
celui qui donne afyle & fecours au coupable,
connu comme tel, qui procure fon évafion, qui
recèle ou achète les chofes dérobées.
Pour être réputé accejfoire d’un crime , il faut
qu’il foit entièrement confommé. Par exemple,
celui qui prête affiftance à celui qui en a bielle un
autre. mortellement, avant la mort du bleffé, n’eft
pas réputé accejfoire du meurtre -, parce que la félonie
n’eft-comptée qu’au moment de la mort; mais dès
l ’inftant que la félonie eft confommée , on ne peut
prêter fecours au délinquant, fans fe rendre accef-
foirement coupable du crime. Les plus proches païens
de l’afîàffin ne font point exceptés de cette
règle ; il n’y a que la femme à l’égard de fon mari,
& on devroit auflf en excepter les enfans vis-à-vis
de leur père.
Dans le crime de haute trahifon, il n’y a point
$ accejfoire, tout eft principal, à caufe de l’énormité
du crime.
Dans nos moeurs , les complices, fauteurs &
adhérens d’un crime, font punis de même que
celui qui l’a commis. En Angleterre Y accejfoire eft
fouvent puni moins rigoureufement que le principal
agent à l’égard du vol ; le voleur eft puni de mort,
mais fes accejfoires ne fubiffent que la peine de l’exportation
, fuivant un ftatut de la reine Anne, &
de Georges premier.
Il n’eft pas inutilè de remarquer que les accef-
Jbires doivent être punis avec moins de févérité
que les principaux délinquans , parce qu’il eft
d’une légillation équitable de graduer les peines
fuivant les* délits ; ce feroit un moyen fur de
les prévenir & d’en diminuer le nombre, car il
efl probable que les traîtres trouveroient moins
de complices.
ACCIDENT , f. m. ( Droit public, civil & criminel.
} c’eft un événement que n’a pu prévoif
celui qui y efl expofê, ou celui qui y donne oe-
cafion. Les mots malheur, défafire & accident annoncent
& défignent un fâcheux événement r mais
celui de malheur s’ applique plus particuliérement
aux événemens de fortune, & de chofes étrangères
à la perfonne ; Y accident regarde proprement ce qui
arrive dans la perfonne même. C ’eft un malheur
de perdre fon argent ou fon ami, c’eft un accident
de tomber ou d’être bleffé. Le terme de défaftre
défigne plus particuliérement ces événemens affreux
, qui s’étendent à un grand nombre de per-
fonnes; une ville détruite par le feu , les campagnes
ravagées par un orage , font des défaflres.
Les accidens arrivent quelquefois par une force
majeure, ils font fouvent l’effet de l’imprudence,
ou de h machination, ou de la faute d’un tiers ;
dans tous ces cas, la première idée eft celle d’un
événement fortuit, ou d’une force majeure, parce
que l’homme n’eft pas porté naturellement à foup-
çonner le mal; mais quand on cherche les caufes,
oh y trouve fouvent la faute, le dol, la méchanceté,
le crime. Dans les délits, les aecufés fe défendent
par la fuppofition de Yaccident ©u de l ’erreur
; à l’égard des événemens fâcheux qui fe fuc-
cèdent rapidement dans les grandes villes , on entend
prononcer d’abord le mot d'accident pour
exprimer le malheur qui vient d’arriver ; & ceux
de crime, d’infamie, d’horreur, ne fortent de la
bouche, que lorfqu’on foupçonne de la méchanceté
, dans la caufe inconnue de l’événement -, oü
une négligence vifible, une faute groffière dans
ceux qui y ont donné occafion , ou qui ne l’ont
pas prévenu.
Dans cette matière, les principes de notre légifla-
tion ne font pas précis, les moyens de décider font
arbitraires, les loix & les préjugés font difperfés ,
enforte que les juges ont beaucoup de peine à
démêler la vérité, & à affeoir un jugement équitable.
Nous allons raffembler fous un feul point
de vue les principes que le droit romain & notre
droit françois renferment à cet égard.
Précis des loix romaines. Les jurifconfùltes romains,
d’après la loi des douze tables, décident,'
dans tous les événemens malheureux, arrivés par
accident, qu’il faut examiner , fi Y accident a eu lieu,
par cas fortuit, par dol ou méchanceté , ou par
faute, ce qu’ils expriment par ces trois mots : cafus ,
dolus , an culpa.
