
De Vadminiflratïon de la jufiice en Artois. L ’Artois
eft du rêffort du parlement jle Paris, mais
feulement pour les affaires civiles. Il y a un tribunal
établi à Arras, fous le nom de confeil provincial
d'Artois, qui juge en dernier reffort toutes
les affaires criminelles, les matières qui concernent
les fubfides & les impofitions, & les affaires civiles
fujettes à eftimation, lorsqu’elles n’excèdent
pas deux mille livres en principal ou quatre-vingts
livres de rente, outre les dépens & reftitutions
de fruits relatifs à ces affaires, à quelque fomme
& valeur qu’ils puiffent monter. Ce même tribunal
peut ordonner l’exécution provifoire de, fes juge-
mens, à la charge de donner caution, dans les
affaires civiles qui n’excèdent pas quatre mille livres
de principal ou cent foixante livres de rente.
Le confeil provincial d'Artois fut créé par l’empereur
Charles-Quint, par un édit du 12 mai 15 30.
Les offices de ce tribunal furent rendus vénaux
par les édits des années 1692 & 1693, & par
des déclarations postérieures. Avant le changement
opéré par ces lo ix , quand il vaquoit quelque
office de préfident, de confeiller, d’avocat ou de
procureur-général, le confeil nommoit trois fujets,
parmi lefquels le toi en choififloit un pour remplir
l’office vacant. Mais le confeil ne jouifloit pas
du droit de préfenter aux offices de premier pré-
fident &. de chevalier d’honneur; le roi y-nom-
moit de fon propre mouvement.
Un édit du mois de février 1 7 7 1 , avoit fupprimé
le confeil provincial $ Artois , & un autre édit du
même mois & de la même année, avoit établi à
la place de ce tribunal, un confeil fupérieur dans
la ville d’Arras ; mais ces édits ont été révoqués
par un autre du mois de novembre 1774, qui a
remis les chofes fur le pied où elles étoient auparavant,
à quelque différence près, dans l’exercice
de la jurifdiâion.
• La compétence & l’autorité du confeil provincial
d’Artois avoient été réglées par les placards
de Charles-Qüint, des 12 mai, 23 juin, 5 juillet
1530, 10 juillet 15 3 1 , & par une déclaration de
Louis XIV, du 25 mars 1704; mais .s’étant élevé
différentes conteftations entre les officiers de ce
confeil & ceux des bailliages royaux de la province
Artois, fur cette compétence & fur les
droits de reflort de tous ces tribunaux , leurs droits
refpeétifs ont été fixés par des lettres-patentes du
13 décembre 1728 , que le parlement de Paris a
enregiftrées le 5 feptembre 1730.
Le confeil provincial d'Artois ne connoît pas
des appels de déni de renvoi ou d’incompétence
en matière civile. Un arrêt rendu fur le requifi-
toire de M. le procureur-général, le 22 février
1732 , le lui a défendu; & un autre arrêt rendu
le 3 avril 1756, a ordonné que ces fortes d’appels
continueroient d’être portés au parlement.
Le reflort du confeil provincial d'Artois s’étend
fur toute la province d'Artois, & fur les villes &
territoires de Dunkerque, de Gravelines & de
Bourbourg, conformément à une déclaration de
l’année 1664. .
Une autre déclaration du 27 oétobre 1708, a
accordé aux habitans de la province d'Artois, le
privilège de ne pouvoir être traduits en première
inftance ailleurs que devant les juges de cette
province.
C ’eft èn conféquence de cette lo i, qu’un arrêt
du confeil du 10 février 1733 , a caffé & annullé
la procédure extraordinaire & les décrets de prife
de corps décernés par la maîtrife des eaux & forêts
d’Amiens, contre plufieurs habitans- du village
de Bâillon, fitués en Artois, pour rébellion faite
aux huifliers de cette maîtrife , qui pourfuivoient
un paiement de bois adjugés par le bailli de Vau-
demont.
La prefeription qui ne s’acquiert que par quarante
ans, quand l’a&ion hypothécaire eft jointe à
la perfonnelle, n’eftipas connue en Artois. -
Les propriétaires d’héritages propres, fitués en
Artois, ne font pas toujours les maîtres de les
aliéner comme nous le difons à l’article Nécessité
jurée.
