
tranfportés, & contre un créancier à qui ils auroient
été donnés en paiement ou en nantiffement. C ’eft
pourquoi, fi après ^expiration du bail d’une maifon,
le preneur tranfporte fes effets dans la nouvelle maifon
qu’il a louée fans avoir payé le premier bailleur
, celui-ci peut fuivre les effets tranfportés , &
doit être préféré au nouveau bailleur. La raifon en
eft que ces effets n’ont pu être obligés envers le
fécond bailleur au préjudice de l’autre, tandis que
fubfiftoit l’hypothèque contra&ée en premier lieu.
Il y a plus, le bailleur eft fondé à exercer le
droit de fuite contre le propriétaire même des meubles
tranfportés, lorfqu’il les a prêtés ou loués au
preneur. La raifon en eft que ce propriétaire ayant
confenti qu’ils garniffent la maifon louée, il a dû
favoir qu’ils feroient obligés au lo y e r , & qu’ainfi
ils feroient affujettis au droit de fuite accordé au
bailleur.
Si celui contre lequel le bailleur veut exercer le
droit de fuite , ignore que les meubles réclamés
aient garni la maifon louée, c’eft au bailleur à le
juftifier.
Un tiers peut aufïi oppofer, contre le droit de
fuite , plusieurs fins de non-recevoir.
L’une confifte dans la prefcription qui réfulte de
l ’expiration du délai fixé par l’ufage ou par la lo i,
pour exercer le droit dont il s’agit.
Secondement, le bailleur doit être déclaré non-
recevable dans l’exercice du droit de fuite , lorfqu’il
a confenti à ce que les meubles, qui lui étoient
obligés, fùffent enlevés de fa maifon. Mais celui
qui allègue ce confentement eft tenu de le juftifier.
En troifième lieu, le droit de fuite s’évanouit,
lorfque les meubles fur lefquels on voudroit l’exercer
, ont été vendus en foire ou marché public. Cette
fin de non-recevoir eft une conféquence de la faveur
qui eft due au commerce. Il faut que ceux
qui achètent dans les foires ou marchés, foient à
l’abri de toute recherche, relativement aux effets
achetés. En cas pareil, la publicité de la vente opère
le même effet que le décret à l’égard des immeubles
achetés.
Quatrièmement, on doit appliquer la même décision
aux ventes judiciaires faites par un huiflier. Ainfi
lorfque le bailleur a négligé de s’oppofer à la vente
des effets que les créanciers du preneur ont faifis
dans la maifon louée , le droit de fuite ne peut être
exercé contre les adjudicataires de ces effets.
Quoique la loi ait accordé au bailleur un droit
de fuite fur les effets du preneur, il ne faut pas
en tirer la conféquence que celui-ci foit privé du
droit de difpofer des meubles dont il a garni la
maifon louée. Il eft au contraire le maître d’en faire
ce que bon lui femble, pourvu que le bailleur ait
les uiretés convenables pour fes loyers & les autres
obligations du bail. Ainfi il fuffit qu’il refte dans la
maifon louée, des meubles en fuffifance pour rem-
Vir cet objet.
Obfervez à ce fujet que, quoique le bailleur ne
puifte empêcher le preneur de difpofer des effets
qu il a dans la maifon louée, pourvu qu’il y en laiffe
affez pour répondre des loyers, cependant fi les
créanciers du preneur venoient à faifir ces effets,
le bailleur feroit en droit de s’oppofer à l’enlève*
ment, & de demander la main-levée de la faifie,
fi mieux n’aimoient les faififians s’obliger à faire remplir
les conditions du bail, tant pour les termes
échus, que pour ceux à échoir, &. donner bonne
& fùffifante caution à cet égard.
Seconde obligation du preneur, concernant Vufage
de la chofe louée. Parmi les obligations du preneur,
eft non-feulement celle de n’employer la chofe louée
qu’aux ufages pour lefquels elle eft deftinée, mais
il doit encore prendre foin de cette chofe, comme
un bon père de famille feroit de fon propre bien.
C’eft pourquoi fi je vous loue des chevaux pour
faire un voyage, vous ne devez ni les faire courir,
ni leur faire faire de trop fortes journées, 8ç
vous êtes obligé de les nourrir comme il convient.
