
des efclaves, fuffent en droit de les .affranchir ; car,
fi une perfonne chargée de dettes venoit à affranchir
fes efclaves en fraude de fes créanciers, l’affranchijfement
è toit nul. La raifon en eft que tant que les efclaves
reftoient dans la fervitude, les créanciers du maître
pouvoient les faifir comme failant partie des biens
du débiteur ; au lieu que, quand les efclaves étoient
affranchis, on ne pouvoit plus les faifir; c’eft pourquoi
le créancier commençoit par faire déclarer Y affranchijfement
nul, afin de pouvoir exercer librement
fon droit fur les efclaves de fon débiteur. Pareillement,
fi un affranchi, n’ayant point d’enfans, af-
ffanchiflbit fes efclaves en fraude de fon patron,
Y affranchijfement étoit déclaré nul. Ceux qui étoient
encore fous la puiflance paternelle , ne pouvoient
pas non plus donner la liberté à leurs efclaves.
Pour ce qui eft du nombre d’efcjaves que l’on
pouvoit affranchir par teftament, la loi fufia caninia
avoit réglé que celui qui avoir deux efclaves, pouvoit
les affranchir tous les deux ; que celui qui en
avoit quatre, pouvoit les affranchir tous les quatre;
que celui qui en avoit fix , pouvoir en affranchir
trois; que celui qui-en avoit huit ou neufpouvoit
en affranchir quatre; que celui qui en avoit dix,
pouvoit en affranchir cinq; & que celui qui en avoit
dix-huit, pouvoit en affranchir fix. Depuis ce nombre
jufqu’ à trente, on en pouvoit affranchir le tiers ;
& depuis trente jufqu’à cent, on en pouvoit affranchir
le quart. Enfin, fi on en avoit plus de cent ƒ
on pouvoit en affranchir la cinquième partie; mais
il étoit réglé , que quelque quantité d’efclaves que
l ’on eût, on n’en pouvoit pas affranchir plus de
cent par teftament. En effet, fi quelqu’un avoit affranchi
un plus grand nombre d’efclaves que celui
qui étoit prefcrit par la lo i, Y affranchijfement étoit
valable feulement pour ceux qui étoient compris
dans le nombre légitime, & les autres reftoient efclaves.
Outre cela, il falloit que le teftateur nommât
par fon nom chacun des efclaves qu’il vouloit affranchir
; car, s’il avoit feulement dit en général,
k donne la liberté à tous mes efclaves, il n’y en au-
roit pas eu un feul d’affranchi, De même, fi le teftateur
avoit écrit de manière que les noms des efclaves
qu’il vouloit affranchir, fiffent une efpèce de cercle,
enforte que l’on ne pût pas diftinguer ceux qui dévoient
être affranchis avant les autres, aucun des efclaves
dénommés dans le teftament ne devenoit libre.
Au refte, les efclaves que le teftateur avoit afr
franchis dans le cours de fa v ie , demeuroient en
pofleffion de la liberté, & n’étoient pas compris dans
je nombre de ceux que l’on pouvoit affranchir par
teftament.
Des droits du patron fur fes affranchis. L’affranchi
forti d’efclavage étoit obligé au refpeét & à la
rèconnoiflànce envers fon ancien maître, à peine
de retourner dans les fers. De ces obligations
dérivoit la néceflité dans laquelle étoit l’affran^
ch i, de fournir à la fubfiftance de celui auquel if
devoit la liberté, s’il tomboit dans l’indigence. Par
pne fvÿte du mêptç refbeft, l’affranchi ne pouvoit
époufer ni la mère, ni la veuve, ni la fille de fon
patron.
Comme il fe trouvoit à Rome des affranchis qui
étoient fort riches, il avoit paru très-important de
régler quelles feroient les perfonnes qui leur fuc-
céderoient ; car, quoique tous les affranchis devin f-
fent citoyens Romains par Y affranchijfement, cependant
ils ne jouifloient pas des mêmes privilèges que
les ingénus, par rapport aux fucceffrons-
Suivant la loi des douze tables, fi un affranchi
laiffoit des enfans légitimes ou adoptifs, le patron
n’avoit rien dans fa fucceffron , foit qu’il fût mort
ab inteflat, ou après avoir tefté. Mais fi un affranchi
qui n’avoit point d’enfans , mouroit ab inteflat,
alors le patron lui fuccédoit : fur quoi Vinnius remarque
fort à propos, que , dans la fucceffron des
affranchis, les patrons jouiffoient des mêmes privilèges
que les agnats dans la fucceffron des per-
’ fonnes libres d’origine. En effet, les affranchis
prenoient les noms de leurs patrons, comme les
enfans celui de leurs pères. Par exemple , Pline
nous apprend , dans fon hiftoire naturelle , que
Lènèus, affranchi du grand Pompée, fe fit appeller
Pompeius Lènèus ; & que Laurea, aufli-bien que Ti-
ron, tous deux affranchis de Cicéron, fe firent appeller,
l’un Laurea Tullius , & l’autre Tullius Tyro.
