
en quelque manière que le cas fou arrivé ; mais
alors les cours fouveraines ont le droit de faire
des remontrances, après lefquélles les lettres d’ato-
lition doivent être entérinées, fi le roi perfide dans
la même volonté ; c’eft ce qui réfulte de la difpo-
fition du tit. 16 de l’ordonnance de 1670, & de
la déclaration du 12 novembre 1693. Nous avons
dit plus haut que les lettres Sabolitiott laiffoient
fubfifter la note d’infamie fur celui qui les obte-
noit ; mais il faut a cet égard diflingùer le" tems
ou elles ont ete obtenues 1 fi elles font accordées
avant le jugement du procès, elles ne laiffent fub-
fifler fur le coupable aucune note d’infàmie, parce
que le juge ayant, par l’entérinement des lettres, les
mains liées, & ne pouvant plus juger le cririte ,
il ne réfulte aucune infamie , que l’on n’encourt
que par la fentence : mais lorfqu’elles ne font accordées
qu’àprès la fentence , le coupable qui a été
jugé, refie infâme, parce que les lettresSahoMon
ne font remife que de la peine, ce qui eft conforme
à la loi 7 , C. de fent. pajf. & rejlit. Dans le
cas meme ou les lettres d’abolition contiendroient
la remife de 1 infamie, cela ne pourroit procurer
auvre chofe en faveur de celui qui obtïendroit
cette grâce, qu’une aéfion pour pourfuivre celui
qui lui reprocheroit fon crime. C ’eft l’avis de
Ferrieres & de M. d’Agueffeau.
^ Les lettres d’abolition font perfonnelles, & ne
s etendent pas aux complices : mais elles ne portent
aucun préjudice a la partie civile ; l’impétrant de
lettres d'abolition eft même tenu de la faire affigner,
pour que les lettres foient entérinées avec e lle,
autrement elles feroient regardées comme clandef-
tines & frauduleufes, , ainfi que l’a jugé le parlement
de Grenoble en 1631.
Le feigneur haut-jufticier ne peut s’oppofer à
1 entérinement des lettres d'abolition , obtenues
même après le jugement définitif , par lequel la
confifcation auroit été prononcée, parce que le
ro i, en fe dépouillant de la haute-juftice en faveur
des feigneurs, s’eft réfervé , comme un droit infé-
parable de fa couronne , celui de faire grâce & d’abolir
les crimes; la feule chofe qu’on accorde au
feigneur, c’eft un dédommagement pour les frais
de linftruélion criminelle , & ces frais doivent être
payes avant 1 elargiffement de l’impétrant, ainft
que les dommages & intérêts de la partie civile.
Nous tenons pour maxime certaine, que le roi
feul peut donner des lettres d'abolition de crime ;
les princes apanagiftes, quoiqu’ils jouiffent, dans
leurs apanages, de plufieurs droits de la fôuvcrai-
neté , ne peuvent exercer celui d’accorder des
lettres de grâce. Plufteurs évêques jouiftbient autrefois
de ce droit, le jour qu’ils prenoient poffeflion de
leur eveche ; on l’accordoit aufti quelquefois aux
gouverneurs de province, lorfqu’ils prenoient pof-
™ cle leurs gouvernemens : mais cet ufage ne
fubftfte plus, & il a été réformé à caufe des abus
qui en refultoient. Noifs ne connoiflons plus que
l'évêque' d’Orléans, dont le privilège à cet égard a
ete reltraint par les edits de 1753 & 1758 ; & les
chapitres de Rouen & de Vendôme , qui accordent
encore des lettres d'abolition de crime. Nous
en parlerons fous les mots, Orléans , Rouen ,
V endôme.
Les doéleurs ultramontains, qui confondent
toujours le pouvoir réel du pape fur le fpirituel,
avec le pouvoir imaginaire qu’ils lui attribuent
fur le temporel, ont prétendu qu’il pouvoir accorder*
des lettres d'abolition de crimes dans tout le
monde chrétien. C ’eft étendre bien loin le pouvoir
des clefs, heureufement il eft balancé par le pouvoir
de la raifon, c’eft-à-dire , , des privilèges &
des libertés de leglifè gallicane. Si Fon. vouloit
laiffer au pape quelques droits à cet égard, ce
feroit tout au plus celui d’accorder des difpenfes, à
1 effet de pofleder un bénéfice, à un eccléfiaftique
qui auroit obtenu du roi des lettres d7abolition ,
parce que, comme ces lettres le rendent feulement
à la vie civile, qu’il auroit perdujpar fa condamnation
, elles ne lui redonnent pas la capacité de
remplir les fonctions de fon mmiftère..
