
veiller à ce qu’il ne fut pas vexé par les comtes &
les autres juges.
Ces commiffaires ou baillis étoient gentilshommes
; leurs fondions n’étoient ni perpétuelles ni ordinaires.
Chacun d’eux paVçouroit la province qui
lui étoit confiée ; il s’informoit s’il ne fe commet-
toit aucun abus, aucune malverfation dans l’admi-
niftration de la juftice; il écoutoit les griefs dont
le peuple avoit à fe plaindre ; il corrigeoit ou con-
firmoit fouverainement & en dernier reffort les fen-
tences des juges des lieux en matière civile & criminelle
; il réfervoit à la connoiffance du confeil du
roi les affaires les plus importantes, ou elles étoient
décidées par ce qu’on a depuis appellé un arrêt.
Les troubles arrivés, en France, fous la fin de
la fécondé race des rois, & fous le commencement
de la troifième, caufèrent dë grands changemens
dans la magiftrature. Les feigneurs qui avoient juf-
qu’alors adminiftré la juftice, trop occupés dans les
guerres qu’ils eurent à foutenir contre les ennemis
de l’état, & fouvent les uns contre les autres, fe,
déchargèrent de cette fonéfion fur un magiftrat fli-
périeur, que l’on nomma plus communément bailli,
& dans quelques endroits , fénéchal.
A l’exemple des comtes ou premiers adminiftra-
teurs de la juftice dans les provinces, les feigneurs
particuliers qui rendoient eux-mêmes la juftice à
leurs vaffaux avec leursprudhommes ou leurs pairs,
confièrent le jugement des conteftations à une per-
fonne qui fut appellée bailli, prévôt, châtelain : &
c ’eft de-là qu’eft venu la diftin&ion qu’on trouve ,
dans les anciens auteurs, des baillis majeurs & des
baillis inférieurs. Les baillis majeurs étoient établis
fur une province entière ou fur un grand fief qui
en avoit plufieurs autres dans fa dépendance; les
baillis inférieurs étoient établis fur les jurifdiâions
feigneuriales , & étoient fubordonnés aux grands
baillis. Ces baillis feigneuriaux, & aujourd’hui ceux
même des duchés-pairies, font des officiers de robe-
longue, qui doivent être gradués, & dont les fonctions
font bornées à rendre la juftice aux domiciliés
dans leur territoire, faüfl’appel devant les grands
bailliages.
La réunion à la couronne de prefque tous les
grands fiefs qui en avoient été démembrés, fait
qu'on ne cohnoît plus de grands baillis, que les baillis
royaux ; & d’ambulans qu’ils étotent, ils font devenus
fédentaires, chacun dans fon département. Ils
n’ont plus jugé aucune caufe en dernier reffort; leurs
fentences font devenues fufcept-ibles d’appel devant
les officiers des parlemens, depuis que ces corps ont
été établis fucceffivement dans différentes provinces,
pour y rendre fouverainement la juftice au nom du
roi. Ils étoient même obligés de. comparoîtrc tous
les ans au. parlement à certains jours qu’on’ leur affi-
gnoit pour voir juger les affaires qui dépendoient
de leur bailliage ; & ils . étoient dans le cas d’être
repris, s’ils avoient commis desinjuftices évidentes.
L’emploi des baillis & fénéchaux confiftoit principalement
à conferver les droits & les domaines
du roi, ceux de Péglife & de la nobleffe. Us rendoient
eux-mêmes la juftice; mais-on toléra dans
la fuite qu’ils euffent des lieutenans pour les fuppléer
en cas, de maladie, d’abfence ou de légitime empêchement.
Ils avoient Pintë^dance des armes, de la
juftice & des finances ; on leur ôta l’adminiftration
des finances à caufe de l’abus qu’ils en firent.
Louis XII ordonna qu’à l’avenir les baillis feroient
gradués, finon qu’ils ne pourroient exercer leur office
en perfonne, & qu’ils n’auroient plus de voix
délibérative. Sous Charles VIII, on leur ôta entièrement
l’exercice de la juftice, qui fut confié à leurs
lièutenans. Ces officiers étoient d’abord amovibles
au gré des baillis ; mais ceux -ci perdirent la faculté
de les deftituer par l’article 47 d’un édit de 1496 : &
François I leur ôta le droit de les nommer, lorfqu’il
établit la vénalité des offices.
