
Dans l’hypothèfe qu’il auroit divifé fa fuccef-
fion en deux ou plufieurs portions , pour deux ou
plufieurs branches d’héritiers, la part de celui qui
renonceroit feroit accroijjement à la branche avec
laquelle il auroit hérité ; mais fi tous les héritiers
■ d’une branche venoient à renoncer, alors leur part,
feroit acquife aux autres branches , fans que celles-
c i puffent s’en tenir à leurs propres portions , &
abandonner celle qui feroit vacante, quelque oné-
reufe qu’elle pût être- ; parce que le droit à l’hérédité
eft un droit univerfel qui comprend tous
les biens & toutes les charges , & que ce droit
eft indivifible, c’eft-à-dire , qu’on ne fauroit être
■ héritier d’une partie de la fucceflion , tandis que
l’autre partie refte vacante & fans héritiers.
Si de deux héritiers teftamentaires qui n’héritent
point par la loi du fang , l’un renonce à la fuccef-
■ îion ou eft incapable de la recueillir , & que le
teftateur n’ait pas expliqué fon intention fur le
droit $ accroijjement , fa portion appartient-elle au
cohéritier teftamentaire ou à l’héritier naturel que
la loi défigne pour fuccéder, lorfqu’il n’y a point
de teftament?
Cette queftion eft décidée par le droit romain,
en faveur du cohéritier teftamentaire , & c’eft la
fécondé règle générale qui détermine le droit d'accroijjement.
Il paroît néanmoins qu’il feroit plus équitable
d’appeller dans ce cas l’héritier du fang , ce
feroit le moyen d’éviter beaucoup de procès ; d’ailleurs
, quel inconvénient y auroit-il de borner le
droit d’accroijjement aux fucceflions légitimes , &
aux cas prévus & déterminés par le teftateur, &
d’accorder à l’héritier légitime toutes les poYtions
répudiées, foit par un héritier teftamentaire , foit
par les légataires?
La portion d’un enfant, dont l’exhérédation fub-
fifte , accroît à l’enfant qui étoit lui-même exhé-
rédé, comme aux autres héritiers , lorfqu’il a fait
annuller, à fon égard , l’exhérédation.
Si l’un des enfins déshérités avoit feulement différé
d’agir fans reconnoître la validité de JPexhé-
rédation & fans renoncer à la fucceflion, la portion
n’accroîtroit -point aux autres par fon filence;
mais ceux-ci pourroient l ’obliger à s’expliquer, &
alors s’il attaquoit l’exhérédation, il fàudroit en faire
juger , contradiôoirêment avec lui ,1a validité ou
la nullité.
Dans l’hypothèfe où les cohéritiers d’un homme
grevé de fubftitution renonceroient à la fuc-
eeflion , les portions accrues ài!l’héritier grevé fe-
roient-elles partie du fidéi-commis, & le ndéi-com-
miffaire feroit-il en droit de revendiquer cet accroij-
femefit ? L’affirmative paroît inconteftable parce que
Vaccroijjement fe fait à la chofe , & que l’héritier
grevé doit remettre tout ce qui peut lui échoir en
qualité d’héritier.
Quoique le droit d?accroijjement ait toujours lieu
entre les cohéritiers par la loi du fang, il faut néanmoins
remarquer que fi l’un d’eux venoit à mourir
après l’ouverture de la fucceflion fans l’avoir
connue, ou avant de l’avoir acceptée , il tranfmef-
troit fa part à fes héritiers , fans que fes cohéritiers
puffent y prétendre par droit d accroijjement.
En Picardie, les terres données aux puînés, en
dédommagement du quint qui leur appartient dans
les fiefs, accroiflfent aux puînés jufqu’à la concurrence
de la portion du quint.
L'accroijjement n’a pas lieu dans les contrats , ni
dans les donations *entre-vifs ; ainfi l’immeuble , qui
feroit vendu à deux perfonnes , ne pourroit être
prétendu par celle qui garderoit la convention que
l’autre auroit réfolue ; & dans le- cas d’une donation
entre-vifs à deux particuliers ., le donataire
qui refuferoit, ne feroit pas accroijjement au donataire
qui accepteroit. Cette difpofition change , fi
la donation eft à caufe de mort. La raifon de la
différence eft qu’une donation à caufe de mort eft
une volonté dernière , qui eft fufceptible d’une interprétation
plus étendue & plus favorable qu’un
a£le entre-vifs.
