
.privilège de la loi Æde ; alors la convention doit
s’exécuter fans difficulté.
Suivant Dumoulin, fur l’ancienne coutume de
Paris, un bourgeois a non-feulement le droit d’ufer
du privilège de la loi Æde pour fe loger, il peut
encore l’employer pour loger fes enfans ; mais l’opinion
de Dumoulin a été rejettée par la jurifpru-
dencé du parlement, à moins que le propriétaire
ne déclare vouloir occuper la maifon, tant par lui-
même que par fes enfans ; c’efl l’efpèce d’un arrêt
rendu le 24 mars 1766, rapporté dans la collection
de jurifprudence. Le père qui vouloit ex-
pulfer le locataire de fa maifon, pour y loger fes
enfans, en occupoit déjà lui-même une partie, qu’il
s’étoit réfervée par le bail, & il fut tenu d’affirmer
qu’il entendoit occuper les lieux tant par lui que
par fa femme & fes enfans.
Lorfque le propriétaire a renoncé au droit que
la loi lui attribue, de pouvoir occuper fa maifon ;
s’il vient à en avoir befoin durant Xt.bail, cette convention
doit s’exécuter : la raifon en efl que toute
perfonne peut déroger aux loix qui ne concernent
que fon intérêt particulier.
Au furplus, il faut que la renonciation ^foit ex-
tjreffe j 'car la promeffe que le bailleur auroit faite
de ne poinriçontrçvenir aux obligations du bail, &
de faire jouir le preneur durant tout le temps convenu
, ne pourroit pas tenir lieu de_la_renonciation
dont il s’agit.
Il faut auffi* pour que la renonciation ait fon
effet , qu’elle ait été faite par le propriétaire lui-
même, ou en vertu de fa procuration fpéciale. S’il
avoit fimplement donné pouvoir à fon procureur
de louer au prix & aux conditions qu’il jugetoit à
propos, cela ne fuffiroit pas pour autorifer ce procureur
à renoncfer au privilège accordé au propriétaire
par la loi Æde. La raifon en efl que ce pouvoir
de louer aux conditions que le procureur fondé
juge à propos, ne doit s’étendre qu’aux conventions
qui font ordinaires dans les baux.
Au refie, le privilège qui dérive de la loi Æde,
ne s’applique qu’aux maiions deflinées à être habitées
, & nullement aux métairies ni aux terres.
Àinfi un propriétaire qui a loué fa métairie, ne
pourroit pas , quand il feroit laboureur, donner
congé à fon fermier avant l’expiration du bail,
fous prétexte qu’il en a befoin, & qu’il veut cultiver
fes terres jui-même : cette jurifprudence efl
certaine & appuyée fur différens arrêts.
Il faut néanmoins pbferver que s’il dépendoit
d’une maifon un petit morceau de terre labourable,
.qui ne fût que d’une légère confédération, relativement
à cette maifon, cela, ne la feroit pas paffer
your une métairie, 8ç n’empêcheroit pas qu’on ne
la regardât comme une maifon deflinée à être habitée,
& par çonféquent fufceptible de l’exercice
du privilège de la loi Ædc ; c’efl l’avis de Pothier.
Lorfque les fermiers-généraux font locataires de
maifons où les bureaux font établis, pour I3 perception
des droits du roi f on ne peut les faire
fortir, fous prétexte que les baux en font expirés ;
ils peuvent y refier malgré le propriétaire ,, qui ne
peut pas même ufer du privilège qu’ont les bourgeois
d’occuper en perfonne ; & fi le propriétaire
veut augmenter le lo yer, il doit fe pourvoir au
confeil.
Cette jurifprudence efl confirmée par plufieurs
arrêts du confeil, & elle efl conforme aux claufes
inférées dans plufieurs baux des fermes générales.
Se c t i o n - XI I I .
Des droits & des obligations du preneur, vis-à-vis.
■ les héritiers & fuccejfeurs du bailleur.
Il efl certain que celui qui fuccède, à titre fin-,
gulier, à un héritage, n’eft pas lié par le bail que
le propriétaire a pu faire de cet héritage. On ne
fait même à cet égard aucune diflinélion entre le
titre lucratif ou le titre onéreux. Ainfi l’acquéreur,
par contrat de vente'ou d’échange, le donataire,
le légataire peuvent également contraindre un locataire
à réfigner fon bail. C ’efl une difpofition de
plufieurs coutumes , fondée fur la décifion de la loi
emptorem c. de locat.
