
Difpqfitions du droit civil par rapport aux animaux.
O il peut diftinguer les animaux en deux claffes :
dans l’une font les animaux à l’ufage ordinaire des
hommes, & que ceux-ci font en leur puiffance ,
comme les chevaux, les boeufs, les moutons, &c.
dans l’autre , font les animaux qui jouiftent de leur
liberté naturelle, comme les bêtes fauvages, les
oifeaux, les poiffons. Ces derniers paffent à l’ufage
& au pouvoir des hommes par la chalfe & par la
pêche, dans les cas où elles font permifes.
i Les animaux , dit Pothier , qui font dans leur
liberté naturelle, font cenfés faire partie du lieu où
ils jouiftent de cette liberté. Par exemple, les poiffons
font cenfés faire partie de l’étang, les lapins
de la garenne, les pigeons du colombier* où ils fe
trouvent dans leur liberté naturelle. La raifon en eft
que, fuivant les principés du droit, les animaux
fauvages ne font proprement des biens particuliers,
que lorfque nous les tenons fous la main & en notre
garde. Ainfi le propriétaire d’un étang où il y
a des poiffons , d’une garenne* où il y a des
lapins, d’un colombier ou il y a des pigeons, eft
bien plutôt propriétaire d’un étang empoiffonné,
d’une garenne peuplée de lapins, d’un colombier
peuplé de pigeons, qu’il ne l’éft des poiffons, des
lapins, & des pigeons qui y font.
Ces animaux n’étant donc pas, quant au domaine
que le propriétaire de l’étang, de la garenne ou du
colombier peut en avoir, quelque chofe de diftin-
gué de l’étang, de la garenne, du colombier, où
ils font dans leur liberté naturelle, ils ne peuvent
entrer, comme effets mobiliers, dans la communauté
légale de ce propriétaire avec fa femme ; ils ne fau-
roient faire partie de cette communauté, qu’autant
que l’étang, la garenne & le colombier avec lef-
quels ils font cenfés ne faire qu’un feul & même
tou t, feroient des conqùêts de nature à y entrer.
Mais lorfque ces animaux ne font pas dans leur
liberté naturelle, & que nous les tenons fous la
main , comme font les poiffons que nous avons
dans un réfervoir, les lapins que nous élevons dans
un grenier, & les pigeons que nous tenons enfermés
dans une volière , ils nous appartiennent eom- .
me effets mobiliers, & entrent en cette qualité dans
la communauté légale.
Cette diftin&ion le trouve dans plufieurs coutumes
du royauté. L’article 91 de celle de Paris dit,
poijfon étant en étangs ou *n fojfé , ejl réputé immeuble
; mais quand il efl en boutique ou réfervoir, efl '■
réputé meuble.
L’article 355 de la coutume d’Orléans dit la mê- ;
me chofe, & cela doit être obfervé par-tout où j
les coutumes n’ont point de difpofition contraire.
Il en eft tout autrement des animaux domefti-
gues tels que fopt les volailles, & même les animaux
qiji fervent à l’exploitation des terres, comme
font les chevaux , les boeufs, &c. ils font toujours
à notre égard un bien meuble qui doit, par
ponféquent, entrer dans la communauté légale.
Pothier o b f e r v ç très - judicieufement à ce fujet,
qu’il fer oit a defirer qu’il y eût une loi qui attachât
au domaine d’une terre, tous les animaux
fervant a la faire valoir, enforte qu’ils feroient cen-
. fés faire partie de cette terre, & qu’ils n’entreroient
en communauté qu’autant que la terre elle-même
y entrerait; que la même loi ordonnât qu’en matière
de fucceffion l’héritier des propres fuccédant
à une terre, fuccéderoit aufli aux anjmaux qui y
feroient employés ; que dans le cas de retrait, le
retrayant retireroit la terre avec les animaux; &
qu’en matière de garde-noble, dans les coutumes qui
donnent les meubles des mineurs aux gardiens ,<
ceux-ci rie pourroient prétendre , comme biens meubles
, les animaux employés à exploiter les terres
de leurs mineurs. On pareroit, par ce moyen, à
divers inconvéniens contraires au bien de l’agriculture.