Les loix nous fourniffent même plufieurs exemples
de legs faits, à condition que les affranchis pren-
droient le nom de leurs patrons. Ainfi il n’eft pas
étonnant que, dans les fucceffrons des affranchis,
les patrons aient tenu le même rang que les agnats
occupoient dans les fucceffrons des ingénus.
Le patron ou , à fon défaut, les enfans du pa-*'
tron, étoient donc les héritiers de l’affranchi, en
cas qu’il ne laiffât après lui ni poftérité ni héritiers
fiens. Cependant, comme il pouvoit arriver non-
feulement qu’un affranchi ne fît dans fon teftament
aucune mention de celui auquel il avoit obligation
de la liberté, mais encore qu’il lui donnât formellement
l’exclufion, il fut ftatué par l’édit du préteur ,
que la moitié des biens énoncés dans le teftament
retourneroit au patron ; & que le patron jouiroit du
même droit, dans le cas. où fon affranchi, étant
mort fans avoir tefté, laifferoit après lui une époufe
légitime & un fils adoptif.
Après la loi. du préteur vint la loi papia-poppcea
qui fut faite fous l’empire d’Augufte. Cette loi, voulant
récompenfer la fécondité des femmes, permit
à celles qui feroient affranchies , de tefter fans l’autorité
de leurs patrons, & même de les exclure*
Mais la même loi voulut auffr que le patron eût uns
portion virile, à proportion du nombre d’enfans
qu’une affranchie laifferoit.
La loi papia-poppcea fit encore quelque chofe de
plus important & de plus avantageux aux patrons.
En effet, l’édit du préteur avoit accordé aux enfans
légitimes le droit d’exclure le patron. Mais la
loi papia-poppcea diftingua les cas. Suivant cette lo i,
fi un affranchi avoit raiffé cent mille fefterces &
moins de trois en fan s le patron fuccédoit avec les.
enfans de l’affranchi par égales portions. Mais, fi
l’affranchi laiffoit au-deffous de cent mille fefterces,
il pouvoit en difpofer fuivant fa volonté. Enfin, fi
un affranchi laiffoit trois enfans, le patron étoit totalement
exclu.
Dans la fuite, Juftinien voulut que les patrons
fuccédaflent également à leurs affranchis & affranchies.
Il difpofa encore de l’ordre qu’il falloit tenir
dans ces fortes de fucceffrons. Il étendit le droit de
fuccéder des patrons & de leurs parens, de quelques
lignes qu’ils fuffent, jufqu’au cinquième degré.
11 voulut à la vérité*que l’ordre des lignes fût comme
dans les autres fucceffrons ; mais il déclara que le
plus proche de chaque ligne fuccéderoit & exclu-
roit le plus éloigné ; de forte que la repréfentation
rfauroit point lieu dans la fucceffron des affranchis.
Au refte, ce qu’on vient de dire, fuppofe le cas
où les affranchis ne laiffoient ni enfans ni héritiers
liens pour exclure les patrons.
L’empereur Juftinien abolit auffr la différence qui
avoit fubfifté entre les affranchis de diverfes fortes ;
& il voulut qu’ils eufîent tous également le droit
de faire des teftamens, ainfi qu’on le voit par la loi
unique au code de latinâ liber täte tollendâ ; & par
la loi unique au code de dedititiâ libertate tollendâ :
ainfi Juftinien ôta en quelque manière aux patrons
le droit, & tout au moins la plus grande partie de
l’efpérance qu’ils pouvoient avoir de fuccéder à leurs
affranchis au défaut d’enfans ou d’héritiers.
