
que celles que les parties peuvent alléguer pour
fa récufation, nous les rapporterons fous le mot
Récusation.
A bstention , ( peine. ) elle fe nomme abflention
de lieu. Cette peine eft d’ufage en matière criminelle
, lorfqu’il y a eu des menaces, des injures
graves, des preuves d’une inimitié capitale, &
qu’il y a crainte de récidive ; elle n’eft ni affliétive
ni infamante, c’eft une efpèce de banniflement
que le juge prononce par prudence, pour éloigner
l’auteur des menaces du domicile d’une des parties,
avec défenfes d’en approcher pendant un certain ef-
pace de temps : elle a été introduite pour fauver à
celui qui y eft condamné, l’infamie attachée à la
peine du banniflement, & pour obvier aux voies de
fait:auffi ne doit-elle fe prononcer que pour les
cas moins graves, & qui feroient fufceptîbles du
tribunal du point d’honneur , s’ils étoient commis
par des gentilshommes, ou par des militaires. L’édit
de 1604, article 6 , donné touchant les injures ou
voies de fait commifes entre officiers de robe, fait
mention de Y abflention de lieu , & elle a été ordonnée
par plufieurs arrêts de différens parlemens.
A bstention de fubftitution : on a long-tems dif-
puté fur la queftion de favoir, s’il fuffifoit pour,
remplir un degré de fubftitution ou de fidéicommis ,
d’exifter lors de l’ouverture de la fubftitution, ou
s’il falloit encore l’avoir réclamé , Sc avoir joui
des biens qui y étoient compris. Les jurifconfultes
fe font partagés fur cette queftion, les uns tenant
l’affirmative, les autres la négative ; mais l’ordonnance
des fubftitutions, tit. /, art. 37 , a levé tous
les doutes à cet égard, en ftatuant que lorfque le
grevé de fubftitution aura renoncé à la difpofition
mite en fa faveur, ou qu’il fera mort fans l’avoir
acceptée expreffément ou tacitement, le fubftitué
du premier degré en prendra la place , enforte
que les degrés de fubftitution ne compteront qu’a-
près lui : & dans les cas d’abflention ou de renonciation
d’un des fubftitués, il ne fera pas cenfé en
avoir rempli un degré, & celui qui viendra après
lui en tiendra la place, quoique la renonciation,
ou Y abflention du grevé ou du fubftitué n’ait point
été gratuite.
A bstention de fuccejflon, c’étoit une efpèce
d’ignominie chez les Romains de mourir fans héritier
, & la mémoire de celui dont la fucceflion
n’avoit pas été appréhendée, étoit en quelque manière
flétrie dans l’opinion publique ;-"par cette
raifon les loix romaines avoient introduit deux ef-
pèces d’héritiers néceflaires, qui ne pouvoient répudier
la fucceflion qui leur étoit déférée : favoir Ë
un efclave inftitué héritier par fon maître, & les
enfans, qu’elles appelaient héritiers fiens Sc nécef-
faires, fui & necejfarii.
Le préteur vint dans la fuite au fecours des en-
fans d’un père décédé infolvable : il corrigea la
dureté exceffive de la lo i, & leur permit, par un
principe d’équité,de s’abftenir de l’hérédité paternelle
, pourvu qu’ils n’euffent fait aucun ajfte d’héritier,
Sc qu’ils ne fe fuffent point immifcés dans
la geftion Sc adminiftration des biens du défunt.
Cette difpofition des loix romaines eft encore
fui vie dans les provinces du royaume , régies par
le droit écrit; & par une fuite du refpeét qu’on a
pour elles, on n’y force pas un fils à porter atteinte
à la mémoire de fon père, par une renonciation
formelle à fon hérédité : on y admet l'ab-
flention pure Sc Ample, conformément à la loi 8 ,
ff. de acquir. vel ornitt. hcered. , & au §. 2 , infl. de
fnzred. qualît. & dijfer. Cette jurifprudence eft confirmée
par une foule d’arrêts du parlement de
Touloufe.
On fuit un autre ufage dans les pays coutumiers :
on y diftingue les héritiers néceflaires, Sc les héritiers
volontaires: les premiers font en ligne direfte
afcendante ou defcendante; les héritiers en ligne collatérale
font réputés héritiers volontaires, & c ’eftàeux
feuls qu’on applique, dans toute la valeur des mots,
cet adage coutumier, nefl héritier qui ne veuf.
