
tant pour cent, aucune loi n’en a déterminé le
taux , & il eft laiffé à l’arbitrage des parties contrariantes.
Il eft aufli d’ufage dans le prêt pour
l’aller & le retour, de convenir que ft le vaiffeau
n’eft pas arrivé au bout d’un certain temps, le profit
maritime augmentera à raifon de tant pour cent
par mois, au-delà du ternie prefcrit pour le retour.
5°. Il ' eft enfin de la fubftance de ce contrat,
comme de tous les autres, que le consentement
des parties intervienne, fur la fomme prêtée, fur
les effets fur lefquels fe fait le prêt, fur les rifques
dont le prêteur fe charge, & fur le profit maritime.
Le confentement des contraélans à l’égard de la
fomme prêtée , eft fufïifamment juftifié , lorfqu’elle
a été comptée par le prêteur, ou par quelqu’un de
fa part, & qu’elle a été reçue par l’emprunteur,
ou par un autre à fon ordre.
La néceffité du confentement des parties fur les
chofes affectées au prêt, eft tellement néceffaire,
que le contrat feroit nul, fi le prêteur avoit cru
prêter fur le vaiffeau le Neptune, & que l’emprunteur
l’eût employé fur la Nymphe.
De la néceffité du confentement des parties par
rapport aux rifques, il 'fuit qu’elles doivent être
d’accord par l’aâ e , de tous les genres de rifques
dont le prêteur eft chargé; mais s’il n’y a à cet
égard aucune convention particulière, on préfume
que le prêteur s’eft chargé des rifques, conformément
à ce qui eft réglé par l’ordonnance.
De la forme du contrât à la grojfe. Les formes de
,ce contrat font de deux efpèces : les unes en concernent
la fubftance, & les autres la preuve.
La forme qui concerne la fubftance, confifte ,
suffi que dans le prêt de confomption, dans la
tranflation de la propriété des deniers prêtés de la
perfonne du prêteur à celle de l’emprunteur. D ’où
il fuit que fi les deniers n’appartenoient pas au prêteur,
le contrat eft nul, faute de tranflation de propriété.
Mais il devient valable, fi l’emprunteur les
confomme de bonne-foi : cette confomption équi-
polle à la tranflation de propriété. C’eft la difpo-
îition de la loi a , §. 2 & 4. I.-13, 19, & 33. j f
de reb. cred. Voyeç Pret.
La forme qui concerne la preuve du prêt à la
grofle, eft la rédaéfion de l’aére qui contient les
. conventions des parties, il eft indifférent que cet
âéle foit paffé pardevànt notaire ? ou rédigé fous
fignature privée. La feule différence qui fe trouve
entre ces deux manières, confifte en ce que l’aâe
fous feing privé ne fait foi qu’après qu’il a été reconnu
ou vérifié, & qu’il ne peut opérer vis-à-
vis d’un tiers le privilège attaché à cette efpèce de
contrat, en faveur du prêteur.
Quoique l’ordonnance n’ait rien prefcrit à l’égard
des chofes qui doivent être convenues dans l’aéle,
la raifon nous apprend qu’on doit y faire mention
du nom des parties, de la fomme prêtée, du profit
maritime ftipulé, le nom du navire fur lequel le
prêt eft fait, ou fur lequel font chargées les mar-
chandifes qui y font affedées, le nom du capitaine
& pour quel voyage le prêt a été fait. Il n’eft pas
néceffaire , lorfque le navire eft fuffifamment dé-
figné, que remprunteur exprime les effets qu’il y
avoit,.parce qu’il eft cenfé avoir emprunté fur ces
effets. C’eft pourquoi fi le vaiffeau vient à périr avec
fon chargement, ou à être pris, la convention de
la grotte-aventure n’en a pas moins, fon exécution.
S’il n’a point été paffé d’aéle du contrat à la groffe ,
& qu’une des parties en^difconvienne, la preuve
par témoins n’en eft pas reçue : mais le prêteur
peut déférer à l’emprunteur le ferment décifoire ,
fur la vérité & les conditions du contrat. La preuve
par témoins peut cependant être admife, s’il y a
un commencement de preuve par écrit, par exemple
, s’il exiftoit un billet où toutes les conventions
ne fuffent pas exprimées.
