
aient tant travaillé fur la qùeftion dont il s'agit ]
fans s’accorder. Au refie, je crois avec Livoniérë
& plufieurs autres, que l’opinion de Dumoulin doit
être adoptée iorfque la renonciation eft purement
gratuite, & qu’il faut larejetter, Iorfque le puîné
ne renonce que pour conferver des avantages qu’il
préfère à fa portion héréditaire. Dans le premier
cas , le puîné qui renonce efl dans la claflè des en-
fans inhabiles à fuccéder, dont l’exiftenee efl regardée
comme nulle, relativement au partage de la
fucceflion: dans le fécond cas, au contraire, fa renonciation
n’empêche pas qu’il ne foit héritier in-
direélement, puifiqUe la maffe de la fucceflion fè
trouve diminuée. par les avantages. qu’on lui a
faits. ' '
Quoique l’aîné prenne une part plus confidérable
dans lès fiefs , il n’efl cependant tenu des dettes
que jufqu’à la concurrence de fa portion héréditaire
, c’eft-à-dire, que comme chacun de fes autres
frères ; parce que fon préciput & fa portion avan-
tageufe font un bénéfice de la’ loi j & qu’il ne les
prend pas comme héritier de fon père. Gela auroit
même lieu dans le cas où la fucceflion du pèrefe-
roit débitrice du fief dans lequel faîne prend une
portion avantageufe, quoique ce fief fut fpéciale-
ment afteélé au paiement du prix. En effet, ce n’efl
pas la chofe qui doit, c’efl le père qui, en qualité
d’acquéreur, étoit perfonnellement obligé : cette
dette efl donc une dette de la fucceflion, & non
d’un objet particulier, ; elle doit donc être fupportée
également par tous les cohéritiers.
Il en fera de même, par les mêmes raifons, fi
lë père s’efl obligé à payer cent livres de rente perpétuelle
& non rachetable , à prendre premièrement
fur fon f ie f , enfuite fur tous les autres biens de fa
fucceflion. L’aîné ne paiera de cette rente qu’autant
que fes autres frères, parcé que le père commun
étoit perfonnellement obligé, & que tous les cohéritiers
font également tenus des aâionsperfonnelles
qui avoient lieu contre le défunt. Si au contraire,
le défunt avoit chargé le fief, ou la maifon féodale
de cette rente , enforte qu’il ne fût obligé à la payer
qu’autant que lui ou fes héritiers feroient propriétaires
du fief, alors l’aîné en feroit tenu proportionnellement
à la part qu’il auroit dans le nef, & même
il feroit tenu de l’acquitter en entier, fi la maifon
choifie pour fon préciput en étoit feule chargée.
En général, l’aîné efl tenu proportionnellement
à fa part de toutes les charges qui affeélent le fief
comme fief, qui le fui vent en quelque main qu’il
pafle, & qui n’obligent que celui qui en efl poflef-
feur. Mais à l’égard des dettes auxquelles le défunt
étoit perfonnellemènt obligé, elles le partagent également
entre tous les cohéritiers.
L ’aîné peut-il exiger une portion avantageufe dans les
allions qui ont un fie f pour objet? Un père vend
un fief avec faculté de réméré, enfuitë il décède
lai fiant plufieurs enfans qui font ufage de la fa-_
.culte réfervée par leur père. Ce fief ainfi réuni
à la fucceflion , fe partagera-t-il également entre
les cohéritiers fans droit- d 'a în e f ie , ou bien fera-
t-il fujet à ce droit? On répond que l’aîné pourra
prendre fur ce fief la portion que la coutume défère
à la primogéniture ; parce que la vente ainfi
réfolue par une caufe inhérente au contrat, efl
cenfée n’avoir jamais exiflé ; que d’ailleurs l’aélion
en réméré, que l’on doit regarder comme une
partie de la chofe même , étoit dans la main du
père, à l’inflant de fon décès : & qu’enfin la réver-*
lion de ce fief n’efl: que l’exécution d’un aéle antérieur
à l’ouverture de la fucceflion.
Mais en exerçant cette aétion, les héritiers font
tenus de reflituer le prix que leur auteur a reçu.
