
qui puiffe les accorder en difpenfaftt du droit ancien.
V byè^ COMMENDE , BÉNÉFICE , &C.
Comme l’hiftoire d’Angleterre parlé très-peu de
ces abbés commendataires, il eft probable qu’ils n’y
furent jamais communs : ce qui a donné lieu à quelques
auteurs de cette nation de fe méprendre ; en
prenant tous les abbés pour des moines. Nous en
avons un exemple remarquable dans la difpute touchant
l’inventeur des lignes , pour transformer les
figures géométriques , appellées par les François les
lignes robervaüiennes. Le doâeur Gregory, dans les
Tranfaâions philofophiques , année 1694 , tourne
en ridicule Y abbé Gallois, abbé commendataire de
l’abbaye de S. Martin de Cores ; & le prenant pour
un moine : « le bon père dit-il, s’imagine que
»> nous fommes revenus à ces temps fabuleux, où
il étoit permis à un moine de dire ce qu’il vou-
» loit n.
L'abbé relève cette méprife , & rétorque avec
avantage îa raillerie fur le doâeiir, dans les Mémoires
de l’académie, année 1703.
La cérémonie par laquelle on établit un abbé ,
fe nomme proprement bénédïElion, & quelquefois ,
quoiqu’abufivement, confécration. Voye{ Bénédiction
& C onsécration.
Cette cérémonie confiftoit anciennement à revêtir
Y abbé de l’habit appellé cucula, coulle, en. lui mettant
le bâton paftoral dans la main, & lesfouliers,
appellés pédales (fandales), à fes pieds. Nous apprenons
ces particularités de l’ordre romain de
Théodore, archevêque de Cantorbéry. H & G.
Nous allons maintenant entrer dans quelques détails
fur ce qui concerne les abbés réguliers & les
- abbés commendataires, félon la jurifprudence a&uelle.
Des abbés réguliers. Pour qu’un religieux puiffe
'être éligible, lorfque l’abbaye eft vacante , il faut
i° . qu’il foit âgé au moins de 25 ans , & qu’il
foit François.
a0. Il doit avoir fait profeflion dans l’ordre
où l’on doit élire un abbé, à moins que l’ufage
n’autorife le" contraire, ou qu’il n’y ait dans le
monaftère aucun fujet capable : ft cela étoit ainfi ,
on pourroit avoir recours aux religieux d’un autre
monaftère/, mais de la même règle.
3 °. Quoiqu’il ne foit dit expreffément par aucun
canon qu’il faille avoir la prêtriie pour être éligible ,
cependant quelques-uns ont prétendu que la prê-
trife étoit abfolument néceffaire aux religieux qu’on
vouloir élever à la dignité dû abbé : ranorme &
Barbofa ont embraffé ce fentiment. D ’autres ont
cru qu’il fuffifoit d’être conftitué dans les premiers
ordres facrés. Au rèfte, il eft peu de monaftères
où les ftatuts ne terminent,,par leurs difpofttions, le
■ différend à cet égard. .
40. Pour être éligible, il faut être né d’un légitime
mariage ; ou li l’on eft bâtard, avoir obtenu
la, difpenfe néceffaire à cet égard. Les papes avoient
Accordé aux fupérieurs. de différens ordres , le
pouvoir de difpenfer leurs religieux du défaut de
awffance pour être/ élevés aux dignités régulières ;
maïs Sixte V révoqua ces privilèges : Grégoire-
XIV les a rétablis fous quelques modifications,
c’eft-à-direqu’au lieu d’en donner l’exercice à
chaque fupérieur indiftin&ement-, il ne l’a accordé
qu’aux chapitres généraux & provinciaux. .
y°. Celui qui eft irrégulier , infâme ou indigne y
ne doit point être élu.
6°. L’éle&ion d’un ‘ abbé doit être faite fuivant
les ftatùts, réglemens & ufages de chaque ordres
& même de chaque monaftère : ainfi, quoique,
par le droit commun, l’éledion de Y abbé générai
appartienne à toute la congrégation, -& celle des
abbés particuliers aux religieux de chaque monaftère ,
cependant fi la règle, la coutume ou l’ufàge ont
des difpofitions contraires , on doit s’y conformer.
U abbé qui a été élu doit, après avoir confenti à
fon éleéfiori, la faire confirmer dans les trois mois.