Mais il efl bon d’obferver que ce privilège n’a
été introduit qu’en faveur de l’acquéreur, & qu’il ne
doit pas s’étendre à la perfonne du locataire, qui
refie toujours obligé à l’exécution du bail envers
le nouveau propriétaire, de la même manière qu’il
-y^étoit engagé envers le bailleur.
Dans le cas où la réfiliation a lieu, le preneur
doit être indemnifé, ou par celui dont il tient 1©
bail, ou par celui qui le repréfente.
•Il efl indemnifé par le bailleur, fi, celui-ci, dans
la vente qu’il a faite de l’héritage affermé, n’a chargé
en aucune manière le nouvel acquéreur de l’entretien
du bail; mais fi ce dernier en a été chargé par
une claufe expreffe, ou par une claufe fous-enten-
due, comme dans les acquifitions qu’on fait du
fifc, l’indemnité due au preneur doit lui être payée
par l’acquéreifri
Il en feroit de même fi la claufe, par laquelle
on auroit flipulé»que 1 acquéreur feroit tenu d’entretenir
le bail, portoit l’alternative, fi mieux il
n’aime s’arranger pour les dommages & intérêts,
ou qu’il fut dit qu’il feroit tenu d’acquitter le vendeur
des dommages & intérêts, réfultans de l’inexécution
du bail.
Lorfque le fucceffeur, à titre fingulier, veut
exercer fon privilège, il doit fignifier au locataire
ou fermier la copie de fon contrat d’acquifition, &
fixer à celui-ci un délai convenable, pour laiffer
libre la maifon où les terres louées. Ce délai ne
court que du jour de la fignification, & doit être
le même que celui que nous avons dit qu’on ac-
cordoit, lorfqu’il n’y en avoit point de fixé par la
convention.
Si le fucceffeur à titre fingulier, qui n’a pas été
chargé d’entretenir le bail, laiffe jouir le locataire
pendant une ou deux années, & reçoit, fans prpteffation
ou réferve, les loyers ou fermages, fèrà-
t-on fondé à en inférer qu’il a confenti l’exécution
du bail pour le temps qui refie à écouler ? Pothier
fOutient la négative, & il appuie fa décifion d’un
arrêt du 21 juillet 1711, rapporté au journal des
audiences. Mais je ne crois pas qu’on doive fuivre
fon fentiment y l’arrêt qu’il rapporte .a été rendu
dans des circoriflânces particulières, & d’ailleurs la
loi- emptorem qui accordç au nouvel acquéreur à
titre fingulier j le droit d’expulfer le fermier ou
locataire, n’exige pas, pour l’obliger à l’entretien
du bail, qu’il ait exprefiement déclaré qu’il en con—
fent l’exécution , il fuffit qu’il paroiffe y avoir confenti
, par quelque convention même tacite. O r ,
lorfque, fans réferve ni proteflation, l’acquéreur a une
fois reçu le paiement des loyers, tels qu’ils ont
été fixés dans le bail, paffé par le vendeur, on '
doit en conclure qu’il l’a tacitement approuvé, puisqu'il
s’efl conformé à ce qui s’y -trouve flipulé.
Celui qui efl appellé à une fubflitution, efl-il tenu j
d’entfetenir les baux faits par le grevé de fubflitution
? Pothier penfe que non, & fort fentiment
paroît être fuivi par la jurifprudence du grand-con-
feil. On juge le contraire au parlement de Paris,
& jè crois que cette jurifprudence devroit être ad-
mife univerfellement. Dans l’exaéle rigueur du droit,
le grevé de fubflitution n’efl que l’ufufruitier des
biens fubftitués, dont la propriété appartient à ceux
qui font appellés à en recueillir le fruit : mais on
peut auffi le regarder comme un véritable proprié- -
taire, auquel on a interdit la puiffance d’aliéner j
& à cet égard il doit jouir de l’adminiflration des
revenus, de la même manière qu’un mari, par
exemple, jouit des biens de fa femme. O r , comme
la femme ou fes héritiers font tenus d’entretenir
les baux faits par le mari, on peut en dire de même
de ceux faits par le grevé de fubflitution. D’ailleurs
il efl de l’intérêt public que les biens puifî'enf
produire tout ce qu’il efl poffible de leur faire rapporter,
& fous ce point de vue, l’on doit accorder
aux grèves de fubflitution le pouvoir de paffer des
baux, pour l’efpace de temps ordinaire, afin que
les fermiers, ne craignant pas d’être interrompus
dans leurs jouiffances', puiffent s’occuper de l’amélioration
des héritages.