Comment fe fera cette reflitution ? L’aîné qui a plus
v que la moitié eft-il tenu d’y contribuer à proportion
de fa part ? Cette reflitution n’efl: point une dette du
défunt, elle n’a lieu que par le fait des héritiers,
j & parce qu’ils veulent faire ufage de l’aélion en réméré
; ce n’efl que par ce qu’ils retirent qu?ils font
débiteurs. Ce n’efl donc que comme propriétaires
de la chofe retirée qu’ils en doivent-le prix; ils
doivent donc y contribuer proportionnellement à
la part qu’ils ont dans le fief. En vain dira-t-on ,en
faveur de l’aîné, que l’exercice de l’aâion en réméré
n’efl que l’exécution d’un a&e antérieur à l’ouverture
de la fucceflion: cela efl vrai à certains égards;
mais il efl également vrai que c’efl: réellement un
nouveau contrat qui fait rentrer les héritiers dans
la propriété de ce fief.
Il en feroit autrement fi la réfolution de la vente
fe faifoit de plein droit : par exemple , le père ayant
vendu un fief au-deflous de la-moitié de fa valeur,
fes enfans fe pourvoient contre les acquéreurs, &
demandent la refcifion de la vente, ou le fupplé-
ment du prix. Si l’acquéreur prend le parti de donner
le fupplément du prix , "ce fupplément doit fe
partager également entre les çohéçkiëgs * fi au contraire
il remet le fief, le partage s’en fera comme
celui des autres fiefs de la fucceflion, & il y aura lieu
au droitd'a în ejfe. Mais,comme il faudra rendre a
cet acquéreur la fomme payée, au père, comment
les enfans contribueront-ils à çétte reflitution ? L’aîné
n’en fera tenu que comme un de fes cohéritiers ,
parce que cette dette procédant du fait du père , devient
une dette commune de la fucceflion.
Si, au contraire, le fief qui fe trouve dàns la fucceflion
du père efl fournis à la faculté de réméré ,
il n’en fera pas moins fujet au droit d'a în e jf e , &
même fi le vendeur exercé la faculté qu’il s’efl: réfervée,
& qu’il rende le prix de ce fief, l’aîné en
aura une partie proportionnée à celle qu’il avoit
dans la chofe retirée, parce qu’il efl juftc qu’il reprenne
dans cette fomme l’équivalent de ce qu’il
avoit dans le fief. De même, fi le père a acheté le
fief beaucoup au-deflous de fa valeur , l’aîné y aura
pareillement fon droit d 'a în e jf i ; mais fi le vendeur
vient à fie pourvoir pour caufe de léfion d’outremoitié
, alors les droits de l’aîné dépendent du parti
que l’on prendra; fi l’on rend au vendeur le fupplément
dû prix, tous les cohéritiers y contribueront
également,
également, fans que l’aîné foit tenu de fournir
plus que '4es autres; fi au contraire on déguerpit
le fief, & qu’on le rende au vendeur, I’aîné
n’a aucun avantage à prétendre fur la fomme que
ce vendeur fera obligé de reflituer.
Des autres prérogatives du droit dlaînejfe. Outre le
préciput 6c la portion avantageufe que la coutume
attribue à l’aîné, c’eft aufli a lui qu’appartiennent
les tableaux de famille, le cri & les armes du père,
fes manufcrîts, les livres apoftillés de fa main, &
le dépôt des titres qui font indivifibles.
Le droit d?aînejfe a-t-il lieu dans les fuccejjîons de
pire & de mire, 6* dans celle des afcendans ? Non-feulement
l’aîné jouit, dans la fucceflion du père, des
avantages qu’on a détaillés, il exerce encore de pareils
droits dans celle de la mère ; c’efl la dîfpofi-
tion précife de la loi. Il prend donc, félon le nombre
des enfans, les deux tiers ou la moitié dans les
fiefs, pour fa portion avantageufe, & pour fon préciput,
l’une des maifons tenues en fief, telle qu’il
^uge à propos de la choifir.
Il efl bon de remarquer ici que ce droit de choifir
ne peut être cédé ni vendu par l’aîné, quoiqu’il
Ïmifle inconteftablement vendre fon préciput après
a mort de fon père : c’efl pourquoi fi l’acquéreur
du préciput faifoit le choix, il feroit abfoîument
nul, à moins que l’aîné ne l’approuvât, & ne le
notifiât à fes f r è r e s o u que par l’aôe de vente il
lie l’eût ratifié d’avance. La raifon en efl, que la coutume
accorde ce droit à l’aîné perfonnellement;
qu’elle veut qu’ il choififle lui-même, & que c’eft
par fon fait feul qu’elle confent que le préjudice qui
peut rêfulter du choix, foit porté aux cadets.