Régulièrement c’eft à l’évêque qu’appartient le
droit de confirmation ;, mais fi le monaftère eft
exempt, c’eft au pape. .
Pie IV avoit ftatué par une conftitution qu’aucun
abbé, prélat ou autre dignitaire d’un ordre monaf-
tique, ne pourroit s’immifcernans l’admimftratioiï
fpirituelle ou temporelle avant d’avoir été confirmés
par le faint liège 3 & d’avoir reçu des bulles^
fur leur confirmation ; mais dans la fuite différens
ordres ont obtenu de la cour de Rome des privilèges
qui, en les exemptant de la jurifdi&ion des
ordinaires, attribuent aux religieux le pouvoir de.
faire ce que' les canoniftes appellent des prélats
locaux ; c’eft-à-dire , des généraux, des provinciaux
qui ont dans l’ordre une autorité abfolue &
indépendante : „ c’eft pourquoi îa plupart des abbés-
reçoivent de ces généraux leur confirmation ; mais,
ceux-ci la reçoivent eux-mêmes du pape, quand
ils n’en font pas difpenfés par un privilège particulier
qui donne à leur éleftion une confirmation:
fuffifante.,.comme.cela a été accordé à l’ordre de
Cîteaux par Eugène I V , aux' frères mineurs, aux:
minimes , &c. .
Les abbés élus & confirmés doivent recevoir la
bénédîéliop- de leur propre évêque ; cependant
quelques-uns ont le privilège de la recevoir d’un,
autre prélat. Tamburin dit que les abbés de l’ordre
de Vallpmbreufe peuvent être bénis par quelque
prélat que ce foit ; & cet auteur ajoute que Jean,
abbé de Cîteaux, obtint du pape le. privilège de
pouvoir bénir lui-même lesabbés & lesàbbeffes de
fon ordre. Au refte les abbés doivent régulièrement
être bénis par ceux qui les confirment.
Il n’y a point de temps fixé par les canons pour
demander ou recevoir cette bénédiélion , qui d’ailleurs
n’ajoute rien au caraélère de Y abbé : on ne la
regarde même pas comme néceffaire pour qu’il
puiffe bénir les moines qu’il a fous fa jurifdiftion ;
mais dans l’ufage il ne pourroit , fans être béni
conférer des ordres , ni faire d’autres fondions,
fpiritueîles de cette efpèce : au. furplus, fi un abbé
déjà béni eft transféré ou promu à une autre ab^
baye, la béaédi&ion ne fe réitère point,.
Les provîfions du pape tiennent lieu de confirmation
à l’égard des. abbés qui font à la nomination
du roi : il leur fuffit de faire fulminer leurs bulles
parl’ofticial. . ,
Les abbés font placés par les canoniftes, immédiatement
après les évêques, & comme ceux-ci,
on les Comprend fous le nom de prélats.
. Plufieurs abbés o n t, par grâce du faint fiège, le
droit de porter, comme les eyeques, la mitre & ,
le bâton paftoral, & dç bénir folemnellement,
mais dans leurs propres églifes feulement, après :
les vêpres , la meffe & les matines, & non dans :
les rues ni places publiques , à moins qu’ils n’en
aient un privilège particulier. Ils ne peuvent d’ailleurs
donner cette bénédi&ion en préfence d’un
évêque oû autre prélat fupérieur , fans une per-
miflion expreffe, du pape.
Il y a des abbés auxquels les papes ont accordé
le privilège de porter les habits diftindifs des évêques,
comme le rochet , lecamail, enconfervant
la couleur des* habits de leur ordre. . .
Les abbés qui jouiffent de ces différens privilèges
ont la préféance fur ceux qui n’en jouiffent pas ;
mais régulièrement ils n’en peuvent ufer hors de
leurs monaftères qu’avec la permiflion des évêques.
Il faut aux abbés un privilège fpécial pour ufer
du baldaquin : d’ailleurs ils ne peuvent avoir, comme
les évêques, un fiège élevé près de 1 autel ; cela
ne leur eft permis qu’aux trois ou quatre fetes de
l’année où ils officient folemnellement.
Certains abbés ont le droit, comme les évêques ,
de bénir les ornemens de leurs églifes, de confa-
crer même les autels & les vafes qui fervent au
fervice divin; mais il leur faut pour cet effet un
privilège, particulier.