De Vaccroijjement entre colégataires. Le droit d accroijjement
n’a lieu entre colégataires, que dans les
cas où le teftateur les a joints enfemble , ce qui
peut fe faire de trois manières différentes : car ils
peuvent être joints , i°. par la chofe léguée, &
par l’expreflion du difcours ; 2°. par la chofe feulement
; 3°. par les feules paroles qu’emploie le
teftateur.
Ils font joints par la chofe & par les paroles ;
re & verbis , lorfque le teftateur s’eft exprimé en
ces termes : je lègue à Pierre & à Paul ma maifon
de ville ; par la chofe feulement, lorfqu’il a dit :
je lègue à Pierre ma maifon de ville ;& par une
autre claufe : je lègue à Paul ma maifon de ville ;
enfin par les paroles feulement, comme dans cette
phrafe: je lègue à Pierre & à Paul ma maifon de
ville , chacun par moitié.
Dans la première efpèce, fi l’un dés colégataires
renonce au legs qui lui a été fait , f i portion
accroît à fon coîégataire acceptant, parce qu’on doit
préfumer que la volonté du teftateur eft que f i mai-
fon paffe en propriété à Pierre & à Jean, ou à l’un
des deux, dans le cas où l’un des deux renonceroit à
fon legs.
Dans la fécondé efpèce , fi l’un des colégataires
renonce, celui qui accepte acquiert la totalité
du legs, non par droit d accroijjement, mais par ce
que les jurifconfultes appellent non-décroijjement, qui
confifte à retenir la totalité d’une chofe, fur laquelle
un autre a droit de prendre f i part, & qui la renonce.
L’un & l’autre droits dérivent de la volonté
du teftateur, dont l’intention étoit que le legs ne
reçût aucun décroiffement.
Dans la troifième efpèce , il n’y a lieu ni à \accroijjement
, ni au non-décroiffement, parce que les
légataires, qui ne font conjoints que par les paroles
, ne le font pas à proprement parler, & qu’on
peut raifonnablement préfumer que le teftateur ne
les a compris dans une même claufe , que pour
abréger fort difcours ; d’ailleurs^, il eft certain que
■ dans cette efpèce chaque legs eft un legs particulier
, qui ne doit pas plus accroître au conjoint par
paroles,que les.legs faits à d’autres légataires, par
les différentes çlaufes contenues dans le teftament,
ne lui accroiffent.
Lorfqu’il n’y a pas lieu à l'accroijjement entre les
'légataires, les legs particuliers , qui deviennent caducs
par la renonciation du légataire , appartiennent
ordinairement au légataire univerfel ; mais fi
les termes du teftament s’y oppofent, ils appartiennent
à l’héritier inftitué , parce que le droit d accroijjement
, en faveur du légataire univerfel, n’étant
•introduit par aucune loi expreffe , il ne peut avoir
lieu qu’en vertu de la volonté expreffe ou tacite
du teftateur. sr
Il en eft -du légataire, qui meurt avant £jue d’avoir
accepté le legs fait à fon profit , comme de
d’héritier, c’eft-à-dire, qu’il tranfmet à fes héritiers
non-feulement la partie de fon legs , mais encore
le droit d accroijjement pour les portions de fes colégataires
, qui deviennent caduques.
L’accroijjement a également lieu entre coléga-
taires, lorfque le legs eft devenu caduc par la turpitude
de l’un d’eux.
Il faut appliquer aux fideircommiffaires , tout ce
que nous avons dit des légataires , c’eft-à-dire, que
le droit-d’accroijjement a lieu entre eux , lorfqu’ils
font conjoints dans le fidéi-commis par la chofe
feulement , o u , en même temps, par la chofe &
par les paroles ; mais il n’y a pas lieu Y accroijjement
, lorfqu’ils font appelles à la fubftitution ,
chacun pour uné part féparée.
Accroijjement en matière d’ujufrùit. -L’accroijjement
en matière d’ufiifruit a fes loix particulières. L’ufu-
fruit d’un fonds légué à plufieurs, mais fans divi-
fion, c’eft-à-dire , fins portion diftinéle & féparée
pour chacun d’eu x , ne fe confolide à la propriété
qu’après la mort du dernier légataire , qui jouit ,
par accroijjement, des parts de fes prédéceffeurs ; &
il en eft de même , fi l’un des colégataires renonce
à la portion d?ufufruit qui lui a été léguée.