Cependant l’aîné n’eft pas tellement obligé de
choifir par lui-même qu’il ne puifle valablementle
faire par le miniftère d’un procureur : mais une procuration
générale, de quelque étendue qu’elle fût,
feroit inmffifante à cet égard ; il efl néceflaire
quelle donne fpécialement la commiflion de choifir
, ou' du moins dg procéder au partage de la fucceflion
;* parce que dans ce cas-ci la procuration feroit
regardée comme contenant implicitement le
pouvoir de choifir, attendu que le choix efl un
préalable néceflaire au partage.
Dès que le choix efl valablement fait, l’aîné ne
peut plus varier, â moins qu’il n’y ait erreur ou
fraude de la part de fes cohéritiers: par exemple,
lorfqu’il a choifi une maifon cenfuelle, la croyant
féodale , une maifon fujette à un réméré , ou dont
la propriété n’appartenoit pas au défunt, ou quand
il s’eft déterminé par de faufles indications que fes
cohéritiers lui ont données ; dans tous ces cas &*
autres femblables, l’aîné a la faculté de faire un
nouveau choix.
Si dans les deux fuccefliôns du père & de la mère
il n’y a qu’un fief de conquêt, Dumoulin penfe
que l’aîné doit prendre fon préciput dans chacune
dés deux moitiés du fief, comme fi c’étoit deux
fiefs féparés, & que s’il y a deux manoirs dans le
fief, ils lui appartiennent tous deux; ou s’il n’y en
> Jurifprudence, Tome J,
a qu’un, il peut le prendre pour préciput dans une
fucceflion , avec un arpent de terre aufli pour préciput,
dans l’autre fucceflion. Le Brun adopte la
même opinion : « Le fief de conquêt, dit-il, n’eft
» à la vérité qu’un unique fief par rapport au fei-
» gneur dominant ; mais il fe multiplie en deux di-
v vers fiefs, l’un pour la fucceflion du père , l’au-
» ttë pour celle de la mère, & par conféquent
» l’aîné doit avoir un préciput dans l’une & dans
)> l’autre de ces deux parties ».
Mais Brodeau, Dupleflis & le Maître font d’avis
contraire, & penfent que l’aîné ne doit avoir
pour préciput que le manoir. En effet, dès que pour
donner deux préciputs dans le cas dont il s’agit, il
faut feindre, contre la vérité, qu’il y a deux fiefs
on doit pareillement feindre la divifion du manoir
en deux parties, & regarder chacune de ces parties
comme un manoir particulier pour un préciput dans
chaque fucceflion. Cette confidération doit déterminer
en faveur de la dernière opinion, parce qu’on
remplit ainfi le voeu de la coutume, fans s’écarter
des règles de l’équité.
Quelques-uns croient que le fils aîné qui a pris
un préciput dans les fuccefliôns de fon père & de
fa mère,.peut en prendre un encore dans chaque
fucceflion des autres afcendans : mais je ne crois pas
cette opinion fondée, parce que, comme le remarque
Guyné, toutes les fuccefliôns fe réunifient en
ligne direéle. En effet, on ne vient à la fucceflion de
l’aïeul qu’en repréfëntant le père ou la mère. Or,
dans ce cas, fi on accordoit à l’aîné un nouveau
manoir, 011 lui donneroit plus que la coutume ne
lui a o&royé, & il fe trouvëroit avantagé de deux
manoirs dans la même fucceflion. Tout ce que peut
alors demander l’aîné, c’eft d’être admis à changer
le préciput qu’il a pris dans la fucceflion de fon père
, contre celui qu’il auroit choifi dans celle de fon
aïeul, s’il n’eût pas exercé fon droit avant qu’elle
fût ouverte.
A qui appartient le droit d’aînejfe. Ce droit appartient
, comme nous l’avons dit, à l’aîné mâle habile
à fuccéder, quand même dans l’ordre de la
nature il feroit le puîné de toutes les femelles ,
pourvu qu’il foit légitime, ou légitimé par un mariage
fubféquent.
Si l’aîné mâle efl inhabile à fuccéder, qu’il foit
par exemple, exhérédé ou religieux profès, ou mort
civilement, le droit d’aînejfe pafle au plus âgé des
puînés, pourvu que l’incapacité de l’aîné foit antérieure
à l’ouverture de la fucceflion : , & il faut
remarquer à ce fujet que la démence, la minorité ,
l’état eccléfiaftique féculier ne formant aucune incapacité
pour fuccéder, ne privent point l’aîné de
fon droit d'aînejfe.
Si l’aîné vient à décéder, & qu’il laifle des enfans
, le droit d’aînejfe fe divife entre eux par portions
égales fi ce font des filles ; mais s’il y a des
mâles & des femelles, l’àîné prend le préciput tel,,
que le père l’auroit e u , & le furplus fe partage
à l’ordinaire.
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