
La prime confiée le plus ordinairement en une j
font me d'argent dont les parties conviennent à rai-
fôn de tant pour cent de la valeur de la chofe af-
furée. On convient auffi quelquefois d’une fomme
par chaque mois que le voyage durera, ou même
d’une feule fomme pour tout le temps du voyage.
Lorfqu’on fait aflurer, pour une feule fomme,
l’aller & le retour d’un vaiffeau, la prime s’appelle
une prime liée, c’eft -à -dire, qui lie & réunit en-
une , celle pour l’aller, & celle pour le retour.
La prime eft le j lifte prix des rifques dont l’af-
fureur fe charge. Mais comme il eft très-difficile de
déterminer quel eft ce jufte prix, on doit lui donner
une très-grande étendue, & réputer pour le jufte
prix celui dont les parties font convenues, fans
que l’une ou l’autre puiffe à cet égard alléguer la
léfion.
Elle doit être plus ou moins conftdérable fuivant
qu’il y a plus ou moins de rifques à courir de la
part de l’affiireur, & que ces rifques doivent durer
plus ou moins de temps. C ’eft par cette raifon que
la prime dont on convient en temps de guerre, eft
beaucoup plus forte que celle qu’on ftipule en temps
de paix.
Nous avons remarqué ci-deflùs, en parlant des
déclarations de guerre dont les rifques font fur le
compte des aftureurs, que la jurifprudence avoit
introduit, depuis 1755, une augmentation des primes
faites en temps de paix, lorfque la guerre fnr-
venoit inopinément. Cette jurifprudence paroît au
premier coup-d’oeil contraire aux principes de droit;
en effet, dans tous les contrats, & dans celui de
-vente en particulier auquel celui dé ajjurance reffem-
ble parfaitement, on a feulement égard au prix de
la chofe qui en fait l’objet, dans le temps du con-
•trat, _& non à celui qu’elle a valu depuis ; d’où il
fuit que l’affureur s’étant chargé, pour un prix convenu,
de tous les rifques qu’un bâtiment peut courir
, même celui d’une déclaration de guerre, ex-
preffément nommé dans l’ordonnance , ne peut par
cette raifon demander une augmentation de prime.
Nonobftant ces raifons, l’amirauté du palais a
penfé .qu’il étoit d’une néceflité abfblue & indif-
penfable pour l’intérêt du commerce maritime, &
pour prévenir & empêcher la ruine des aftureurs
& des chambres d’aJJurances, de leur accorder une
augmentation de prime pour les bâtimens qui avoient
mis en mer avant la déclaration de la guerre. En
effet, les aftureurs, dans la fécurité que leur don-
noit la paix , avoient aflùré purement & fimple- ,
ment, & pour des primes très-modiques, un grand
nombre de navires &.dreffets, les prîtes nombreufes
que les Ànglois firent avant la déclaration de guerre ,
auroit infailliblement ruiné toutes les chambres d'aJJurances,
fi elles n’avoieiît eu, dans l'augmentation-
des primes, un dédommagement de la modicité de
celles portées par leurs polices d'aJJurances. Les juges
des amirautés ont été déterminés par la règle générale
; czquitas juris JcrüpuloJîtati proeponderure débet.
Cette queftion ne feroit plus de difficulté aujourd’hui
; on adjugefoit même une augmentation de
prime dans le cas Où le vaiffeau auroit été pris par
l’ennemi avant qu’il eût déclaré la guerre. Lé parlement
de Paris l’a jugé ainfi par un arrêt du 16
mars 17 6 1 , confirmatif d’une fentence de l'amirauté.
Lorfque la police d'ajjurance a été faite en temps
de guerre, l’affuré peut-il demander une diminution
de la prime, fi la paix vient à fe faire tout-
d’un-coup ? En s’attachant aux principes que nous
avons établis , on1 devroit dire que la furvenance
de la paix ne peut empêcher l’effet d’une police
contraélée- auparavant. Mais, à la paix de 17489
dont le retour fut très-imprévu, le r o i p a r deux
arrêts du confeil des 16 janvier 1748, & 28 janvier
1749, ordonna une modération des primes
fur les polices faites durant la guerre. Cette modération
ne pou voit avoir lieu qu’eu égard-'à ce qui
reftoit de rifques à courir lors de la paix : les rifques
courus pendant la durée de la guerre dévoient
fe payer fur le pied de la convention.