Le cas fortuit eft ce qui arrive par une fatalité
imprévue, même au père de famille le plus diligent
: ou ce qui n’a pas coutume d’arriver ; la
caufe du cas fortuit eft une force majeure , â
laquelle on ne peut réfifter, tels font le tonnerre ,
la grêle, la tempête , les tremblemens de terre ,
les débordemens, les inondations , les ravages d’un
incendie, l’attaque'de l’ennemi ou des voleurs.
Le dol ou la méchanceté j eft toute efpèce de
machination pratiquée pour expofer quelqu’un â
un accident ou â la force majeure, comme fi j’agis
auprès de l’ennemi ou des voleurs pour vous faire
piller , fi je vous dreffe quelque embûche pour vous
occafionner du dommage , foit dans votre perfonne*,
foit dans vos biens;
La faute confifte à ne pas faire tout ce qu’on
auroit dû ou pu faire pour prévenir Y accident,
ainfi que l’exige le devoir d’un père de famille
vigilant ; elle fe divife en faute groffière , légère ,
& très-légère.
La faute groffière eft une grande négligence,
qui eft affimilêe au dol ; telle eft celle que commet
celui qui embarraffe la voie publique de manière
à nuire à quelqu’un, ou qui jetteroit une poutre
dans le paffage ordinaire des citoyens.
La faute légère eft celle que peut commettre un
père de famille, moins vigilant. Sï on ne l’impute
ptfs à tous les particuliers comme délit , elle fuffit
pour rendre refponfable d’un accident l’adminiftra-
teur de la chofe publique ; car il doit non-feulement
éviter le reproche du dol & de la faute
groffière , mais il doit encore avoir une intelligence
éclairée & aétive , qui veille au bonheur & à la
fureté de tous. Magifiratus reïpubücot non dolum Co-
lum modo s fed & latam negligentiam} & koc ampliùs ;
Mgentiam debent, L. 6. de admin. ter. ad civit.
pertinent. Un attêt du parlement de Paris de 1409
caffa les officiers municipaux de cette ville , lés
déclara incapables de remplir aucune charge, avec
amende, & des dommages & intérêts confiderables,
pour n’avoir pas prévenu un accident arrive par
la chûte du pont Notre-Dame.
D ’après Ces notions primitives, les loix romaines
décident i°. que perfonne n eft tenu ni du cas
fortuit, ni'de la force majeure, parce qu’aucun
confeil humain ne peut les prévenir : z°. qim lorf-
qu’il y a dol & méchanceté, la perfonne offenfée
peut pourfuivre,en vertu de l’aérion introduite par
la loi aquilia , l’indemnité qui lui eft due, ou fe
fervir de la procédure criminelle publique., pour
obtenir, outre fes dommages & intérêts, une vengeance
publique: 30. que s’il y a de la faute, de
la négligence de la part de, celui qui pouvoit
empêcher un accident, & ne l’a pas fait, il demeure
refponfable du dommage , qui doit être
eftimé par le juge , fuivant le mal caufé par Y accident
, les perfonnes & les circonftances.
Tableau des loix françoifes. Notre jurifprudence^
a pour bafe les principes établis par les loix ro-'
maines, quelques réglemens généraux & particuliers
de police, & nombre d’arrêts rendus dans différentes
efpèces ; quoique lès arrêts foient à-peu-près
parmi nous, ce qu’étoient chez les Romains les
décifions des jurifconfultes , renfermées dans le
digefte, ils n’ont pas cependant une égale autorité,
foit parce que les efpèces ne font jamais abfolu-
ment les mêmes, foit parce qu’ils ont fouvent été
rendus dans un autre parlement ; les réglemens de
police n’ont ordinairement pour objet que de prévenir
les accidens, & ils ne condamnent qu’à une
amende pour punir la négligence, ou la défobéif-
fance à la lo i , fans faire mention de l’indemnité
due à celui qui a reçu du dommage par Y accident ;
les principes du droit romain fouffrent auffi beaucoup
de modifications par l’arbitraire des jugemens
& des aérions ; il y a même une grande différence
entre la manière de procéder qui étoit en ufage
à Rome, & celle que nous fuivons , foit dans
la nature, foit dans l’effet de l’aérion , par laquelle
on pourfuit la réparation du dommage.