S’il s’agit de terres labourables, le fermier eft
tenu de les labourer, fumer, cultiver & enfemen-
cer comme il convient : ainfi il ne doit pas les dé-
faifonner; c’eft-à dire qu’il lui eft défendu de les
enfemencer, lorfqu'elles doivent demeurer en jachère
, & qu’il ne lui eft pas permis d’y femer du
froment, quand c’eft le temps d’y mettre de l’orge
ou de l’avoine.
Il faut aufli qu’un fermier ait une fuftifante quantité
de bétail pour exploiter la métairie, & il lui eft
expreffément défendu d’employer les fumiers & les
pailles à d’autres ufages qu’à l’engrais des terres qu’il
doit cultiver. L’article 421 de la coutume d’Orléans
contient à cet égard une difpofition précife qui forme
le droit commun.
Ainfi, quand le preneur auroit payé fes fermages,
il n’auroit pas pour cela le droit de difpofer des
pailles & des fourrages : la raifon en eft que ces
fubftances font cenfées faire partie de la métairie.
Si la chofe louée eft une vigne, le preneur doit
la bien façonner, la bien fumer, la provigner,
l’entretenir d’échalas, &. enfin la cultiver comme
un bon vigneron cultiveroit fa propre vigne.
De l’obligation que contracte le preneur, de con-
ferver & d’entretenir en bon état ce qu’on lui a
loué, dérive celle de veiller à ce que durant le cours
du bail on n’ufurpe pas les terres qu’il doit cultiver
; ainfi dans le cas où un tiers acquerroit une pof-
feffion d’an & jour fur quelques - unes des terres
louées , le preneur feroit tenu à cet égard des dommages
& intérêts du bailleur ; la raifon en eft que
le preneur ne s’étant pas oppofé à l’ufurpation,
comme il auroit dû le faire, il eft jufte qu’il foit
refponfable du préjudice que fa négligence a occa-
fionné.
Le preneur eft pareillement refponfable des dommages
caufés aux bâtimens compris dans fon bail 9
foit que ces dommages aient eu îieu par fa faute ou
par celle de fa femme, de fes enfàns , de fes do?
meftiques, de fes pensionnaires, de fes ouvriers,
de fes fous-locataires , &c. Ainfi, lorfque la maifon
louée vient à être incendiée, le preneur en eft ref-
ponfablc, s’il ne juftifie que l’accident eft arrivé
par un cas fortuit, ou que le feu a été communiqué
par une maifon voifine où il avoit commencé ;
la raifon en eft qu’on préfume, en cas pareil, que
l’incendie n’a eu lieu que par la faute des perfonnes
qui habitent la maifon.
S’il y a plufieurs locataires principaux dans la maifon
, c’eft le locataire de l’appartement où le feu
a commencé, qui eft feul tenu de l’incendie ; mais
fi l’on ignore par où le feu a commencé, en feront
ils tenus tous, ou aucun n’en fera-t-il tenu ?
M. Pothier, qui propofe cette queftion, penfe qu’aucun
n’en doit être tenu. La raifon qu’il en donne
eft que, comme il eft entièrement incertain parla
faute duquel le feu a pris, il ne peut y avoir contre
aucun d’eux , de préfomptions qui puiffent fervir
de fondement à la demande du bailleur pour faire
rétablir fa maifon, & par „conféquent la demande
ne peut avoir lieu contre aucun.
Si le feu avoit pris à une auberge , & qu’il parût
que ce fût par le fait & l’imprudence d’un voyageur
qui y logeoit, le locataire qui tient l’auberge
feroit-il refponfable de l’accident? On dira, en faveur
de l’aubergifte, continue l’auteur cité , qu’il y
a une grande différence entre des voyageurs qui logent
dans une auberge en paffant, & des domef-
tiques ou penfionnaires : un locataire commet une
forte de faute, lorfqu’il prend des domeftiques ou
des penfionnaires étourdis & imprudens, parce
qu’il ne doit fe fervir que de perfonnes de la conduite
defquelles il fe foit informé ; c’eft pour cela
qu’il eft refponfable de leurs fautes : mais un au-
bergifte eft par fon état obligé de recevoir les
voyageurs qui s’y préfentent, fans qu’il les con-
noiffe, e’eft pourquoi il ne devroit pas être refponfable
de leurs fautes.