Consentement des parties. Sixième objet de VeJJenct
du contrat d1 ajjurance. Le confentement des parties
contraélantes eft de Feffence du contrat d'ajjurance,
de même que de tous les autres contrats. Il doit
donc intervenir fur les chofes qu’on fait afîùrer,
qui font la matière du contrat; fur la fomme pour
laquelle on les fait aflurer ; fur les rifques dont on
charge l’affureur; fur la prime qui eft le prix de
Y ajjurance. Cet objet n’a pas befoin de preuve ni
de difeuffion.
S e c t i o n I L
Des perfonnes entre lefquelles intervient le contrat
dé ajjurance.
Le contrat S ajjurance peut avoir lieu entre toutes
les perfonnes capables de contrarier ; d’où il fuit
qu’il eft permis à tous ceux à qui les loix laiffent
la liberté de s’obliger, & qu’il n’exifte pas entre
ceux qu’elles empêchent de contraéler.
Ainfi, i°. les mineurs ne peuvent être ni aftureurs
ni affurés, à moins qu’ils n’exercent publiquement
la profeflion de marchands : la loi les déclarant
capables de contrarier pour les affaires de leur
commerce , ils peuvent donc également être parties
dans un contrat à'ajjurance, foit pour faire aflurer
les effets de leur commerce, foit pour être aftureurs,
s’ils font le commerce dé ajjurance.
2°. Le commerce étant interdit aux eccléfiaftiques
par les loix canoniques, & aux officiers de judica-
ture par les loix civiles , ils ne peuvent régulièrement
intervenir dans les contrats àéajjurance : s’ils
le font, le contrat n’en eft pas moins valide; mais
ils s’expofent à plufieurs peines pour leur contravention
, telles que la fufpenfion, l’interdidion &
la perte de leurs privilèges.,
30. Les nobles qui ne font ni eccléfiaftiques ni
officiers de judicaturc, peuvent licitement intervenir
dans les contrats dé ajjurance, foit comme af-
fureurs, foit comme affurés, le commerce maririme
leur étant permis par l’édit du mois d’août
1669. . *
40. L’article 68 du titre des aJJurances fait de-
fenfes à tous les greffiers de police qui avoient été
créés par un édit de 1657, pour «paffer les polices
d1ajjurance; aux commis des chambres cV'ajjurance,
aux notaires des villes où font établies les chambres
d'aJJurances qui paffent & s’entremettent, de faire
paffer des polices; aux courtiers & aux cenfaux
nom qu’on donne en Provence aux courtiers ) ,
e faire aucunes polices dans lefquelles ils foient
intéreffés direétemênt ou indirectement, par eux-
mêmes ou par perfonnes interpofées, & de prendre
tranfport 'des'droits des affurés.
La raifon qui a fait interdire le commerce des
aJJurances à tous ceux que nous venons de nommer,
eft la même que celle qui a fait faire défemfes à tout
commiffionnaire de faire le même j^enre de commerce
pour lequel il fait la com million. C ’eft pour
obvier aux fraudes & aux infidélités qu’ils feroient
tentés de commettre^ en faififfant pour eux les oc-
.cafions favorables, au préjudice de ceux qui leur
confient leurs intérêts. Ils ne peuvent auffi accepter
des tranfports, parce que ces tranfports forment une
préfomption que ceux dont ils les acceptent, ont
été leurs prête-noms dans le contrat àéajjurance,
contre la défenfe de la loi.
Au furplus, l’ordonnance ne prononcé pas la
nullité des aJJurances pafféesavec ces'fortes de perfonnes
: elle prononce contre eux une amende de
cinq cens, livres pour la première fois, & la defti-
tution de leur état, en cas de récidive.
50. Le contrat d’ajjurance étant du droit des gens,
l ’ordonnance permet de le contrarier avec des étrangers
, foit pour fe faire affurer par eux, foit pour
aflurer leurs effets. La déclaration de guerre entre
deux, nations n’empêche même pas le commerce
des aJJurances, quoique tout autre foit interdit. Dans
la dernière guerre , les aftureurs anglois aflùroient
nos marchandifes, & nous rendoient la valeur des
prifes faites par leurs corfaircs.