Il ne fuffit pas aux héritiers en ligne dire&e de
s’abftenir de l’hérédité, qui leur eft déférée par la
loi, ils doivent faire une renonciation, foit en jugement,
foit pardevant notaire, par un a&e authentique
, dont il refte minute. La raifon en eft,
qu’en fucceflion dire&e, on eft regardé comme héritier
néceflaire, & qu’en cette qualité on peut être
pourfuivi, & même condamné au paiement des
dettes du défunt, après l’expiration des délais accordés
pour renoncer.
Mais les héritiers en ligne collatérale, qui ne
fe font pas immifcés dans les biens du. défunt, &
qui n’ont fait aucun a&e d’héritier, font à l’abri de
toutes les pourfuites qu’on pourroit intenter contre
eux, pour les dettes du défunt, en déclarant feulement
qu’ils s’abftiennent, fans être obligés de donner
une renonciation formelle & authentique. Vabflention
Sc la renonciation expreffe ont le même effet
; mais il faut qu’elles foient de bonne fo i, rebus
adhuc integris •. elles mettent l’héritier à couvert de
toutes pourfuites de la part des créanciers de lafuc-
ceflîon, Sc elles l’empêchent de pouvoir enfuite
fe porter héritier, & réclamer les effets de la fucceflion
qu’il a rejettée. Il y a cependant une exception
à faire en faveur des mineurs, qu’on admet
après leur majorité dans le droit d’examiner les
forces de la fucceflion, & de délibérer s’ils l’accepteront
, ou s’ils s’en abftiendront : il en feroit
de même d’un majeur qui prouveroit qu’il s’eft ab-
ftenu par ignorance de fait, ou parce qu’on avoit
fouftrait des effets de la fucceflion, pour la diminuer
& l’engager à s’en abftenir.
La portion héréditaire de celui qui s’abftient procure
un accroiffement en faveur des héritiers
collatéraux, qui font habiles à fuccéder, Sc cet
accroiffement ne donne pas ouverture au paiement
du centième denier, à moins qu’elle n’ait été précédée
d’un a£te d’héritier. C ’eft la difpofition d’un
arrêt du confeil du 26 novembre 1724.
Dans la coutume d’Amiens & autres voifines*
la part des puînés, qui s’abftiennent de prendre
leur portion héréditaire dans le quint des fiefs,
ou qui l’ayant pris décèdent fans enfans, accroît aux
autres puînés qui la veulent prendre, Sc non à l’aîné
qui n’y peut rien prétendre, à moins qne tous
les puînés ne meurent fans enfans.
ABSTINENCE, f. f. ( Droit eccléfeaftique ï fui-
vant les théologiens & les canoniftes, c eft la privation
qui nous eft ordonnée ou confeillee par
l’églife en certaines circonftances, de certaines cho-
fes d’ailleurs permifes.
Quoiqu’il loit vrai de dire que c’eft moins Yab-
flinence du boire & du manger, qui conftitue l’homme
jufte, que la foumiffion du coeur aux préceptes
de la loi de Dieu, il faut néanmoins fe fou-
mettre aux loix reçues à cet égard.
Nos rois ont fouvent employé leur autorité pour
faire obferver les règles del’églife relatives à Yab-
flinence ; un ancien capitulaire, rapporté dans la
colleéfion de Baluze, prononçoit la peine de mort
contre ceux qui, par mépris pour les loix ecclé-
fiaftiques, avoient mangé de la viande pendant le
carême, fans en avoir obtenu la permiffion de leurs
pafteurs.
Cette jurifprudence nous paroîtroit barbare aujourd’hui
, & elle Feft effectivement. Ce n’eft point
aux loix civiles à punir d’une peine capitale les péchés
, qui fans troubler l’ordre focial, violent les
commandemens de Dieu, ou de fes miniftres. Notre
jurifprudence aétuelle eft beaucoup plus conforme
à la raifon Sc à l’équité; elle punit l’infraction
de la loi d’abflinence , par la perte des viandes apprêtées
, & la condamnation à une amende.