Dans les décrets d’immeubles qui fe pourfuivent
en Artois, il n’eft pas néceflaire d’appofer des affiches
aux chofes faifies, & fi l’on enappofe, on
peut fe dilpenfer d’y ajouter les armes-du roi, parce
que la coutume d'Artois ne preferit point cette formalité
, & que l’édit de 1551 n’a point été publié
dans cette province, qui étoit alors fousUa domination
des princes de la maifon d’Autricheî Mais il y
a en Artois une autre formalité effentielle, c’eft
que fept jours après la faifie réelle , le fergent doit,
faire mettre à prix, par une perfonne , les fonds
qui ont été faifis, faire obliger, dans le procès-;
verbal, cette perfonne de payer, en lui fournif-
fant le décret, le prix qu’elle a mis, lui faire élire
un domicile dans le lieu de la jurifdi&ion où fe
pourfuit le décret, & fignifier à la partie faifie une
copie du procès-verbal de la mife à prix.
Les criées doivent être faites dans,l’année de la
mife a prix, finon la faifie réelle eft interrompue
ou périe , félon le placard du 18 juillet 1531. Mais
on ne peut les commencer que le huitième jour
de la mife a prix. Elles fe font au marché Bretè-
que, ( c’eft-à-dire, au lieu du marché deftiné pour
les proclamations,) de huitaine en huitaine pour
les biens de roture, & de quinzaine en quinzaine
pour les fiefs, même pour les rotures qui ont été
faifies avec un fief. Au dimanche qui luit chaque
criée faite au marché, on en fait une à l’iflùe de
là meffe de paroilfe. H faut quatre criées, tant de
marché que d’églife.
Les adjudications par décret font cenfées faites
dans cette province, à la charge des droits purement
réels, des rentes foncières & des anciennes
redevances. C ’eft ce que. porte l’afte de notoriété
donne par le confeil d'Artois le 27 février 1696.
Il n’eft pas néceflaire en Artois de s’oppofer à
fin de conlerver, pour être colloqué ftir le prix
d’un
d'un fonds vendu par décret. Non feulement on i
peut demander d’être colloqué après le décret
fcellé , & avant l’ordre & la diftribution du prix,
fuivant les a&es de notoriété , délivrés par le confeil
$ Artois, le 21 avril 1684 & le 15 mai 1691 ;
mais on peut encore faire refaire l’ordre à fes dépens
& faire rapporter à ceux qui ont reçu, tant
que la dette n’eft point preferite. Cela eft fonde
fur ce qu’il n’y a aucune loi enregiftree en Artois,
qui oblige de s’oppofer à fin de conferver.
La procédure qui fe fait en Artois pour régler
l’ordre de la collocation des créanciers, a quelque
rapport à celle du châtelet de Paris. Quinze jours
après l’adjudication au plutôt, les créanciers ou
leurs procureurs comparoiflênt au prétoire de la
jurifdiâioh où l’adjudication a été faite; & là , en
préfence de deux commiffaires, ils expliquent leurs
prétentions fur le prix des biens adjugés par décret
, & ils repréfentent les titrés fur lefquels ils
appuient ces prétentions. Si le pourfuivant ou un
autre créancier n’oppofe rien a celui qui demande
à être colloqué, il eft mis dans fon rang de privilège
ou d Hypothèque ; ou fi la dette eft purement
perfonnelle, il eft dit qu’il viendra au fou
la livre avec les autres créanciers de la même
clafle. Il n’y a point d’autre ordre en Artois que
le procès-verbal de ce qui fe paffe en préfence des
commiffaires. Il eft rédigé par le greffier, & on
F appelle cahier de distribution. En cas de conteftation
entre les créanciers, on donne la provifion à celui
qui a le droit le plus apparent ; & fur le fonds,
l’affaire eft appointée entre .les conteftans.
Dans la coutume d'Artois & dans quelques autres
coutumes voifines, il y a trois voies , que
l’on appelle* oeuvres de lo i, pour acquérir l’hypothèque.
La première eft la mife de fait, qui fe fait
par un fergent, en vertu d’une commiffion du
juge; cette mife de fait doit être fuivie d’une tenue
de droit, c’eft-à-dire, d’une fentence qui confirme
la mife de fait. La fécondé eft le rapport d’héritage,
c’eft-à-dire, une efpèce de devefl entre les mains
du feigneur, dont l’héritage eft tenu en fief ou
en cenfive, en préfence de fes hommes de fief.