6°. Non-feulement le propriétaire d’une marchan-
dife peut la faire affurer ; mais celui aux rifques duquel
elle fe trouve par Y ajjurance, peut la faire réaf-
furerpar un tiers, à un prix plus ou moins fort que
celui pour lequel il l’a aflùrée. C e contrat de réaffu-
furarice ne 'défoblige pas le premier affureur vis-à-
vis de l'affiné ; mais, en cas de perte de la chofe
affurèe, elle lui donne un recours contre le fécond
affureur, pour fe faire indemnifer de la perte qu’il
effuie. .
. 70. Le contrat d’ajjurance peut fe faire ou par
foi-même ou par un commifliônnaire. Mais il diffère
des antres contrats qu’on fait faire par procureur
, en ce que les commiffionnaires pour aJJurances
font cêniés s’obliger tacitement en leur nom,
& contracter l’obligation de payer la prime ; obligation
dont ils rie font pas déchargés par la déclaration
qu’ils font depuis le contrat, de la perfonne
pour le compte de laquelle ils ont fait affurer.
S e c t i o n I I I .
De la forme du contrat d'ajjurance.
Tous les contrats confenfuels, au nombre defquéls
nous avons compris celui dé ajjurance maritime, reçoivent
, fuivant le droit naturel; leur perfedion du
feul confentement des parties; l’ordonnance pref-
crit néanmoins légitimement plufieurs formalités qui
ne font pas de la fubftance de ce contrat, mais qui
en fourniffent la preuve, lorfqu’on en pourfuit
l’exécution dans les tribunaux, & dont il n’eft pas
permis de s’écarter.
i° . La première eft que la police $ ajjurance foit
rédigée par écrit : d’où il fuit que la preuve par
témoins n’eft pas admiflible pour en prouver l’exif-
tence.
Valin critique à ce fujet l’ancien commentateur
de la marine, parce qu’il a prétendu que, quand
Yajjurance ne feroit que d’une fomme au-deffous
de cent livres, la preuve par témoins n’en pourroit
être admife. Valin prétend au contraire que, dans
ce cas , il faudroit admettre la preuve teftimoniale ,
conformément au droit commun, fondé fur l’ordonnance
du mois d’avril 1667 ; mais ce dernier
eft à fon tour critiqué fur cet objet par Pothier qui
penfe que l’ordonnance de la marine ayant voulu
■ en général que le contrat d’ajjurance, fût rédigé par
écrit, fans faire aucune diftinélion entre les aéles
de cent livres & au-deffous, & ceux qui excédent
cette fomme, on ne peut pas croire que le législateur
ait eu intention de difpenfér de cette formalité
les contrats d’ajjurance au-deffous de cent livres.
En effet, fi telle eût été fon intention, la
difpofidon de l’ordonnance de la marine auroit été
inutile,- puifque la loi fe feroit déjà trouvée faite
par l’ordonnance de 1667. Enf inon ne doit pas
fuppléer, dans une lo i, une diftinélion quelle n’a
pas faite.
Mais à quelque fomme que puiffe monter YaJJu-
rance, on eft en droit d’en alléguer l’exiftence; &
celui contre qui on emploie cette allégation, ne
peut s’en défendre qu’en affirmant que la convention
n’a point eu lieu avec lui. Ainfi le guidon de
la mer, & le commentateur qui l’a fuivi, fe font
trompés, lor.fquils pnt penfé que le défaut d’écriture
entraînoit la nullité du contrat d'ajjurance. Il
eft évident que l’écriture n’eft alors néceffaire que
pour faire la preuve de l’exiftence de la convention
contre ceux qui voudroient la nier.
2°. Le droit de contrôle des aJJurances pour les
particuliers, & de celles prifes, pour le compte du
to i, par les intendans & commifîàires des fournitures
de la marine, avoit été fixé par les articles
7 & 9 du tarif du 29 feptembre 1:72,2.; mais, par
arrêt du confeil du 12 août 1732, les contrats de*
police d'ajjurance, foit qu’ils foient paffés parde-
vant tes notaires royaux, cenfaux, courtiers, agens
de change, greffiers des amirautés & des jurildic-
tions confulaires ou autres qui font dans l’ufage de