Les baillis ont beaucoup déchu de leur état par
l’introdu&ion de cette vénalité; car leurs commif-
fions ont été également érigées en titre d’office : & ,
dans les provinces où il n’a pas été réuni à la charge
de gouverneur, il s’acquiert moyennant finance ,
comme les autres.
L e s baillis font néanmoins encore aujourd’hui les
chefs de leur jurifdiâion ; ils peuvent, fi bon leur
femble, préfider à tous les jugemens qui s’y rendent,
foit à l’audience, foit à la Chambre du confeil
: mais ils n’y ont pas voix délibérative. La
juftice eft rendue en leur nom ; la convocation du
ban & arrière-ban leur appartient, &c.
Le bailli dé la préfeélure provinciale de Hague-
nau, en Alface, jouit encore des prérogatives extraordinaires
, telles que les avoient les anciens ober-
landvogts ou grands baillis établis par les empereurs.
Ils y ont été confervés, depuis la réunion de cette
province à la France, en 1697, lors du traité de
Rifwick, par les lettres-patentes de 1713, qui ont
érigé le bailliage de Haguenau en fief mafculin, en
faveur du duc de Châtillon & de fes defcendans
mâles. Foye{ A lsace.
S e c t i o n I I .
Des qualités requifes dans tes baillas. '
Quoique les baillis n’aient plus à exercer les mêmes
fondions qu’autrefois, on ne laiffe pas d’exiger
toujours, dans ceux qui fe font pourvoir de ces fortes
d’offices, lés qualités qu’ils dévoient avoir anciennement.
L’article a i de l’ordonnance de Moulins
veut qu’il n’y ait que des gentilshommes qui foient
admis à pofléder les offices de baillis. Les ordonnances
d’Orléans & de Blois contiennent à cet égard
les mêmes difpofitions. L’article 263 de celle de
Blois veut expreffément qu’ils foient nobles de nom 1
& d’armès, & qu’ils aient fervi dans les troupes de
fa majefté en qualité d’officiers; de forte que, fi
l’on s’en tenoit rigoureufement à ces ordonnances,
les fimples annoblis ni leurs defcendans ne feroient
pas propres à pofféder de ces fortes d’offices : il
faudroit qu’on fût d’une nobleffe dont on ne connût
point l’origine, ou qui remontât au-delà du règne
de Philippe-le-Bel, fous lequel les annobliffemens
ont commencé. Il paroît même que l’intention du
roi eft qu on ffuive encore ces anciennes ordonnances
; car, par l’arrêt du confeil, du 16 décembre
1759, fa majefté déclare qu’elle entend qu’il ne foit
expédié des provifions pour les charges de baillis
& de fénéchaux, qu'à des gentilshommes de la qualité
requife par les ordonnances de ty6o & /$yp , &
qu’elles ne puiffent être fcellées que fur l’agrément
de l’un des fecrétaires d’état : cet arrêt- du confeil
a été revêtu de lettres - patentes enregiftrées en la
chambre des comptes à Paris, le 12 janvier 1760.
A l’égard de l’âge pour être pourvu des offices
dont il s’agit, les ordonnances veulent qu’on ait'au
moins trente ans. Mais comme aujourd’hui le titre de
bailli n’eft prefque plus qu’un tjtre honorifique, &
que celui qui en eft pourvu, n’a aucune voix délibérative
dans les affaires contentieufes de fon fiège , cet
âge n’eft plus requis à la rigueur.
Il faut néanmoins en excepter la Provence où les
grands' baillis ont confervé le droit d’opiner avec
Tes autres juges.
Au moyen de ce que les baillis n’ont plus l ’ad-
miniftration de la juftice, ils font aujourd’hui dif-
penfiés de prendre des grades avant de fe faire inf-
taller dans leur office.
La réception des baillis fie fait en la grand’chambre
du parlement : c’eft là qu’ils prêtent le ferment accoutumé.
Jls n’ont plus befoinenfuite que. de fe faire
inftailer dans, leur fiège. g
S e c t i o n I I I .
Des prérogatives des baillis.
Quoique les fondions des baillis foient dévolues
à leurs lieutenarts, ils n’en ont pas moins confervé
le droit de faire intituler, en leur nom, toutes les
fentences & les , commiffions qui s’expédient dans
leur tribunal pour quelque matière que ce foit. Les
contrats & autres a&es des notaires & des tabellions
royaux de leur bailliage ^ doivent pareillement, dans
les expéditions , être intitulées du nom du bailli,
conformément à l’article premier de T’ordonnançe
du 3 mai 1519. L’arrêt de règlement du 21 juillet
1779 , -rendu entre le bailli du Perche & des officiers
du bailliage de Mortagne, l’a jugé conformément
à cette même ordonnance.
