
le meunier doit prendre cette charge fur fon compte,
conformément à l’efprit d’une ordonnance Khi 19
feptembre 1439 , qui fixe ce droit de mouture à
feize deniers parifis lorfque le grain eft porté au
moulin , & à deux fous parifis lorfqu’on va le
chercher.
Le moulin, c’eft-à-dire l’endroit ou le grain fe
réduit en farine, doit être fermé en rond , de crainte
que s’il étoit en quarré la farine ne refiât dans les
angles. Le meunier-doit prendre garde que le grain
ou la farine ne reçoivent aucun dommage ; le fei-
gneur feroit lui-même tenu de le réparer, fuivant
une- ancienne ordonnance des établiffemens de
S. Louis, & le fujet ferpit difpenfé de retourner
an moulin banal avant qu’il eût été Indemnifé.
Ceux qui arrivent les premiers au moulin font
en droit de faire moudre avant ceux qui ne font
venus qu’après eux : il n’y a que le feigneur qui
puiffe avoir une préférence.
Le droit de mouture eft different dans chaque
Coutume & dans chaque banalité : il fe perçoit
fuivant l’ufage ou fuivant les titres du feigneur.
Dans le Nivernois, le Bourbonnois & la Marche
le meûnier doit rendre d’un boiffeau ras de bled,
un boiffeau comble de farine, & le refte eft pour
fon droit de mouture. Dans d’autres coutumes il
n’eft rien dit du droit du meûnier. Dans quelques
feigneuries ce même droit eft fixé àü S ë certaine
quotité comme au feizième , vingtième , vingt-
cinquième du grain qu’on fait moudre. Quelquefois
lé droit fe paie en argent : une ordonnance de
Jean I , roi de France, du mois de février 1350,
le fixe par fetier à douze deniers parifis , ou à un
boiffeau ras de grains en nature.
Lorfque les meûniers prennent leur droit en
argent, ils font tenus, fuivant une ordonnance du
19 feptembre 1439, de rendre'en farine le même
poids que celui qu’ils ont reçu en grain, fans autre
diminution que de deux livres par fetier de froment
mefure de Paris, pour le déchet. Ceftpour->
quoi un arrêt du parlement de Grenoble, du 5 mars
J7 Z9 » Permet à chaque communauté d’habitans de
la province du Dauphiné, de faire mettre un poids à
chaque moulin, afin de pouvoir vérifier fi le meûnier
n’a point commis d’infidélité. Ce réglement a été
renouvellé par un autre arrêt du 12 juin 1709, qu’on
trouve dans le recueil du parlement de Dauphiné.
Comme le droit de mouture n’ëft point déter- .
miné par-tout d’une manière uniforme, on n’a
d’autres règles à fuivre à ce fujet que celles qui font
indiquées ou par la coutume ou par les titres, ou
par l’uTage & la poffeffion.
Les mefures dont les meuniers font dans le .cas
■ de fe fervir doivent être étalonnées. Quand la rétribution
de ces meûniers confifte dans le furplus
de ce qui refte après avoir rendu le boiffeau comble
de farine pour le boiffeau ras de grains, le
boiffeau dont ils peuvent fe fervir à cet effet ne
doit être en profondeur que du tiers de la furface ,
autrement moins la circonférence feroit vafte, plus
il leur feroit facile de faire le comble qu’ils doivent
fournir : c’eft une chofe à laquelle la coutume
de Poitou a fait une attention particulière.
On pourroit agir criminellement contre les meûniers
qui fe rendroient coupables d’infidélités,, ou en
humeftant les farines, ou en y mêlant des matières
étrangères : ceci leur eft défendu à peine de punition
corporelle. Il leur eft pareillement défendu de
rien exiger au-delà de ce qui leur revient fuivant
leur droit ancien & accoutumé; autrement ce qu’ils
exigeroient de plus feroit regardé comme une ef-
pèce de concuflion de leur part. On verra plus particuliérement
à l’article M e u n i e r , la police à laquelle
ils font affujettis.
Pour qu’un moulin foit banal, faut-il qu’il foit
fitué dans la feigneurie même d’où dépend la banalité?
La queftion ne laifle pas de préfenter des
difficultés : cependant on fe réfume à penfer qu’il
fuffit d’être feigneur dans l’endroit où eft fitué le
moulin, pour qu’on puiffe y affujettir ceux qui ne
font pas hors de la banlieue, quand même ceux-ci
ne feroient pas domiciliés dans la même feigneurie.