Il n’en eft pas de même d’un fonds légué à plu-
fieurs par portion diftin&e & divifée ; chaque légataire
ayant une fois accepté fi part, elle n’accroît
plus aux colégataires en cas de décès, elle paffe
aux héritiers du défunt.
. Ricard s’eft fait la queftion fuivante : un teftateur
inftitué deux légataires; à l’un il lègue le fonds,à
l’autre l’ufufruit ; celui-ci renonce à fon legs ; le
légataire de la propriété en jouira-t-il?
Cette queftion n’eft pas difficile à réfoudre. Il
eft clair que la renonciation du légataire de l’ufu-
fruit opère le même effet qu’opéreroit fa mort, la
réunion de l’ufufruit à là propriété.
r En général , tant que l’objet de 1’ufufruit légué
n’a pas été féparé entre les colégataires, foit par la
volonté du teftateur , foit par le partage fait entre
les colégataires , le droit d accroijjement a lieu
entre eux , tant pari e décès de l’un d’eux , que
par fa renonciation. C’eft par cette raifon que, luivant
la difpofition de plufieurs coutumes'de France,
& particuliérement de celles d’Anjou & du Maine ,
les enfans puînés, qui jouiffent par indivis & en ufu-
fruit de leurs-portions héréditaires , acquièrent, par *
droit d accroijement ,1a portion vacante par. le décès
de l’un d’eux ;.-au lieu que lorfqu’ils jouiffent a
part & divifement accroijjement nlexifte ' plus en
leur faveur, ■ & la portion vacante fe confolide à
la propriété de l’aîné ou de fes- repréfentans.
U accroijjement n a pasr lieu entre colégataires de
penfions alimentaires , quand bien même le teftateur
n’auroit pas exprimé qu’il lègue à chacun fa
portion féparée ; par la raifon , dit M. Pothier ,
qu’en exprimant que c’eft pour alimens, il a ffuffi-
famment fait entendre qu’il ne léguoit à chacun
que la part néceffaire pour frayer à fes alimens :
c’eft le fondement d’un arrêt du 2 décembre 1608 ,
rapporté par Mornac.
Le légataire univerfel des meubles & acquêts
d’un mari, devient propriétaire de la communauté
entière , fi la -veuve y renonce.
Du droit d'accroijjement dans là continuation de corn-
munauté. Il ne peut y avoir lieu au droit daccroifr
fement dans le partage d’une communauté, foit qu’il
fe fiffe entre le mari & la femme, ou entre l’un
des conjoints & les héritiers du prédécédé; mais il
a lieu, lorfqu’il y a eu entre eux une continuation
de communauté , & qu’il meurt un ou plufieurs
des héritiers.
Dans cette efpèce-, les parts de ceux qui font
décédés appartiennent à ceux d’entre eux qui fur-
vivent., à Texclufion du conjoint : c’eft la difpofition
de l’art. 243 de la coutume de Paris.
Quelques-uns-ont prétendu que fi l’un ou plufieurs
des enfans renonçoient à leurs parts , elles
dévoient appartenir au conjoint furvivant, à l’exclu-
fion des autres enfans ; ils ont fondé leur opinion
fur un arrêt du 6 feptembre 1687 , rapporté au
journal du palais, qui a en effet jugé que Yaccroïj-
fewent risvoit lieu , en faveur des enfans , que dans
le cas de mort ; & que dans le cas de la renonciation
de l’un à la continuation de la communauté ,
f i part appartenait au - père ou à la mère furvivant
; mais cet arrêt a été rendu dans des circonf-
tances particulières , 1 °. le conjoint furvivant étoit
mort; 2°. de trois enfans il n’y en avoit qu’un
qui demandât la continuation, non de fon chef;
car il y avoit renoncé , mais en qualité de légataire
univerfel d’un autre enfant, ce qui- rendoit -fa
caufe peu favorable. Ainfi, la règle qui , en cas
de mort d’un erifant, attribue aux autres enfans fa
part dans la continuation de la communauté , à
l’exclufion du conjoint furvivant , doit opérer le
même effet lors de la renonciation d’un enfint ,
nonobftant l’arrêt cité. •
Si l’un , des enfans entre dans un monaftère &
y fait profeflion pendant la continuation de la com-
I munauté , f i part accroît pareillement1 aux autres
enfans ; niais dans ce cas ils font obligés , ;iors du
partage avec le conjoint furvivant ,-de déduire fur