
charges, & qu’enfin on leur a accordé la faculté
de les poffèder moyennant une finance appellée
droit d’amortijfement.
Au refie, quelle que foit l'origine de Y amortiffe-
jnent, c’eft une loi d’autant plus jufte que l’intérêt
de l’état la rend néceflàire. C ’eft pour cela, remarque
M. Giri, qu’elle a été adoptée par nos voi-
fins : elle eft ancienne en Angleterre; elle eft en
ufage en Efpagne , en Sicile, dans les Pays - Bas;
les papes l'ont même approuvée dans les lieux où
ils font fouverains. En effet, il importe au public i
& à l’état, que les gens de main-morte n’augmentent
pas leurs poffeflions : ils font exempts de di-
verfes impofitions auxquelles les laïques font fujets,
& le poids de ces impofitions deviendrait plus onéreux
, fi les acquifitions des gens de main-morte
n’étoient foumiles à des règles propres à les ref-
treindre à de jufteS bornes.
De la nature du droit d’amortijfement. Il ne faut
pas confondre Yamortiffernent avec l’indemnité : Yamor-*
tijfement eft la permiflion accordée par le fouverain
aux gens de main-morte, de poffèder des immeu*
blés; l’indemnité eft un autre droit dû aux feigneurs
à qui appartient la direéle des héritages acquis par
les gens de main-morte, pour les dédommager de
la perte des profits féodaux ou eenfuels qu’ils perçoivent
à chaque mutation, Voye£ Indemnité.
Anciennement les grands vaffaux de la couronne^
& plufieurs autres grands feigneurs s’arrogeoient le
droit d’amortir les héritages fitués dans leurs terres :
on trouve même un arrêt de 12,90, qui y maintient
le duc de Nevers ; mais, depuis 1 ordonnance
d e Charles V , en 1372, le droit Yamortiffernent
appartient au rai feul : il en jouit par le titre de
fa fouveraineté comme d’un dédommagement de la
erte que fouffrent l’état 8c le public, lorfque lès ,
iens. forterit du commerce; il .jouit en outre de l’in?
demnité, comme feigneur, lorfque les biens font
dans fes cenfives, mouvances, directes ou juftices.
Le droit $ amortijfement eft donc un droit de la
fouveraineté , un droit domanial, & , par confé-
quënt, un droit imprefcriptible. D e - là il fuit que
les gens de main-morte ne peuvent poffèder aucun
héritage qui ne foit amorti, 8c que, dans tous les
temps, on peut les obliger à rapporter les lettres
Yamortiffernent pour tous les biens qu’ils jioffédent,
même depuis plufieurs fiècles.
Il pourrait arriver cependant que la recherche du
droit d'amortijfement, 8c l’obligation qu’on impoferoit
au clergé de payer Y amortijfement de tout ce qu’il ne
prouveroit pas avoir été amorti , contiendrait une ëf-
pèce d’înjuftice, parce que les quittances Yanïortiff
Cernent, faites dans un temps éloigné, peuvent être
perdues ou égarées. Ce motif engagea Louis XIV
à accorder au clergé, en 16 41, un amortijfement
général pour tous Tes biens payant décimes, qu’il
àvoit acquis jufqu’à cette époque, & pour ceux qui
ne paient pas décimes, dont il étoit en poffeflion
en 1600. Cet amortijfement eft contenu dans le con-
f&t paffé? en ï.641 , à Mantes entre lç roi §c le |
clergé : le même r a i, par un arrêt du confeil du
21 décembre 1686 , a expreffément défendu d’im
quiéter le clergé fur la poffeflion des biens dont
il jouiffoit aux époques ci-deffus citées, 8c de le
contraindre au paiement du droit d’amortijfement.
L’objet primitif de l’étabhffement de ce droit étoit
de connoîtrë toutes les acquifitions de l’églife , 8c
d’en arrêter les progrès, lorfqûe le bien de l’état le
requerroit : mais on ne le confidère plus aujourd’hui
que comme une fimple formalité 8c un objet de
finances.
Lorfque le roi juge à propos d’accorder à des gens
de main - morte la permiflion d’acquérir quelques
immeubles, Y amortijfement fe fait par lettres fcèllées
du grand fceau, qui doivent être enregistrées félon
les règles prefcrites par l’édit du mois d’août 1749,
8c que nous avons indiquées à l’article Acquisition.