A Rome les citoyens fe refpeéloient & fe mé-
nageoient affez pour n’employer la procédure criminelle
, que dans les grandes aérions, où la nature
du délit exigeoit la perte entière d’un citoyen :
chez nous, au contraire, on la faifit fous le plus
léger prétexte, fauf à faire renvoyer à fins civiles,
dès qu’on a acquis la preuve par l’information.
A Rome, l’homicide involontaire n’avoit pas
befoin de grâce , il n’étoit jamais affimilé à un
coupable ; parmi nous l’homicide involontaire eft
’ obligé de recourir à des lettres de grâce, qui ne
font accordées qu’à la charge d’aumôner trois
livres, & d’indemnifer les héritiers du défunt,
fuivant ce qui fera arbitré par le tribunal, chargé
de l’entérinement des lettres ; l’impétrant eft réduit
à fe mettre dans les fers, & à paroître au milieu de
l’audience, attendant à genoux l’entérinement de fes
lettres : humiliation qui confond Y accident avec le crime,
dégrade le citoyen, & détruit dans l’efprit du peuple
les notions du jufte & de l’injufte ; il leroit facile
& équitable de changer ou de modifier cet ufage :
on devroit diftinguer entre les homicides , ceux
qui fe commettent par imprudence, par impéritie,
par ivrognerie, d’avec ceux qui font commis par
cas fortuits , ou par la néceffité d’une défenfe
légitime.
Les premiers feroient dans le cas d’avoir befoin
de la grâce du prince, parce que s’ils ne font pas
les effets de la volonté, ils peuvent néanmoins
être affimilés aux délits , par la raifon que celui
qui les commet, s’eft volontairement expofé au
danger de les commettre; mais on ne peut imputer
aucune efpèce de faute, ni au foldat' qui, s’exerçant
à tirer des armes , dans le lieu deftiné à cet
exercice, a le malheur de tuer un paflànt ; ni au
payfan, qui coupant des branches d’arbre dans fon
champ , vient à écrafer une perfonne qui fe trouve
deffous fans aucune néceffité , & qu’il n’a point
apperçue ; ni enfin à celui qui ne peut défendre
fa v ie , qu’en l’ôtant à fon aggreffeur : toutes ces
perfonnes ne font coupables ni dans le fait ni danî
le droit ; il feroit donc néceflàire de ne les pas
confondre avec ceux auxquels on peut reprocher
avec juftice une faute groffière , & à l’exemple
des Romains , les décharger de toute efpèce de
demande & de pourfuite.
Les accidens arrivent de mille manières différentes
» les uns font caufés par les animaux domef-
tiques , d’autres par les conftruétions, démolitions
ou vétufté des bâtimens ; quelques-uns par les
voitures ; quelques autres par la chûte de certains
corps ; il en arrive à la chaffe, dans les tumultes,
& généralement dans toute efpèce d’occafion;
nous allons les parcourir, & rapporter ce que notre
jurifprudence a de plus certain iür cette matière.
Des accidens caufés par les animaux. Les accidens
arrivés par les animaux domeftiques font très-fré-
quens : ils fe décident par les principes établis
dans les titres de noxalib. aélion. & f i quadup. paup.
fec. die. La coutume de Bretagne 9art. 640, ordonne
que la réparation des accidens arrivés par chevaux ,
charrettes ou autres, foit prifè fur leur valeur, &
dans le cas où les propriétaires ne les voudroient
pas abandonner, qu’ils en feront tenus à l’arbitrage
du juge.
Celui qui excite un chien, & lui fait faire du
mal, eft refponfable du dommage ; il en eft de
même du maître d’un animal vicieux , lorfqu’il
n’en a pas averti ; à l’égard des animaux féroces
qu’amènent dans nos villes la mifère des conducteurs
, & la curicfité publique, la police me peut
être trop vigilante & trop févère, pour les obliger
à prévenir les accidens qu’ils peuvent caufer. Si un
muletier n’a pas l’adreffe, ou la force , qu’auroit
un homme plus robufte , pour retenir fes mules,