Un feigneur a deux fiefs voifins où il peut exercer
la banalité : il n’a qu’un moulin fitué dans l’un de
Ces fiefs ; il eft raisonnable qu’il puiffe affujettir à
ce moulin les vaffaux de l’un 8c de l’autre fief
qui ne font point hors de la banlieue. Le refus que
feroient les vaffaux d’y aller ne feroit nullement
fondé, parce qu’il doit leur être indifférent que
le moulin foit dans un fief ou dans l’autre dès qu’ils
font fujets à la banalité 8c qu’ils dépendent du même
feigneur. C ’eft ce qui eft prévu par l’article 16
de la coutume du Maine, qui en pareil cas affu-
jettit d’aller moudre dans l’une ou dans l’autre feigneurie.
On remarque cependant que fi ces fiefs
étoient fitués chacun dans une province particulière
, les fujets de l’un ne feroient pas obligés d’aller
moudre dans l’autre, par la raifon qu’en cas de
conteftation ceux qui font du reffort d’un bailliage
ne peuvent pas être obligés d’aller plaider dans le
reffort d’une autre jurifdi&ion. C’eft ce qu’a jugé
une fentence de la fénéchauffée du Maine, confirmée
par un arrêt du parlement de Paris du 7
feptembre 1758, cité dans la collection de jurif-,
prudence.
A l’égard des grains fujets à la banalité, il eft
de maxime reçue que tous ceux qui ont été recueillis
dans fétendue de la banalité > ou qui y ontféjourné
24 heures, font dans le cas d’être moulus au moulin
banal exclufivement à tout autre moulin), fans
quoi il feroit facile d’éluder la banalité. C ’eft ce
qui réfulte de la difpofition de plufieurs coutumes,
notamment de celles de Bourbonnois, du Grand-
Perche , & de Nivernois. Les grains mêmé que
les vaflàux achètent au marché tenu dans la banalité
font fujets au moulin banal, quoique ces grains
n’aient point été recueillis dans la banalité : il y a
à ce fujet trois arrêts du parlement de Normandie
rapportés par Bafflage, l’un du 17 janvier 154 1,
l’autre du 26 janvier 1663 , & le troifième du 17
jhillet
juillet ï 66<). Cependant fi les vaffaux achetoient
ces grains hors de la banalité, & qu’ils les fiffent
moudre hors de la banlieue, ils pourroient les
amener chez eux en farine, fans encourir aucune
peine. C’eft ce que font remarquer Brodeau fur la
coutume de Paris, & Pallu fur celle de Tours. La
chofe d’ailleurs a été ainfi jugée au parlement de
Paris par deux arrêts , l’un du 28 feptembre 1563 ,
en faveur des habitans de Goneffe,. contre les fermiers
des moulins banaux de l’endroit ; & l’autre
du 14 août 1659, en faveur d’un nommé la Roche
, contre le feigneur de la banalité dont il dé-
pendoit.
Les grains que les boulangers emploient pour
le fervice du public font pareillement fujets au
moulin banal. Le parlement de Rennes , par un
arrêt du 17 décembre 1671 , avoit confirmé des
fentences des juges de Leneven & de Landerneau ,
qui n’affujettiffoient les boulangers aux moulins de
madame la princeffe de Rohan, que pour les grains
qui fe confommoient dans leur ménage , 8c qui
les en affranchiffoit pour les bleds qu’ils em-
ployoient dans leurs boulangeries ; mais par un
arrêt du confeil d’état du 29 juillet 1673 5 celui
du parlement de Bretagne fut caffé, & il fut dit
que ces boulangers feroient tenus de faire moudre
tous leurs grains, foit pour leur fubfiftance ou pour
leur commerce, aux moulins banaux de la princeffe
, & de payer le droit de mouture accoutumé.
Le parlement de Bretagne a depuis jugé conformément
aux difpofitions de cet arrêt du confeil.
Par un arrêt du grand-confeil du 30 mars 1713.,
les boulangers de Briot, Bouliers & autres lieux,
fréquentant les foires & marchés de Granvilliers
en Picardie, ont été pareillement affujettis à la banalité.
Brillon parle d’un arrêt dans la même efpèce,
rendu au même tribunal le 25 février 1715 , en
faveur des prêtres de l’oratoire.