ABONDANCE, f. f. ( Droit public & civil. ) les
êtymologiftes font dériver ce terme d|s deux mots
latins ,ab & unda, & ils le tirent par métaphore, comme
celui d’affluence, de la comparaifon aux fleuves,
qui regorgent d’eau après les pluies & les fontes
de neiges. -
Ce mot fignifie une grande quantité, & il;s’emploie
particuliérement en parlant des choies nécefi
faires a la vie. Il y a abondance toutes lès
lois que les denrées & les matières premières
furpaffent les befoins des confommateurs ; fi elle
eft portée à l’excès, elle ruine également l’agriculture
& les propriétaires.
Les loix romaines avoient établi des magiftrats
pour maintenir ou rappeller Xabondance : elles re-
commandoient fur-tout qu’il n’y eût point d’exactions
& de monopoles.,, point d’achats finis paiement,
point de gains & de pertes illicites, point
d’empêchemens à l’exercice du commerce & des
métiers honnêtes, & que les puiffans &]es riches
n’infultaffent pas aux pauvres, & n’abufaffent pas
de leur foibleffe.
Nos loix françoifés ont beaucoup varié fur les
moyens d’entretenir ou de rappeller X abondancer
nous les expoferons au mot Grains. Mais on peut
dire que le plus sur moyen pour remplir cet important
objet, eft de perfectionner l’agriculture ,
de la protéger , de l’honorer,. & d’engager les ha-
bitans de la campagne à multiplier les beftiaux.
A bondance des richeffes 6» des commodités de
la vie. C ’eft le partage d’un petit nombre de particuliers
privilégiés , que l’on regarde avec envie ,
mais dont on cefferoit fouvent d’ambitionner le
fort, fi l ’on pouvoir favoir à quel prix ou par quels
moyens ils ont acquis cette abondance qui fait l’objet
de nos defirs, & par combien de peines , de foins,
de follicitudes & . fouvent de remords , ils font
parvenus à cet état, dont ils ne peuvent fentir
eux-mêmes les avantages, s’ils ri’eii profitent pas
pour exercer la bienfaisance. _
L’abondance des particuliers n’eft point 1 objet ae
cet article, où il ne s’agit que de celle qui fait la
richeffe des états & le bonheur umverfel des
citoyens. , 1 , , , , .
Une paix durable dans un état police, ou la loi
facrée des propriétés eft maintenue dans fa plus
grande vigueur, pourroit être regardee^ comme la
caufe première de l’abondance & de la félicite publique ,
puifqu’une guerre inteftine de quelques années
fuflit pour entraîner après elle les fléaux de la famine
& de la pefte, avec la défolation univerfelle & la
deftru&ion entière du corps politique. L’état a&uel
de la Pologne, l’un des pays le plus abondant & le
plus fertile de l’Europe, fuflit pour la confirmation
de cette trifte vérité. Mais fi la paix procure Xabondance
, ce n’eft qu’autant qu’elle met les hommes en
état de s’occuper fans relâche des travaux de la terre,
dont les fruits renaiflàns fourniffent à leurs befoins
journaliers comme à leurs commodités & meme a
leurs plaifirs , tandis que l’éducation des beftiaux qui
eft une fuite & une dépendance de cette occupation
tranquille, procure au peuple agricole des richeffes
d’un autre genre, que l’induftrie fait mettre en valeur
pour fatisfaire la multiplicité de nos goûts.
Ainft les deux fources uniques de Xabondance
générale roulent fur deux points fondamentaux ,
que les hommes ne doivent jamais perdre de vue :
Y agriculture & toutes fes branches d’une part , &
de l’autre , la nourriture des bejliaux. Delà découlent
les jouiffances des citoyens confommateurs ,
l ’augmentation de la population , la gloire & la
puiffance de l’état, & même le progrès des arts
& des fciences. En effet, l’efprit humain tranquille
& raffuré fur les moyens de fe procurer le nécef-
faire, comme le fuperflu ( fuivant les conditions où
les hommes fe trouvent ) dans un état où la terre le
produit, cherche à multiplier fes jouiffances par l’invention
des arts , & à fatisfaire par l’étude & la culture
des hautes fciences la curioftté qui le dévore &
le confume. La félicité publique s’augmente en raifon
des efforts que font tous les membres de la fociété
pour concourir au même but, & participer à cette
abondance de l’état qui fait le fruit du travail. C’eft
alors que le luxe de confommation devient véritablement
utile, & contribue à entretenir la joie & la
fanté parmi les hommes , à la différence de ce luxe
deftni&eur qui ne confifte que dans une fomptuoftté
d’apparence, dont le but eft d’avilir l’agriculture
en dévorant fa fubftance en pure perte.