Un des privilèges des efclaves devenus libres par
Y affranchijfement, étoit qu’ils ne pouvoient plus être
appliqués à la queftion dans une affaire où leur maître
fe féfoit trouvé impliqué. Milon, accufé du meurtre
de Clodius, fe fervit de cette précaution pour détourner
des dépofitions qui ne lui auroient pas été
favorables. Il aima mieux donner la liberté à des
efclaves témoins du fait, que de s’expofer à être
chargé par des gens d’autant moins capables de ré-
fifter à la torture, qu’ils étoient prefque tous délateurs
nés de leurs maîtres.
S e c t i o n I I .
De Y affranchijfement des nègres.
Les loix romaines concernant Y affranchijfement des
efclaves, ne font d’aucun ufage en France, parce
qu’il n’y a point d’efclaves, excepté néanmoins les
nègres de nos colonies : & lorfqu’il s’agit de leur
affranchijfement, on fuit les règles établies dans le
droit romain, fuivant les modifications qu’il a reçues
par les édits de 1685 & 172.4.
Selon le premier de ces édits , enregiftré au con-
feil fouverain de Saint-Domingue, le 6 mai 1687,
les maîtres âgés de vingt ans pouvoient affranchir
leurs efclaves par a&e entre-vifs ou à caufe de mort,
fans être tenus de rendre raifon des motifs qui les
avoient déterminés, & fans avoir befoin d’avis de
parens à cet égard. Mais, par .une ordonnance du
15 juin 173fi, le pouvoir d’affranchir a été refteint
aux maîtres qui en ont obtënu la permiffron par écrit
des gouverneurs & intendans ou commiffaires ordonnateurs.
Et, fuivant la déclaration du roi du premier
février 1743 , cette permiffron ne doit point
être accordée aux mineurs, même émancipés, qui
n’orit pas atteint l’âge de vingt-cinq ans.
Les affranchiffemens faits fans la permiffron dont
on vient de parler, font nuis, & les maîtres qui
les ont faits, doivent être condamnés à un amende
arbitraire, outre la confifcation des efclaves qu’ils
ont voulu affranchir.
Mais un efclave que le maître nomme pour être
tuteur de fes enfans, eft affranchi de plein droit.
Les efclaves affranchis félon les règles preferites
doivent jouir des droits, privilèges & immunités
dont jouiffent les perfonnes nées libres dans le
royaume, fans même; avoir befoin de lettres de naturalité
, lorfqu’ils font nés -dans les pays étrangers.
Il faut néanmoins remarquer que les nègres, foit
affranchis ou nés libres, font déclarés incapables de
recevoir dès blancs aucune donation entre-vifs, à
caufe de mort, ou autrement ; & il eft ordonné que
celles que -les mêmes blancs pourront leur faire,
feront nulles, à l’égard des donataires, & appliquées
au profit de l’hôpital le plus prochain.
L’affranchi doit porter un refpeét fingulier à fes
anciens maîtres & à leurs enfans; enforte que, sal
venoit à leur faire quelque injure, elle feroit punie
plus grièvement que fi elle étoit faite à une autre
perfonne. Du refte, il eft déclaré franc- & quitte
envers eux de toutes charges, fervices & droits utiles
, s’ils vouloient en prétendre fur fa perfonne ou
fur fes biens en qualité de patrons. Par l’article 34
de l’édit de 172.4, il eft défendu aux-affranchis &
aux nègres libres de donner retraite aux efclaves
fugitifs, fous peine d’être condamnés par corps envers
les maîtres à une amende de trente livres de
fucre par chacun des jours qu’ils auront gardé les
fugitifs. La même loi porte que, fi ces affranchis
ou nègres libres font hors d’état de pouvoir payer
l’amende, ils feront faits efclaves & vendus pour,
la payer ; .& que, fi le prix de la vente excède
l’amende, le furplus fera délivré à l’hôpital.
Selon l’ordonnance du 15 juin 1736, les prêtres
& religieux qui deffervent les cures des colonies,
ne doivent baptifer, comme libre, aucun enfant,
- que Y affranchijfement de la mère ne leur ait été
prouvé par un aéle de liberté en bonne forme ,
duquel ils font tenus de faire mention fur le regiftre
de baptême.
L’article 11 de la déclaration du 15 décembre
1738, ordonne que les maîtres qui amèneront des
efclaves en France, ne pourront les y affranchir
autrement que par teftament : & même, dans ce
cas, les affranchiffemens ne doivent valoir qu’autant
que le teftateur décède avant l’expiration des délais
pour lefqùels les efclaves amenés en France doivent
être renvoyés dans les colonies.