La troifième eft la main affifie du comté d’Artois,
ou d’une autre jpftice fouveraine ou fupérieure,
après avoir appellé la partie intéreffée & le feigneur
dont l’héritage eft tenu.
Quand on veut avoir une mife de fait fur des
héritages fitués en différentes jurifdiâions, on prend
une commiffion à la jurifdiâion fupérieure de celle
où les héritages font fitués. Ainfi, quand les fonds
fur lefquels on veut avoir un droit réel font fitués
pn différentes feigneuries qui font du même bailliage
, la mife de fait doit être demandée au bailliage;
& quand les fonds fe trouvent fitués en différées bailliages, la mife de fait s’obtient au confeil
d'Artois.
C ’eft une queftion dans la coutume d'Artois,
fi dans les juftices feigneuriales on doit tenir un
jregiftre des rapports d’héritages, de forte qu’il n’y
■ lurifpruden.ee. Tome L.
ait point d’hypothèque, quand le rapport ne fe
trouve point inferit fur le regiftre. M. Maillait,
qui traite cette queftion dans ion commentaire fur .
la coutume d'Artois3 dit que pour acquérir hypothèque,
il faut que le rapport ioit inferit fur le regiftre
de la jurifdiâion feignéuriale deftiné à cet
effet. La raifon qu’il en rend, eft que dans 1 eta-
bliffement des oeuvres de loi pour acquérir hypothèque,
on a eu principalement en vue de faire
connoître à ceux qui voudraient contraâer avec
une perfonne, fi ion bien eft déjà affeâé & hypothéqué
à d’autres créances, & que cette formalité
deviendrait abfolument inutile,au moins pour
cet effet, fi l’on n’étoit point obligé de tenir un
regiftre des rapports d’héritages. Un auteur, dont
on a des obfervations fur le droit coutumier, qui
regardent particuliérement la coutume d'Artois,
eft de même avis que M. Maillait. L’un & l’autro
croient qu’il faut étendre à la coutume d’Artois,
pour le rapport d’héritages , ce que prefcrîvent
les coutumes de nantiffement, favoir, d’inferira
ce rapport fur un regiftre. C ’eft en effet ce qui fe
pratique .au bailliage d’Arras', & même dans les
grandes jurifdiâions feigneuriales de Y Artois.
Mais il y a plufieurs juftices feigneuriales, ou
l’on n’obferve point cet ufage ; & le confeil provincial
S Artois juge que l’hypothèque a lieu du
jour des rapports d’héritages faits dans ces juftices
en préfence des hommes de fief, quoique la minute
du rapport foit remife entre les mains du
créancier, & que l’on n’en tienne aucun regiftre.
On dit, pour autorifer cette jurifprudence du confeil
S Artois, que la coutume preferivant le rapport
d’héritage pour faire acquérir l’hypothèque ,
fans exiger que ce rapport foit inferit,fur le regiftre,
on ne peut obliger à y ajouter, à peine
de nullité , une formalité dont la coutume ne parle
point. On prétend qu’il y auroit d’ailleurs de l’inconvénient
à déclarer nuis ces rapports, fur la foi
defquels on a cru jufqu’ici acquérir une hypothèque
fur les biens fitués dans la coutume d'Artois.
Mais quand une formalité, à laquelle on n’eft
point expreffément affujetti par la coutume, eft
néanmoins néceffaire pour remplir l’efprit de ces
difpofitions, & que cette formalité eft preferite
par les coutumes qui ont le même efprit de rendre
les hypothèques publiques, afin qu’on puiffe être
inftruitdes hypothèques dont font chargés les biens
de ceux avec qui on veut contraâer, il paraît
bien difficile de ne point regarder comme un abus ,
l’ufage des petites jurifdiâions d’Artois, de ne
point tenir regiftre des rapports d’héritages ; & il
y a lieu de croire que s’il s’en préfente quelque
occafion, le parlement réformera cet abus.
On a long-temps douté en Artois, fi, pour acquérir
hypothèque fur un héritage patrimonial,1
il fuffifoit d’avoir pbfervé l’une des mois voies
preferites par l’article 75. de cette coutume. Ce qui
faifoit naître cette difficulté, eft que l’article 76
de la coutume porte, que pour vendre, aliéner,
P p p