En effet, une femme ayant une terre avec les '
animaux néceftàires pour la foire valoir, fe marie
fans foire de contrat de mariage : fx après la mort
de fon mari elle eft obligée de renoncer à la communauté
, & d’abandonner en conféquence aux héritiers
ou aux créanciers du défunt, les animaux
de fa terre, fans avoir de moyens pour en acheter
d’autres, il eft évident que cette terre ne pourra
plus être cultivée comme auparavant. De même
un héritier des propres fuccédant à une terre fans
fuccéder aux animaux qui la font valoir, c’eft une
néceflité que cette terre foit mal exploitée , ft le
propriétaire manque d’argent pour acheter, d’autres
animaux. L’inconvénient eft encore plus fenfible en
matière de garde-noble dans les provinces où la
coutume donne au gardien en propriété, tous les
meubles échus au mineur par le décès de fon père
ou de fa mère: ce mineur trouvant à la fin de la
garde-noble fes terres fans bétail, comment les
fera-t-il valoir ?
Le légiflateur a déjà reconnu combien il étoit
utile de ne pas féparer d’une terre les animaux qui
fervent à l’exploiter, puifque l’article 6 du titre
premier de l’ordonnance du mois d’août 1747 veut,
contre ia difpofition du droit romain, que les animaux
employés à faire valoir une terre, foient
compris dans la fùbftitution de cette terre, quoique
le teftateur n’en ait rien dit.
En Beaujolois, les animaux fervant à la culture
des terres, & qui font compris dans une faifie réelle
d’immeubles, le vendent avec les héritages, &
font dans ce cas réputés immeubles , fuivant un a&e
de notoriété, donné par le bailliage de Ville-Franche
au mois d’août 1750.
2°. L'animal qui naît d’un autre animal, dont la propriété
m’appartient, m’appartient également par le
droit d’acceffion. Voyez ce dernier mot.
3 °. Les animaux dont on tire quelque revenu, comme
les moutons, les brebis, les vaches qui pro-
duifent de la laine, des agneaux , des veaux, peuvent
être donnés par une efpèce de louage. On
laiffe à celui .qui le charge de les garder [oc de les
nourrir, une certaine portion dans le produit, telle
toutefois que la convention n’ait, rien d’ufuraire par
l ’ e x c è s d u p r o f i t r é f e r v é a u m a ît r e . Voye^ C h e p t e l .
40. Si l’on fait paître des animaux dans un lieu qui
n’y foit point fujet, ou dans un temps défendu ,
lè propriétaire ou autre poffeffeur de ces animaux
fera non feulement tenu du dommage, mais encore
d’une amende, félon les circonftances.
Il e n e f t d e m êm e d u c a s o ù l e s animaux r o m p
e n t d e s a r b r e s , o u fo n t q u e lq u e a u t r e d om m a g e
e n p a c a g e a n t . Voye% A g a t i s .
5°. Celui qui furprend dans fon héritage les animaux
d’autrui qui y pacagent, ne peut ufer d’aucune
voie de foit qui puiffe leur nuire, finon il demeure
refponfable du dommage.
6°. Un mulletier ou un charretier qui n’ont pas la
force ni l'adreffe de retenir un cheval fougueux,
ou une mule qui s’effarouche, font tenus du dommage
que ces animaux peuvent caufer.
De même celui qui, pour trop charger un cheval
ou un autre animal, ou pour n’avoir pas évité'
un pas dangereux, ou par quelque autre foute,
donne lieu à une chûte, doit répondre du dommage
que cette chûte a pu occafionner.
Dans tous ces cas , celui qui a fouffertle dommage
a fon a&ion contre le voiturier & contre celui
qui l’a employé.
Les maîtres des chiens qui mordent, des chevaux
qui ruent & mordent, du boeuf qui a coutume
de frapper de la corne, &c. ceux qui mènent
des bêtes farouches, comme des ours, des lions,
&c. font tenus du dommage que ces animaux cau-
fent. Mais fi un chien ne mord que parce qu’il a
été excité, celui qui a donné lieu au mal doit en
répondre.
Lorfque Xanimal qui a caufé du dommage a été
effarouché par un autre animal, c’eft le maître de
celui-ci qui doit l’indemnité.