On trouve dans Fontanon, & dans le fécond
volume des anciens mémoires du clergé, une ordonnance
du 7 feptembre 1568, qui veut que toutes
les fermes des bénéfices expirent par la démiffion,
réfignation, ou trépas des bénéficiers. Mais Cette
ordonnance n’a jamais eu d’exécution , & il efl certain
que le fucceffeur à un bénéfice , l'oit par réfignation
, foit par permutation, efl obligé d’entre-,
tfenir les baux faits par fon prédéceffeur : mais il
n’en efl pas de même dans le cas de décès. Foyer
ci-après la fetf. 14.
L économe, établi pour la perception des revenus
des bénéfices confifforiaux , pendant leur vacance,
ne peut pas non plus expulfer les fermiers.
L acquifition d’un ufufruit donne le privilège de j
fucceffeur à titre fingulier, mais un bail à vie ne
confère pas le même droit. C ’efl ce qui a été jugé
au parlement de Paris, par arrêts des 14 juin 1714 ,
8c 19 mai 1767. •
La femme, après la diffolution du mariage, efl
obligée d’entretenir les baux de fes biens, faits par
fon mari. Il en efl de même d’un débiteur qui
auroit laiffé l’adminiflration de fes biens à fes créanciers.
Il ne pourroit prétendre la réfiliation des baux
qu’ils auroient fait. La raifon, dans l’une & dans
; l’autre efpèce, efl parce queia femme ou le débiteur
font cenfés avoir paffé eux-mêmes les baux dont
efl queflion, par le miniflère du mari, ou des
créanciers.
S e c t i o n XI V .
De différentes caufes qui peuvent opérer la réfolution
des baux.
Il y â différens cas où un bail fe réfout de plein
droit, avant l’expiration du temps.
i° . Le bail fe réfout, fans le confentement des
parties, lorfque, par quelque force majeure, la chofe
louée ceffe d’exifter. Tel feroit le cas où un fleuve
ayant changé de li t , auroit établi fon cours fur les
terres louées: il en feroit de même,fi un tremblement
de terre , un incendie avoient détruit la maifon
louée.
20. Le bail fe réfout auffi avant le temps fixé
lorfque le preneur efl devenu propriétaire , ou ufu-
fruitier des biens qu’il tenoit à loyer ; il eff clair
qu’on ne fauroit être locataire des chofes dont
on a la propriété ou l’ufufruit. Ainfi , dans l’hypo-
thèfe où un propriétaire auroit légué à fon fermier
l’ufufruit de la métairie louée, celui-ci ne devroit
aucun fermage pour les récoltes poflérieures
a fa demande en délivrance du legs , parce qu’il
ne les auroit faites que comme ufufruitier , & non
en qualiié de fermier.
~ 3°* Si le bailleur n’âvoit qu’un droit réfoluble
fur les biens loués ,8c que, fans fon fait, la réfolution
de ce droit vînt à avoir lieu > la réfiliation
du bail feroit en ecnféquence néceffaire. C’éfl
pourquoi , lorfqu’un Ufufruitier ou un bénéficier
décèdent durant le cours du bail des biens qu’ils
ont loués en leur qualité, ce bail fe trouve réfolu
de plein droit.
Cette réfolution de bail, par la mort de l’ufu*
fruitier ou du bénéficier, ne donne aucun droit au
preneur, pour obtenir un dédommagement contre
les héritiers du défunt , lorfqu’il a contrarié en fa
qualité d’ufufruitier ou de bénéficier. La raifon en
efl que le preneur ayant connu la qualité du bailleur
, il n’a pu ignorer que ce bailleur ne pouvoit
accorder, que pour le temps de fa v ie , la jouiffance
des biens loués : il e f l , par çonféquent, cenfé avoir
voulu courir les rifqueS de la réfiliation.
Il en feroit différemment , fi l’ufufruitier ou le
bénéficier avoit caché fa qualité, & qu’il1 eût loué
les biens comme, s’il en eût eu la propriété. Il fau*