La loi canonique défend à tout fidèle de faire
gras, fans en avoir obtenu auparavant la permiffion
du curé ; pour en faciliter l’exécution, les ré-
glemens de police défendent d’expofer publiquement
de la viande les jours <fabflinence; Sc pendant
la durée du carême il ne peut en être débité que
par les bouchers commis par les hôtels-dieu, ou
par le juge : il eft défendu aux aubergiftes & ca-
baretiérs, d’en apprêter chez eux , Sc d’en porter
en v ille, fans y être autorifés, Sc fans une permiffion
, expreffe, à peine de confifcation, de pri-
fon Sc d’amende. Depuis quelques années la plupart
de ces réglemens ne s’obfervent plus dans la
capitale.
Dans les tems de difette & d’accidens, on peut
permettre l’ufage des mets défendus par la loi de
Yabflinence: mais il faut alors le concours de la
puiffance civile Sc eccléfiaftique pour en autorifer
le débit. La permiffion feule de l’ordinaire ne fuffi-
roit pas, fi elle n’étoit appuyée de l’autorité des
cours : un arrêt du parlement du 7 février 1552 ,
fit défenfe de publier une bulle du pape , qui per-
mettoit aux provinces ruinées par la guerre , de
manger en carême des oeufs, dû beurre 8c du fromage.
Le roi régnant a demandé & obtenu du pape ,
une bulle qui permet aux foldats, lorfqu’ils font
en marche, de ne pas obferver les jours Üabfli-
nence. Dans toutes les villes de France, où il y a
garnifon, l’évêque permet l’ufage de la viande à
ceux qui la compofent.
Les capitulaires de Charlemagne & de Louis
le débonnaire recommandent aux juges Yabflinence
Sc la fobriété, comme des vertus effentielles de
leur état : ils veulent entre autres qu’ils foient à
jeun , lorfqu’ils prononcent leurs jugemens, afin
d’être plus en état de bien entendre toutes les
caufes portées à leur tribunal, & de mieux diftin-
guer le jufte de l’injufte.
ABUS , f. m. ( Droit polit, civil & canon ) c’eft en
général tout aéte contraire à l’ordre établi. Abufer
de quelque chofe, dit Fevret, c’eft en ufer autrement
qu’on ne doit, ou l’employer à un autre
ufage qu’à celui auquel elle eft deftinée.
La liberté , le favoir, l’éloquence, la vertu, la
juftice ,1a religion, tout a fes abus, tout porte l’empreinte
de l’ignorance, des paffions Sc de la foi-
bleffe humaine. Le fouverain abufe de fon pouvoir
s’il l’emploie à opprimer fes fujets, à punir
les délits imaginaires, à foutenir des miniftres corrompus
ou ineptes , à étendre les inftitutions que
profcrit la nature, à maintenir des loix ou des mages
nuifibles aux moeurs Sc aux progrès de la ci-
vilifation. .
L ’abus marche ,pour ainfi dire , à travers les empires
, fans jamais fe repofer ; il renverfe les ouvrages
de la fageffe, tantôt d’üne manière infen-
fible, tantôt d’une manière éclatante : malheur aux
chefs des nations, qui négligent de fuivre fes pas
Sc de réparer à l’inftant fes ravages; car il arrive
une époque où toute leur puiffance vient fe brifer
contre la fienne. Ils doivent fur-tout avoir fans cefîe
l’oeil ouvert fur les corps & fur toutes les affo-
ciations particulières ; c’eft au centre des compagnies
les plus légales que Y abus fe réfugié Sc devient
redoutable ; c’eft-là qu’il agit avec toutes fes forces,
Sc qu’il trouve des hommes toujours difpofés
à féconder fes attentats, fous les prétextes les plus
fpécieux Sc les plus impofans.
Réformer les abus , les corriger, les prévenir 9
voilà le droit Sc le devoir du fouverain: devoir
effentiel, qu’il s’eft engagé d’accomplir envers fes
fujets ; devoir qui l’intérefie perfonnellement, puif-
que la fureté & la gloire de fon trône en dépendent.
Nous entendons chaque jour le peuple, les ma-
giftrats, les miniftres, le plaindre des abus Sc en
aefirer la réforme.
On fent bien qu’à plufieurs égards l’état actuel
des chofes eft vicieux; mais pour réformer un grand
empire, il faudroit fe livrer à des méditations profondes
, calculer les effets que produit l’ordre actuel
des chofes, avec ceux qu’occafionneroit une
réforme. Ce travail accable l’imagination; fa longueur
Sc fes difficultés épouvantent; on cède à
Pattrait de la fortune & desplaifirs; on y confume
le tems que laiffe l’expédition des affaires journalières
3 & qu’on devroit employer à approfondir