De la forme de Vamortijfement. Le même édit défend
d’expédier aucune quittance du droit d'amor~
tijfement , qu’il n’ait été juftifié de la permiflion dont
il s’agit, 8c de l’arrêt d’enregiftrement, à peine dè
nullité 8c de confifçation, au profit de l’hôpital général
le plus prochain, des fournies payées pour ce
droit.
Les commis qui perçoivent les droits $ amortijfement
, en donnent des récépiffés qui fe convertif-
fent en quittances de finances, 8c ce§ quittances font
fujettes à l’infinuation.
Quelque généraux que foient les termes dans lesquels
font conçues les lettres.Yamortiffernent, accor-
dées à une églife, à une communauté ou à d’autres
gens de main-morte, elles ne peuvent jamais avoir lieu
que pour les biens qui y font exprimés, ou tout au plus,
pour les biens que lès gens de main-morte pourraient
acquérir par la fuite, jufqu’à concurrence d’une certaine
fomme. Lçs lettres Y amortijfement, accordées
pour tous les biens qu’une communauté pourra acquérir
dans la fuite, font nulles, 8c les juges ne
doivent y avoir aucun égard, quand même elles
auroient été enregiftrçes, L’édit de 1606 le décide
formellement.
La recherche des droits anciennement échus ne
peut être faite que pour le compte du roi 8c par
des ordres particuliers, parce que l’article 529 du
bail de Forceville du 16 feptembre 1738 , confirmé
dans les baux poftérieurs, porte que le fermier ni
fes fous - fermiers ne pourront faire aucune recherche
des droits d’amortijfement, recelés ou négligés
, au-delà de vingt années antérieures au jour
de la demande ; fa majefté fe réfervant le recouvrement
de ceux dus avant cette époque.
Effet de Vamortijfement. Lorfqu’un corps, une communauté
ou autres perfonnes eccléfiaftiques ont obtenu
Yamortiffernent d’un bien particulier qu’ils ont déclaré
8c fpéeifié en détail par tenans 8c aboutiflans, ils
ne peuvent plus être contraints, après la vérification
des lettres , à vuider leurs mains de ce bien amorti.
Si le bien fe trouve dans la mouvance du ro i,
ils ne doivent plus , pour le'$ fiçfs, d’homme vivant,
.mourant 8c confifquant; ni de redevance pour un
.héritage roturier, à moins que le roi n’en ait fait
une réferve expreffe dans fes lettres d'amortijfement.
Lorfque le bien amorti fe trouve dans la mouvance
immédiate d’un feigneur autre que le roi, les
lettres (Yamortiffernent font toujours .accordées fans
préjudice de fes droits, 8c elles ne lui font aucun
iobftacle pour demander l’indemnité qui lui eft due,
ni pour exiger qu’il lui foit fourni homme vivant
6c mourant
La condition 8c la nature de l’héritage amorti ne
font pas détruites par les lettres $ amortijfement ; d’où
il fuit que l’héritage amorti peut retourner à fa première
condition 8c nature ; qu’il ne demeure amorti
que tant qu’il eft poffédé par la main-morte qui a
obtenu Y amortijfement ; que, dés qu’il fort de fes
mains, il ceffe d’être amorti, parce que Yarnortif-
fement n’eft pas réfolutif de la mouvance, mais feulement
fufpenfif ; 8c que, comme il eft perfonnel,
il ne peut fervir qu’à ceux qui l’ont obtenu, 8c nullement
à d’autres gens de main-morte, quoique de
même qûalité ou de même ordre.
Les biens poffédés par les gens de main-morte,
foit qu’ils foient amortis ou non, demeurent non-
feulement fous la jurifdiétion du feigneur, mais encore
fous la mouvance féodale : ils retient même
chargés des rentes 8c devoirs accidentels au fief.
C ’eft pour cela que le droit canonique permet à
une abbefle 8c à une prieure de fortir pour aller ,
faire hommage. Aufli, par arrêt du parlement de
Bretagne du 20 juillet 1651 , il fut jugé que l’ab-
beffe de S. Sulpice dévoit aller faire hommage au
feigneur de Betton, dans fon auditoire, pour les
biens temporels relevant de lu i, 8c poffédés par
l’àbbayenonobftant l’allégation de l’obligation de
clôture.