Les abbés exempts, auxquels les papes ont accordé
les, droits dont on vient de parler, confé-
roient autrefois communément les moindres ordres,
non-feulement à leurs religieux , mais encore à
ceux fur qui ils avoient le droit de jurifdiâion
eccléfiaftique ;^mais cela a été défendu ou reftreint
par le concile de Trente.
Les abbés réguliers ont droit de vifite dans les
monaftères qui leur font fournis, & voix prépondérante
dans les chapitres. Ces abbés ont d’ailleurs,
félon les canoniftes , trois fortes de puiffances,
l’économique, celle d’ordre, .& celle de jurifdiâion,
qu’ils exercent avec plus ou moins d’étendue. La
première confifte dans l’adminiftration du temporel
du monaftère : la fécondé , à ordonner le fervice
divin, recevoir les religieux à profeflion , leur
donner la tonfure, & quelquefois à conférer les
bénéfices qui font à la collation du monaftere : la
troifièmé, dans le droit de corriger les religieux ,
de prononcer contre eux des cenfures , les en
abfoudre & les condamner aux peinés établies par
les règles de leur ordre & par les canons, fuivant
l’exigence, des cas.
Mais il faut remarquer qu’aucune loi n’autorife
les emprifonnemens op détentions autrefois en
ufâge dans les cloîtres , lorfque les abbés réguliers
exerçoient fur les moines une forte de pouvoir
defpotique ;on tient aujourd’hui pour maxime que
le gouvernement des fupérieurs religieux doit
s’exercer par les voies de la douceur & de l’exhortation
, & que celles de rigueur & de contrainte
en doivent être bannies, autant qu’il eft poffible. Au
furplus , lorfque Y abbé, dans l’exercice de la puif-
fance de jurifdiâion,. a condamné un religieux à
quelque peine, celui-ci peut interjetter appel de la
Sentence de fon fupérieur; cet appel fe porte de
degré en degré jufqu’au général -de l’ordre, & delà
au faint fiège, qui conformément aux libertés de
l’églife gallicane & aux privilèges du royaume ,
doit > nommer des commiffaires françois pour les
juger. # _
Ces fortes de jugemens font aufli fufceptibles
de l’appel comme d’abus quand il y a lieu. G. eft
ce que le parlement de Paris a jugé par arrêt du,
22 août 1760 , rendu en faveur du père le Moine
contre Y abbé général de l’ordre de Prémontré.
On doit conclure de cet arrêt -, que lorfqu un
fupérieur régulier a une jurifdiâion fuffifante pour
prononcer des peines graves ou infamantes, comme
celles dont il s’agiffoit dans l’affaire du frère le
Moine, il ne peut, fans donner ouverture à l’appel
comme d’abus , fe difpenfer d’obferver les formes
preferites par les ordonnances, & auxquelles tous
lès tribunaux du royaume font aflùjettis dans l’inf-^
truâion des procès criminels.
Le même arrêt prouve encore que les religieux
font en droit de fe plaindre aux cours par la même
voie d’appel comme. d’abus, contre les fupérieurs
qui abulent de leur autorité.
En général, la nomination ou préfentation aux
bénéfices dépendans d’une abbaye, ne peut être
faite par Y abbé régulier fans le concours des religieux
affemblés capitulairement, à moins que Y abbé _
n’ait pour cela un privilège, ou qu’il n’en ait
acquis le droit par une prescription légitime.
Les abbés religieux ne peuvent pas non plus
admettre ou exclure feuls ceux qui fe préfentent
à la profeflion folemnelie.
Lorfque la menfe de Y abbé eft feparée de celle
des religieux, l’aflignation donnée à Y abbé feul ,
& les procédures faites contre lui ne peuvent faire
de préjudice aux religieux; mais lorfque les menfes
ne font point féparées ,. Yabbé étant chargé de défendre
les droits temporels 'de fà communauté ,
il peut être afligné feul pour lui & pour fes
religieux. f .
L’article 5 de l’ordonnance d’Orléans aflùjettit
les abbés réguliers à la réfidence comme les curés
Sl les évêques , à peine de faifie de leur temporel. •
L’abbé régulier peut être privé de l’adminiftra-
tion du temporel de l’abbaye pour des caufes
graves .& juftes , comme quand il y a preuve de
diflipation & qu’il ruine fabbaye. C’eft une difpofi-
tion des décrétales, & la jurifprudence des atrêts
[ y eft conforme»