhes font perdues ; & ,
ajoute l’article, ne fera tenu le vendeur de la délivrer
s'il ne lui plaît; néanmoins fera au choix du vendeur
de pourfuivre fon acheteut pour raifon de fes dommages
& intérêts.
Les articles 2.56 de la coutume de Sens, 141 de
la coutume d’Auxerre, 278 de la coutume de Laon
& 268 de celle de Châlons, . ont des difpofitions
à-peu-près femblables.
Les ftatuts des drapiers dé l’an 1572, difentque
fi aucun achète du drap d’un de fes confrères, qu’il
ait baillé des arrhes, & qu’il ne vienne pas quérir
le d*ap, dans le mois après qu’il en aura été fommé,
il perdra fes arrhes s’il n’y a convention au contraire
, & ne pourra rien demander au vendeur,
& lui fera favoir ledit vendeur ladite ordonnance
quand il lui fera faire ladite fommation.
Par arrêt du 12 juin 1645 » parlement d’Aix
a jugé qu’un acheteur devoit perdre les arrhes données
, lorfqu’il avoit négligé' de payer au terme
préfix, le prix de la chofe achetée.
Maynard rapporte un arrêt du 7 juillet 1569 ,
par lequel le parlement de Touloufe cafta la pre-
mefle de vendre faite par un mineur, & le condamna
à rendre les arrhes qu’il avoit reçues.
6°. Le propriétaire d’une maifon n’eft pas tenu
de rendre au double les arrhes qu’il a reçues, pour
sûreté du bail ou de la promefle qu’il a faite de paf-
fer bail de fa maifon, lorfqu’il refufe de le palier,
parce qu’il veut aller lui - même occuper la maifon
: il ne peut, dans ce cas, être obligé qu’à rendre
les arrhes telles qu’il les a reçues. Cette jurifprudence
paroît contraire à la nature du contrat d'arrhes;
mais elle eft fondée fur ce que le bail qu’un
propriétaire fait de fa maifon, comprend toujours
tacitement la faculté de réfoudre le bail lorfqu’il
voudra occuper la maifon lui-même. Une telle
convention doit donc être mife au rang de celles
dont l’inexécution ne peut être imputée ni à l’une
ni à l’autre des parties.
70. Chez les Romains, le fiancé avoit coutume
de donner des arrhes à la fiancée, ou au père de
la fiancée, fi elle étoit fous la puiflànce paternelle.
Ces arrhes étoient perdues pour le fiancé, s’il vendit
à manquer à fon engagement ; mais fi le mariage
ne s’étoit pas fait par la faute de la perfonne
qui avoit reçu les arrhes, elles dévoient être rendues
au double au fiancé.
Lorfqu’aucune des parties n’avoit donné lieu par
fa faute à ce que le mariage ne fe fît pas, & qu’il
n’avoit été rompu que pour quelque caufe légitime
ou par une force majeure, telles que la mort d’une
des parties, les arrhes dévoient être rendues purement
& fimplement fans aucune augmentation.
Parmi nous, le fiancé & la fiancée fe donnent '
afîez fréquemment des arrhes l’un à l’autre. Si l’une des
deux parties refufe, fans un jufte fujet , d’accomplir
fon engagement, elle doit rendre à l’autre les arrhes
qu’elle en a reçues, & perdre celles qu’elle lui a
données, pourvu toutefois que ces- arrhes ne foient
pas trop cortfidérables, eu égard à la qualité Seaux
facultés des parties.
Si les arrhes excédoient de beaucoup la fomme
à laquelle pourroient être réglés les dommages &
intérêts réfultans de l’inexécution des promettes d e :
mariage, la partie qui auroit donné ces arrhes feroit
en droit de les répéter, mais feulement en ca
qu’elles excéderoient la valeur des dommages &
intérêts que le juge doit accorder en cas pareil. -
Cela a été ainfi jugé par un arrêt du 20 août 1680 ,.
rapporté au journal du palais.
Dans cette efpèce, M. Hébert, maître des requêtes
, ayant voulu époufer la fille de M. d’Epi-
n o y , maître des comptes, il y eut contrat de mariage
paffé entre les parties, le 9 avril 1680. Le
lendemain, M. Hébert obtint une difpenfe dé publication
de bans, & le 11 , il envoya à la fiancée
une cadette, des bourfes & deux mille louis d’or
pour arrhes ou préfent de noces. La veillé du jour '
pris pour la célébration du mariage, M. Hébert prétexta
une indifpofition , & fit enfitite connoître qu’il
n’àvoit plus deftein de fe marier. Il fit en confé-
quènee répéter la caffette, les bourfes & les deux
mille louis.
Quelques jours s’écoulèrent fans qu’on fatisfît à
fa demande : c’eft pourquoi il fit affigner le père