Lifez FadmirableEJfai de M. Melon , fur le Commerce:
dans fa fuppofition de trois ifles feules fur la
terre, celle qui ne produit que des métaux & des
richeffes de convention , feroit bientôt abandonnée
pour aller peupler Fille du bled, où F abondance &
le fuperflu deviennent la fuite néceffaire des récoltes
annuelles, fur-tout fi Fon fait y mettre le fuperflu
en rèférve, comme à la Chine , pour prévenir les-
difettes.
On diftiiigue dans FEfprit des lo ix, les peuples
chaffeurs , comme les fauvages de l’Amérique : les
peuples pafieurs , comme les Tartares, les Arabes ;
& les peuples agricoles. Les premiers ne peuvent
jamais être dans F abondance , & la population y
eft néceffairement reftreinte au plus petit nombre
poflible, eu égard à la vafte étendue de terrein qu’il
faut parcourir pour fe procurer la fubfiftance. En
effet, les progreflions de la population fui vent néceffairement
les moyens delubfifter ; & les peuples
qui ne font point agricoles, ne peuvent jamais former
une grande nàtion. S’ils font pafteurs , ils ont
befoin d’un grand pays, pour qu’ils puiffent fubfifter
en certain nombre : ils peuvent fe réunir pour quelque
tems, comme les Tartares de l’Afie, parce que
leurs troupeaux peuvent être raflemblés quelque
tems; mais toutes ces hordes étant réunies, il faut
qu’elles fe féparent bientôt, ou qu’elles aillent faire
de grandes conquêtes dans quelque empire du midi.
Si ce font, au contraire, despeuples chaffeurs, comme
les fauvages de l’Amérique, ils font encore en plus
petit nombre, & forment, pour vivre, une plus petite
nation. La chaffe & la pêche ne peuvent fumre à tous
leurs befoins ; ils ne peuvent acquérir l’objet de
leur recherche qu’avec des peines & des foins im-
menfes, & qu’en parcourant de vaftes folitudespour
les dépeupler des animaux dont ils fe nourriffent :
aufli les peuples chaffeurs font néceffairement fauvages
, nomades, errans, ignorant tous les arts, &
réduits à la plus petite population. Leur pays eft
ordinairement plein de forêts ; & comme les hommes
n’y ont point donné de cours aux eaux , il eft rempli
de marécages où chaque troupe fe cantonne & forme
de loin en loin une petite nation fauvage.
Quand les nations ne cultivent pas les terres, dit
l’auteur de XEfprit des Loix, voici dans quelle proportion
le nombre des hommes s’y trouve. Comme
le produit d’un terrein inculte eft au produit d’un
terrein cultivé, de même le nombre des fauvages
dans un pays eft au nombre des laboureurs dans un
autre ; & quand le peuple qui cïîltivejes terres, c u l tive
aufli les arts , le nombre desTauvages eft au
nombre de ce peuple , en raifon compofée du nombre
des fauvages à celui des laboureurs, & du nombre
des laboureurs à celui des hommes qui cultivent les
arts.L
a population , cette force des empires, fuit donc
néceflairement les moyens de fubfifter ; plus ces
moyens font faciles & fûrs , plus la population augmente
: au contraire , plus ces moyens diminuent,
plus la population fe rétrécit. L’abondance influe donc
néceffairement fur la population; mais il n’appartient
qu’aux péuples agricoles d’être dans Xabondance
de toutes chofes, fur-tout fi à la culture de la terre ils
joignent le foin & la nourriture des beftiaux, dont
lès profits continuels & journaliers s’accumulent
avec le produit annuel des récoltes.
La fertilité ayant des bornes , & les fruits de la
terre étant périffables, Xabondance des chofes nécef-
faires à la vie eft néceffairement reftreinte 6c peu
D 2