Cependant M. Pothier penfe que l’aubergifte ne
pourroit, même dans ce cas, être excufé de l’incendie
: car, comme il ne connoît pas les gens
qui logent chez lui-, il doit, pour prévenir -les
accidens, tenir, pendant la nuit, fa cuifine fermée
, & il doit veiller par lui-même, ou par quelqu’un
de fes gens, jufqu’à ce que tous les voyageurs
qui font logés dans fon auberge foient au lit,
& qu’il ne paroiffe plus de lumière dans les chambres.
Ainfi, pour n’avoir pas pris de telles précautions
, il doit répondre du dommage caufé par l’incendie.
En effet, quoique le feu ait pris dans la
chambre d’un voyageur, l’aubergifte auroit prévenu
l’accident, s’il eût veillé comme il le dp voit.
Mais fi un voyageur avoit caufé, dans la maifon
de l’auberge, du dommage que le locataire aubergifte
n’auroit pu prévenir ni empêcher, il n’en doit pas être
refponfable. La raifon en .eft, que fon état l’obligeoit
de recevoir le voyageur dans l’aubérge fans le
connoître. Il faut toutefois, pour qu’il foit déchargé
de ce dommage envers le propriétaire, qu’il
n’ait négligé aucune des voies propres à en procurer
l’indemnité ; par exemple, fi ce voyageur avoit
une valife ou d’autres effets, il a dû les arrêter
pour la réparation du dommage.
Pour que le preneur foit tenu de la perte ou de
la détérioration de la chofe louée, il n’eft pas
précifément néceffaire que ce foit fa faute qui ait
caufé le dommage, il fuffit qu’elle y ait donné
occafion. Par exemple, s’il lui étoit défendu par
le bail d’avoir des matières combuftibles dans quelque
endroit, & qu’il y en ait eu , il fera tenu de
l’incendie, quoique arrivé par cas fortuit. La raifon
en e ft, que c’eft fa contravention aux claufes
du bail qui a donné lieu à l’accident.
Par la même raifon, fi j’ai été attaqué en chemin
par des voleurs qui ont tué le cheval que j’a-
vois pris à loyer pour faire naon voyage, quoique
cette violence foit une force majeure, dont le
locataire n’eft pas refponfable, & que j’en aie la
preuve par la capture des voleurs; cependant, fi
j’ai donné occafion à cet accident, en faifant route
à des heures indues, ou en quittantle grand chemin
pour en prendre un plus court, mais beaucoup
moins fûr, je ferai refponfable de la perte
du cheval.
Il en feroit différemment, f i , en quittant le grand
chemin pour en prendre un autre, je n’avois fait
que ce que les autres voyageurs avoiem coutume
de faire, parce que le grand chemin étoit aloæ
impraticable.
Tous ces cas font propofés & réfolus par le
jurifconfulte que nous avons cité , lequel obferve
en même temps qu’il eft une occafion où le preneur
n’eft pas chargé du foin de conferver la
chofe qui lui eft louée ; c’eft lorfqu’il y a une
perfonne prépofée par le bailleur pour avoir ce
foin pendant -que le preneur fe fert de la chofe.
C’ëft ce qui arrive, lorfqu’un loueur de chaife
loue à quelqu’un une chaife & des chevaux pour
faire un voyage, & lui donne un cocher pour
conduire la voiture; ce-cocher prépofé par le
bailleur eft chargé du foin de la chaife & des chevaux
, & le locataire n’eft chargé de rien.
Si à la fin du bail, la chofe louée fe trouvoit
perdue par la faute du preneur, & qiie par confisquent
il ne pût pas la rendre , il faudroit qu’il en
payât l’eftimation ; le bailleur feroit en droit de l’y,
faire condamner. Si toutefois la chofe fe recouvroir,
même après la condamnation, le preneur, en la
rendant, feroit difpenfé de la payer: mais fi cela
étoit fait, il ne feroit pas fondé à répéter ce qu’il
en auroit donné. La raifon en e ft, que le paiement
de cette chofe feroit cor.fidéré comme le
complément d’un contrat de vente entré les parties.
Au furplus, le preneur ayant payé la chofe,
feroit fubrogé aux droits du bailleur pour la revendiquer,
& celui-ci feroit tenu d’une garantie
pareille à celle que le vendeur doit à l’acheteur^
c’eft pourquoi fi un tiers prétendoit un droit de
propriété lur cette chofe, il faudroit que le bailleur
repouffât cette prétention, ou qu’il remtuât au preneur
l’eftimation qu’il en auroit reçue.
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