Cependant fi le moulin n’étoit pas en état de
faire d’aufli belle farine qu’il la faut pour des boulangers
, on pourroit aller moudre ailleurs , après
toutefois en avoir prévenu le feigneur, foit pour fe
mettre à l’abri de la contravention, foit pour l’avertir
de mettre fon moulin en état de faire d’aufli
belle farine qu’on peut la defirer.
Plufieurs coutumes parlent de cette faculté qu’ont
les boulangers en pareil cas d’aller moudre ailleurs,
notamment cefl.es du Grand-Perche, du Nivernois,
du Bourbonnois, de Tours, de l’Anjou , du Maine,
de Loudunois, &c.
On juge encore que les braffeurs ne font pas
exempts de la banalité : c’eft ce qui réfulte d’un
arrêt du 28 mai 1726 , qu’on trouve au journal
du parlement de Bretagne. .
Lorfque celui qui eft fujet à la banalité vient de
moudre à un moulin étranger , il eft dans le cas
de voir faifir 8c confifqùer le fac , la farine, la
bête de fournie , les harnois , & même de payer
une amende. C ’eft la peine ordinaire de la contravention
à la banalité.
Jurifprudchcc, Tome I,
Quelques coutumes fixent l’amende à 60 fous,
d’autres à 6 fous, & d’autres à 7 fous 6 deniers.
Les unes ne confifquent que la farine & non le fac ,
ni la bête, ni les harnois ; d’autres confifquent le
tout enfemble. En cela on ne peut fuivre que ce
qui eft prefcrit par la coutume, ou établi par les
titres ou par Image.
Cette confifcation a lieu dans quelques provinces
par la feule faifie de fait, fans autre formalité,
fauf la réclamation de celui qui croit cette confifcation
injufte & déplacée. Cela eft ainfi toléré par
rapport aux difficultés qu’il y auroit d’avoir fur le
champ un officier public pour faire cette faifie 8c
pour en dreffer procès-verbal..
Une queftion eft de favoir fi le fujet qui a été
affez adroit pour éluder la faifie, eft à l’abri de
tome recherche pour la contravention par lui com-
mife ? L’affirmative ne paroît fouffrir aucune difficulté
: dès que la peine & la manière de l’exécuter
font déterminées, on ne doit rien entreprendre au-
delà. Il paroît même qu’on a eu des raifons pour
borner cette peine à une faifie faite comme en flagrant
délit : fi, fur un fimple foupçon ou fur une délation
quelconque, on étoit fondé à faire un procès
au fujet, tous les jours un fermier trouveroit des
prétextes pour vexer les vaffaux, & ce font ces
prétextes qu’il convenoit d’écarter.
Quand le feigneur a un moulin banal, il eft défendu
à fes fujets d’en avoir de particuliers, foit
à eau , foirà vent, foit même à bras. Le parlement
de Dijon l’a ainfi jugé le 29 juillet 1653 , en faveur
du fieur Gafpard de Malivert, feigneur de
Conflans. Gn trouve ce préjugé dans les ftatuts de
Breffe, par Collet. Frain, fur la coutume de Bretagne
, rapporte auffi un arrêt du parlement de cette
province, du 19 juillet 1629, qui défend aux fujets
d’avoir des meules particulières dans leurs maintins
pour moudre des grains gros ou menus à
peine de 20 livres d’amende.
Mais lorfque le feigneur n’a pas de moulin, il
eft tout naturel, comme nous l’avons dit plus haut
que fes fujets puiffent en conftruire. Ils n’ont pas
befoin pour cela de compofer avec lui pour une
indemnité ; c’eft ce qui a été jugé au parlement de
Paris par un arrêt du 9 mai 1759. Un particulier,
avoit cru ne pouvoir faire conftruire un moulin
fans le confentement du feigneur, qui n’en avoit
pas à lui ; en conféquence il étoit convenu avec
ce feigneur d’une redevance de foixante livres chaque
année, & même de lui abandonner le moulin
au bout de foixante ans; mais ayant été reconnu
dans la fuite que cette obligation étoit fans fujet,
le particulier en a été déchargé par l’arrêt dont il
s’agit, & dont fait mention l’auteur de la collection
de jurifprudence.
Comme il y a quelque différence entre un moulin
à eau 8c un moulin à vent , il eft de droit
commun qu’un moulin à vent ne fanroit être banal
à moins qu’il n’y ait titre exprès à ce fujet. C’eft;
ce qui réfulte de l’article 72 de la coutume de
A Aaaa