Quoique l’effet de Yamortiffernent foit en général
de.rendre les gens de main-morte propriétaires in-
commutables des héritages amortis, cependant il eft
établi en Bretagne par l’article 268 de la coutume,
que le feigneur de fief peut, nonobftant les lettres
Yamortiffernent, forcer, durant l’efpace de trente années,
les gens de main - mort^-à7 fe défifter de la
poffeflion des biens amortis en leur faveur. Cela a
été ainfi jugé par deux arrêts du parlement de Bretagne,
des 17 juillet 17 19, 8c 29 mars 1735, confirmés
par une décifion du confeil du 12 feptembre
1746. Cette décifion, en mettant hors de cour fur
la demande en caffation du dernier de ces arrêts,
a ordonné que l’article 268 de la coutume de Bretagne
ferait exécuté, 8c, en conféquencefa maintenu
les feigneurs de fief de la Bretagne dans le'
droit de faire quitter aux gens de main - morte la
poffeflion des biens par eux acquis dans les mouvances
de ces feigneurs, fi mieux n’aimoient ceux-ci
fé contenter de l’indemnité 8c de l’homme vivant,
mourant 8c confifquant.
Des biens fujets au droit d'amortijfement. Par l’arrêf
du confeil du 21 janvier 1738 , les échanges, ac-
quifitions, dons & legs d’immeubles, faits uniquement
pour agrandir ou rendre plus commodes les
églifes, chapelles, facrifties 8c autres lieux deftinés
au fervice divin, font déclarés exempts du droit
Yamortiffernent'. Il en eft de même des immeubles
deftinés à fervir de logemens 8c de jardins aux communautés
religieufes, pourvu qu’elles n’en tirent
aucun revenu ; mais l’exemption cefferoit, fi ces
. immeubles produifoient un revenu.
Les hôpitaux 8c autres lieux féculiers ou réguliers
, où l’hofpitalité eft exercée, doivent jouir des
mêmes exemptions pour les immeubles 8c bâtimens
deftinés, foit au logement, à la fubfiftance 8c à
l’entretien des pauvres ou des malades, foit à leur
inftruétion gratuite.
Cette exemption a aufli lieu en faveur des mai-*
fons 8c écoles de charité des paroiffes, tant des villés
que de la campagne, lorfque les immeubles acquis
ne font employés qu’au loulagement des malades
ou à l’inftruâion gratuite de la jeuneffe, 8c ne pro-
duifent aucun revenu.
Un arrêt du confeil de 1774 a ordonné que les
maifons abbatiales, prieurales 8c canoniales, oc tous
les autres biens dépendans des lieux clanftraux 8c
réguliers, qui ont été ou feraient mis à l’avenir dans
le commerce, demeureraient, par grâce, déchargés
du droit. Yamortiffernent, pourvu que l’ufage 8c la
deftination n’en fuffent pas changés oc dénaturés pour
toujours, 8c à la charge que le droit de nouvel
acquêt en feroit payé par les bénéficiers 8c autres,
gens de main-morte, relativement à la durée des
baux de ces biens.
Le clergé de France a fait des repréfentations au
fujet de cet arrêt, en ce qu’il paroiffoit comprendre
dans la même claffe toutes les maifons abbatiales ,
prieurales 8c autres femblables, quoique celles ac-
quifes avant 1641 puffent-être mifes dans le commerce
fans donner lieu au droit de nouvel acquêt,
attendu qu’elles avoient été amorties ; en eonfé-.
quence, le confeil a rendu un autre arrêt le 29 janvier
1776, qui, en déclarant les maifons abbatiales
prieurales, canoniales, 8c autres de même nature,'
que le clergé poffédoit avant 16 4 1, ou qui, ayant
été acquifes depuis, ont été données à loyer avant
1700, exemptes de tout droit Yamortiffernent 8c de
nouvel acquêt, quoiqu’elles foient mifes dans le
commerce, 8c qu’elles produifent un revenu, a
ordonné que celles acquifes depuis 1641, qui n’ont
été données à loyer que depuis 1700 , continueraient
d’être affujetties au droit de nouvel acquêt,
lorfqu’elles feraient louées, à moins qu’elles n’euf-
fent été amorties, ou qu’elles nè fuffent réputées
l’être, comme faifant partie de dotations ou fonda-,
fions royales.
Les fondations perpétuelles de prières, faites dans
les hôpitaux ou dans les maifons 8c écoles de charité,
ne font fujettes au droit Yamortiffernent, que
jufqu’à concurrence de ce qui eft jugé nêceffaire
pour acquitter ces fondations : mais celles qui font
faites en deniers aux autres gens de main-morte}