Les baillis peuvent fe trouver à toutes fortes de
féances, foit à l’audience , foit à la chambre du confeil;
& , lorfqu’ils y font, -c’eft à eux de préfider,
quoiqu’ils n’aient pas voix délibérative ; mais ils ne
participent point aux épices. Ils ont pareillement
droit d’affifter aux féances préfidiales, & d’en être
les chefs,* mais, dans ce“ cas, les jugemens ne font
pas en leur nom; ils font ainfi intitulés : les gens
tenant le fiège préfidial de .... & c. On trouve, dans
Joli , un arrêt du parlement de Paris du 25 mars
1574, qui l’a ainfi réglé.
Les baillis font dans l’ufage de fiéger en habit
court avec les bottes & l’épée ; cependant on trouve
un édit du mois de février 1705, rendu pour le préfidial
d’Ypres, fuivant lequel le bailli ne peut fiéger qu’en
habit & en manteau noirs avec le collet & l’épée.
Lorfqu’il fe préfente, les huiffiers font tenus de
l’aller prendre au bas de l’efcalier intérieur, & de
le reconduire, à la fortie, jufqu’au même endroit.
On ne peut lui refufer les autres honneurs dont il
eft en ppffeffion, ou,qui conviennent à fa dignité,
fans lui faire une efpèce d’injure.
Quand il affifte aux audiences du bailliage, les
avocats & les procureurs doivent lui adreffer la parole
au fingulier, comme s’il étoit feul fur le fiège :
l’arrêt que nous venons de citer, l’a ainfi réglé en
faveur du bailli d'épée du Perche. Et, lorfqu’il s’agit
de prononcer fur une demande, le lieutenant général
ou tout autre principal officier; qui porte la parole ,
doit ufer de cette formule : M. le bailli dit & ordonne.
Les baillis ont encore d’autres prérogatives : telle
eft celle de commander le ban & l’arrière-ban, lorf-
que l’occafion s’en préfente. .Ce font eux qui le convoquent,
qui dreffent les procès-verbaux de cette
convocation : & , en leur abfence, ce droit appartient
aux lieutenans généraux. Voyeç ce qui eft dit
à ce fujet à 1 article Ban & A rrière-ban.
Lorfqu’il s’agit de quelque chofe qui concerne la
garde, la défenfe, la proteéHon & les fortifications
d’une v ille , c’eft encore au bailli d’y pourvoir en
prenant l’avis du lieutenant général * des avocats &
du procureur du ro i, & même celui des échevins,
s’il eft néce flaire.
Dans tous les cas où l’ordre de la nobleffe a le
privilège de saffembler, le bailli de la province a
le droit d’être à la tête. Il ne peut pourtant point,
prendre la qualité de chef de. la nobleffe : un arrêt
du confeil du 30 oéiobre 1761 l’a défendu au grand
bailli du Perche, fur l’cppofition des gentilshommes
de Mortagne; & celafans.dqute, parce que les gentilshommes
ne reconnoiffent que le roi, pour fieul
& véritable chef de la nobleffe.
Les lettres ou paquets émanés de .la cour, du gouverneur
du pays, des lieutenans généraux & des in-
tendans, adreffés aux officiers du bailliage, doivent
être remis'.aux baillis, lorfqu’ils font fur les lieux :
mais,'dans le cas d’abfence, ils font remis.au lieutenant
général ou au plus ancien officier.du fiège,
oui ne font obligés à aucunes formalités envers le
bailli : c’eft ce qüi réfulte de l’arrêt de 1759, c*“
deffus cité, & des lettres-patentes du 13 juillet 1759 >
données pour le Boulonnois.
Suivant le même arrêt, les huiffiers, fergens ,
tambours & autres exécuteurs des mandemens dé
juftice doivent prévenir le bailli des ordres qu’ils
ont reçus, fans néanmoins qu’il puiffe en empêcher,
ou retarder l’exécution.
S e c t i o n I V .
De la compétence des baillis.
Il faut entendre , par compétence, le droit qu’ont
f e baillis ou, pour mieux dire, "es officiers d’un
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