Si on n’a pas exprimé dans l’aéte, que le prêt
eft fait pour l’aller & le retour, on préfume ordinairement
qu’il doit avoir lieu pour l’un comme
pour l’autre ; car c’eft une règle , en fait d’interprétation
, que les contrats doivent s’interpréter,
félon ce qui eft le plus en ufage ; o r , lutage eft
que ces emprunts fe faffent pour l’aller & le retour
: d’ailleurs, dans le doute ,. on doit préférer
l’interprétation la plus favorable au débiteur.
Cependant il peut fe rencontrer des circonftan-
ces qui déterminent, dans ce même cas, une interprétation
différente. Par exemple , fi j’ai prêté à la
groffe fur un navire qui partoit pour la Martinique,
que dans le même temps, il fe foit fait plufieurs
contrats pareils pour l’aller & le retour, & que
le profit ftipulé foit à-peu-près le même que les
autres, on doit préfumer que le contrât dont eft
queftion , a été également fait pour l’aller & le retour
; & , par la raifon contraire, fi le profit étoit
de beaucoup inférieur à celui des autres contrats,
la préfomption feroit qu’il n’auroit été fait que pour
l’aller.
De l'obligation qui naît de ce contrat ,■ & de la condition
dont elle dépend. Nous avons dit ci-deflùs que
le contrat à la groffe étoit unilatéral , & ne for-
moit d’obligation que dé la part de l’emprunteur.
Elle confifte dans le paiement du fort principal &
du profit maritime ftipulé en faveur du prêteur. Mais
cette obligation dépend de l’exifterice de la condition
appofée dans le contrat même : s’il ne fur-
vient pas quelque accident de force majeure, qui
caufe la perte des effets, fur lefquels le prêt eft
fait.
On peut dire en général que la condition exifte,
lorfque pendant la durée des rifques, dont le prêteur
s’eft chargé, il n’eft arrivé aucun accident de
force majeure. Ainfi, dans le prêt fait pour l’aller
& le retour, il y a lieu à l’obligation de l’emprunteur
par le retour heureux du vaiffeau avec des
marchandifes, qui ont remplacé celles fur lefquel-
les le prêt a été fait : dans le prêt fait pour l’aller
feulement, il y a lieu à l’obligation, lorfque le
vaiffeau eft arrivé fans accident au lieu de fa def-
tination ; enfin lorfque le prêt a été limité à un
certain temps , l’expiration du délai donne naiffance
à l’obligation de l’emprunteur.
Il faut bien remarquer que dans tous ces cas il
eft tenu,,, de payer au prêteur le prêt & le profit
ftipulérÿ 'ùuand bien même les objets, fur lefquels
il a été fait, feroient péris , foit par leur propre
vice , foit par* la faute des gens de l’équipage, parce
que le prêteur ne fe charge que des rifques de la
mer, & qu’ils font les feuls qui donnent lieu à la
non-exiftence de la condition.
Par une fuite de ces principes, il fuit, 1 °. que
fi lé prêteur n’a couru aucuns rifques, comme fi
lé voyage n’a pas eu lieu, le contrat à la grofle
n’exifte plus. Dans ce cas, l’emprunteur n’eft tenu
qu’à rendre la fomme prêtée, fi le voyage a été
rompu, fans qu’il y ait eu de fa faute ; fi au contraire
il l’a été par fon propre fait, il eft en outre
obligé de payer au prêteur l’intérêt du principal,
fuivant le taux ordinaire de la place, par forme de
dommages & intérêts, jufqu’au jour du paiement.
2,0. Si le prêteur a commencé à courir les rifques,
le profit maritime lui eft du , quand bien
même le voyage auroit été abrégé fans aucun accident,
caufé par une force majeure. Le parlement
d’Aix a même pouffé les conféquences de ce principe
au point de lui accorder le profit maritime
en entier, lorfque le prêt a été fait pour l’aller &
le retour, quoiqu’il, n’y ait point eu de retour, en
marchandifes, qui aient remplacé celles de l’aller.
Pothier &Valin penfent néanmoins que dans ce cas
on doit faire déduâion au prêteur du tiers du profit
maritime, & leur fentimentparoît conforme à l’efprit
de l’ordonnance de la marine, qui règle pour les
aflùreurs, dans la même efpèce, qu’ils font tenus
de reftituer le tiers de la prime. O r , comme il y a
parité dans le cas du prêteur à là groffe, il doit être
obligé de fouffrir une pareille, déduction. Voye{
A ssuranc e.