70. L’ordonnance des eaux & forêts défend expref-
fément aux habitans des paroiffes & autres, ayant
droit d’ufage dans les forêts du roi, des communautés
ou des particuliers, d’y envoyer des chèvres
& bêtes à laine, même dans les landes, bruyères
& places vaines du voifinage, à peine de confif-
cation des bêtes, outre trois livres d’amende pour
chacune, de dix livres d’amende contre les pâtres
pour la première fois , du fouet & du banniffement
hors du reffort des maîtrifes pour la fécondé, &
contre les propriétaires ou pères de famille de répondre
des amendes prononcées contre les mêmes
pâtres.
8°. Le grand-maître des eaux & forêts de Guienne
fif le 2.9 o&obre 1753 , un réglement par lequel
il ordonna que les particuliers qui nourriffoient & '
entretenoient des chèvres dans la vallée du Figuier ,
feroient tenus de s’en défaire dans le mois, à peine
de cinquante livres d’amende, & de confifcation
des chèvres qu’ils auraient confervées, à l’exception
toutefois des particuliers qui en entretenoient
pour le foulagement des malades, & auxquels il
permit d’en nourrir une feule. Les habitans de la
vallée du Figuier fe pourvurent au confeil contre
cette ordonnance, & repréfentèrem que fi elle fub-
fiftoit, elle entraîneroit leur ruine, & les forcejoit
à quitter leur habitation ; que dans toute la vallée
fituée à l’extrémité du comté deFoix, au plus haut
des montagnes fur la frontière d’Efpagne, il n’y
avoit qu’un bois confiftant en arbres épars, dans
les endroits efcarpés de la montagne , dont la plupart
étoient des lapins; que cette partie avoit toujours
été réfervée & gardée pour les bâtimens des
habitans;que dans le refte on ne voyoit que quelques
noifetiers, du buis, & d’autres femblables bois ; que
c’étoit la partie deftinéepour le chauffage des habitans
, & où ils menoient paître leurs chèvres ; que le
pays étoit fi ingrat 9 qu’ils étoient obligés d’envoyer
tous les ans leurs bêtes à laine hiverner dans le plat
pays, enforte que tant que duroit la rigueur de la fai-
fon, ils ne pouvoient garder chez eux que des chèvres
dont le lait foifoit leur principale & prefquë unique
nourriture ; que d’ailleurs fi on les empêchoit
d’avoir des chèvres, ils ne pourroient plusengraif-
fer leurs terres, puifqu’ils n’avoient pour cet effet
que la fiente de ce$ animaux, &c. Malgré ces rai-
fons, l’ordonnance du grand-maître des eaux & forêts
de Guienne fut confirmée par arrêt du confeil
du 3 juin 1755.
Plufieurs coutumes, & finguliérement celle de
Nivernois , défendent de nourrir des chèvres dans
les villes ; quelques autres défendent feulement de
les mener paître dans les héritages d’autrui.
Sur la rëpréfentation du fyndic général des états
de Languedoc, & en homologuant la délibération
prife par les mêmes états le 6 février 1725 , le confeil
a foit défenfe, par arrêt du 29 mai fuivant, à
tous les habitans du Languedoc, de tenir des chè-
vres*%ins l’étendue de cette province, à peine de
cent livres d’amende. Cet arrêt donne toutefois le
pouvoir à l’intendant d’accorder la permiftion de
nourrir de ces fortes d'animaux dans les lieux où
l’on peut en tenir fans caufer du dommage.
Le parlement de Dauphiné a établi une police
femblable, par arrêt du 11 août 1735.
90. Une bête bleffée à la chaffe, dans le cas où la
chaffe eft permife, appartient au chaffeur qui l’a
bleffée quand il continue de la pourfuivre^ & non
à "celui qui la prend nonobftant cette pourfuite.
Il y a même une ordonnance de Henri I V , par
laquelle il eft permis à ceux qui ont droit de chaffe
de fùivre le gibier qu’ils ont fait lever fur leurs
terres, & de le prendre dans les fief, terre & fei-
gneurie d’autrui, parce qu’autrement le plaifir de
la chaffe ferait imparfait.
Au refte, lorfque la bête que Ton pourfuiteft
prife, ou entièrement échappée, on ne peut plus
refter fur les terres d’un autre pour y chaffer fans
fon eonfentement.
io°. Divers réglemens de police ont défendu aux
bourgeois & habitans de Paris d’avoir & de nourrir
chez eux des porcs, lapins, lièvres, pigeons, poules &
autres volailles, parce que ces animaux infedent l’air.