3 °. Comme le prêteur n’eft chargé que de la perte
des chofes affe&ées au prêt, il s’enfuit qu’il n’eft
pas tenu de contribuer aux avaries Amples., & aux
dommages, particuliers qui peuvent arriver, s’il n’y
a dans le contrat une convention contraire. Mais
il eft tenu de contribuer aux avaries groffes ou
communes, à la décharge de l’emprunteur, parce
qu’étant faites pour la confervation du vaiffeau &
de fa cargaifon , -elles doivent être fupportées par
tous ceux qui y ont intérêt ; or certainement cet
intérêt regarde le prêteur, qui, dans le cas de naufrage
ou de prife, auroit perdu & le prêt & le
profit ftipulé.
Dans cette efpèce, l’emprunteur eft obligé de lui
payer le principal & le profit en entier, fi le donneur
à la groffe a payé de fes deniers la contribution,
ou fous la déduélion de cette même contribution
, lorfqu’elle a été acquittée par l’emprunteur.
L’ordonnance permet de ftipuler dans le contrat
a la groffe que le prêteur fera tenu des avaries fimples
, dont il n’eft pas chargé par la nature du contrat;
mais il n’eft pas licite de ftipuler qu’il ne contribuera
pas aux avaries communes, parce qu’une
pareille convention feroit manifeftement injufte.
4°. Lorfque, par un accident de force majeure,
les effets fur lefquels le prêt a été fait font péris
en partie, la condition n’exifte que jufqu’à concurrence
de la valeur de ce qui en refte, & ,
par cette raifon l’ordonnance veut que les contrats
à la greffe foient réduits à la valeur des effets
fauves, c’eft-à-dire, que le prêteur ne peut
pas exiger la fomme. prêtée & le profit ftipulé, mais
feulement la valeur des effets fauvés ,& rien de plus.
Il s’élève à cet égard une difficulté, lorfque le
prêt a été fait pour une fomme moindre que la
valeur du chargement qui y a été affe&é. Suppo-
fons, par exemple , qu’en chargeant fur un bâtiment
des marchandifes pour la valeur de' 10000
livres, le propriétaire ait emprunté fur cet objet
une fomme de 5000 livres. Le vaiffeau fur lequel
le chargement a été fait, péri par un naufrage, &
on ne repêche des marchandifes que pour la fomme
de 5000 livres; le donneur à la groffe pourra-t-il
exiger cette fomme entière , ou n’en obtiendra-
t-il que la moitié, de la même manière que les af-
fureurs, dans un cas pareil, qui ne reçoivent le
prix des marchandifes affurées au-rîçffous de leur
valeur, qu’au prorata du montant de leur affurance ?
M. Valin prétend que dans le prêt à la groffe,
ainfi que dans l’affurance, il doit y avoir lieu à
la contribution fur les effets fauvés entre le prêteur
& l’emprunteur, & que dans l’efpèce propofée
chacun d’eux retireroit la moitié de la valeur des
effets fauvés. Mais ce fentiment eft contraire à l’article
18 de l’ordonnance , titre du p r ê t à la g io j f e ,
qui porte : que s’il y a contrat à la groffe, & affurance
fur un même chargement, le donneur fera
préféré aux affureurs, fur les effets fauvés du naufrage
, pour fon capital feulement. D’où il fuit qu’il
doit être préféré à l’emprunteur', puifque les affu--
reurs font mis en fon lieu & place , oc qu’ils ont
droit d’exercer toutes lés actions qui pou voient lui
appartenir.
La différence qui fe trouve entre le contrat d’af-
furance & celui à la groffe, naît de ce que l’affu-
rance, faite à un moindre prix que la valeur des
effets affurés, n’eft pas faite fur le total des effets,
mais feulement fur une partie quelconque, telle
que le tiers, la moitié, les trois quarts; ,or comme•
il eft fait indéterminément, & non fur une partie
du chargement , plutôt que fur une autre, il s’enfuit
que l’affürance n’a lieu que pour la partie, affuréé , &
que le délaiffement ne peut fe faire au profit del’af-
rnreur que fur cette- même partie, & non pour lé
furplus qui n’eft pas affuré.
Mais, dans le contrat à la groffe, rien n’empêche
que le prêt de 5000 livres, fait fur une valeur de
10000 livres , ne foit cenfé fait fur le total du chargeaient
, c’eft-à-dire , à condition que l’emprunteur
ne fera tenu de rendre la fomme prêtée que dans
le cas où il n’arriveroit aucun accident dé force
majeure qui en cauferoitla perte, & que,, dans le