
.des baux, parce que, fuivant les difpofitions du
droit civil & du droit canon , il faut, dans les chofes
qui touchent une communauté, avoir le confen-
tement des membres. Mais fi l'abbejje fait un mauvais
ufage du temporel de fon abbaye, elle peut
en être privée , foit par l’ordonnance de l’évêque
diocéfain , fi elle n’eft pas exempte, foit par celle
de fes fupérieurs-majeurs lorfqu’elle eft foumife
à leur jurifdittion. On trouve plufieurs arrêts tant
du parlement, que du grand-confeil, qui ont
confirmé des fentences ou ordonnances portant
fufpenfe de l’adminiflration des abbejfes..
ABBEVILLE, C’efl la capitale du comté de Pon-
thieu en Picardie. Il s’y tient tous les ans deux
foires franches de deux jours chacune , 8c douze
marchés francs pendant lefquels le gros ne fe perçoit
point, mais feulement l’augmentation fur les
vins qui y fontÉcendus , pourvu qu’ils foient expc-
fés en champ de foire & dans les marchés ,
l’exemption n’ayant plus lieu s’ils font vendus dans
les caves ou les celliers.
Il y a une déclaration du roi, du mois de mars
1411 , qui porte que le comté de Ponthieu & la
ville d’Abbeville ne feront point aliénés ni fépa-
rés. du domaine de la couronne.
. Le préfidial d’Abbeville a été établi en 1554.
Anciennement la place de mayeur de cette ville
annobliffoit au premier degré. Ge privilège lui a
été ôté en 1667. Le mayeur & les épheyins font
tenus,le jour de leur élection , d’aller en corps
dans l’abbaye de faint Pierre, adreffer une harangue
au prieur des bénédittins, à qui appartient cette
maifon , & de lui promettre la confervation de fes
droits & privilèges. Cette efpèee de fervitude eft
obfervée depuis 1326, que les officiers municipaux
ont acheté de cette abbaye un morceau de terre ,
pour la fomme de 124 liv. parifis , 8c à la charge
de cette vifite annuelle.
Cette ville eft célèbre par fes manufaâures , &
fur-tout par celle de Vanrobais , que Colbert y
attira en 1665. La connoiflance des affaires relatives
à la police appartient au mayeur & aux éche-
vins. Le chapitre de cette v ille , pendant la quinzaine
de la pentecôte , fait exercer l’office de pré-
vôt-màyeür , 8c rendre la juftice par un de fes
membres.
Les habitans d’Abbeville ont joui long-tems de
l ’exemption du droit de franc-fief ; mais la déclaration
du roi du premier juin 1771 , a révoqué ce
privilège, & ordonné que les habitans d’Abbeville
qui étant roturiers, ont joui jufqu’alors de l’exemption
perfonnelle du droit de franc-fief, feroient tenus
de le payer à l’avenir pour raifon de leurs
biens nobles, à compter du jour de la publication
de cette déclaration.
ABBRÉVIATION, Lettres d’ ( Coutume d'Anjou
> art. 64. j elle défigne , par ces termes, des lettres
que le roi accorde aux feigneurs haut-jufti-
ciers, pour leur permettre de rendre des jugemeus,
jiors des limites de leur jurifdittion. Ces lettres ont
été introduites pour abréger les procès , & éviter
aux juftickfbles éloignés , les frais d’un voyage ,
pour fe rendre au chef-lieu de la- juftice; Munis
de ces lettres , les officiers d’un feigneur peuvent
inftruire 8c juger les conteftations de leurs jufti-r
ciables , hors de leur territoire , par-tout où ils trouvent
un confeil fuffifantv
ABCISION , f. f. ( Droit criminels ) c?eft l’aéfion
par laquelle , en exécution d’un jugement, le bourreau
coupe un membre à un condamné. Cette peine
eft comparée par les jurifconfultes , à celle de mort,
& elle a les mêmes effets quant au civil ; elle emporte
auffi confifcation de biens.
Idakçifion en France ne fe prononce.guère que
comme peine acceffoire ; c’eft ainfi qu’on condamne
à avoir le poing coupé les criminels déjà condamnés
à la mort pour crime de facrilège., de parricide
ou de faux. Elle fe prononce feule, en vertu
de la déclaration du foi du 30 juillet 1666 , con-'
tre les blafphèmateurs, qui repris pour la feptième
fois font condamnés à avoir là lèvre fupérieure
coupée, & la langue entière à la huitième récidive.
ABDICATION, f. f. ( Droit public. ) c’eft l’action
par laquelle un fouverain quitte volontairement
le trône : événement rare, dont l’hiftoîre néanmoins
fournit des exemples.
La papauté a été abdiquée en 1294 par Célef-
tin V , fondateur de l’ordre de fon nom : pendant
la tenue du concile de Confiance par Jean XXIII
8c Benoît XIII, qui firent place à Martin V , élu
par le concile: par Amédée de Savoie , qui après
avoir abdiqué le trône de Savoie en-1439 , pour
fe faire hermite à Ripaille, accepta, quoique laïque ,
la papauté en 1440 y renonça en 1449.
Henri IV , empereur , excommunié & détrôné
en 1105 , envoya à fon fils le diadème impérial
en figne d’abdication. Charles V , après avoir longtemps
agité toute l’Europe , abdiqua l’empire en
1556., pour.vivre chez les hiéronymites de S. Juft.
On trouve encore les abdications de Chriftine ,
reine de Suède, de Philippe V , roi d’Efpagne ,
de Staniflas, roi de Pologne , qui renonça à cette'
couronne pour donner la paix à l’Europe.
On regarde auffi comme une véritable abdication ,
la retraite d’un prince hors de fes états ; ainfi les
Polonois regardèrent comme une abdication la fuite
notturne. de Henri I I I , lorfqu’après la mort de
Charles IX , il vint prendre pofleffion de la couronne
de France.
C’eft fous ce prétexte que les Anglois ont regardé
la fuite du roi Jacques II , comme une véritable
abdication, & qu’ils accordèrent au prince. d’Qrange
le titre de roi , quoique'd’abord il n’eût pris que
le titre de jminiftre univerfel.
La bienféançe 8c l’ufage confervent au roi qui
abdique, le titre de majefté & tous les honneurs
qu’on y attache ordinairement ; mais il ne conferve
aucune efpèee de jurifdittion , c’eft un apanage
effentiel du fouverain qui gouverne , & c’eft par
cette raifon que Louis X IY fut indigné de l’attentat
commis
commis par Chriftinede Suède, qui fit aftaffiner a
Fontainebleau fon écuyer Monaldefchi,&qu il lui ht
lignifier de fortir de fes états,' refpettant encore dans
ce moment la qualité de reine. x .
Il fe préfente ici une queftion tres-importante
dans l’ordre public ; eft-il permis à un fouverain
d’abdiquer la couronne ?
'Fout prince parvient à la fouverainete en vertu
d’une loi exprefle ou tacite qui lie un peuple a une
certaine famille, ou en vertu d’une éle&ion légitimé
qu’il a acceptée. Dans l’un & l’autre cas , le patte réel
ou tacite eft également obligatoire pour les fujets
& le fouverain. Le devoir de gouverner eft auffi
ftritt de la part du prince, que celui d’obéir de la
part des fujets,& il n’eft pas plus permis au fouverain
de brifer les liens qui l’attachent à l’état,^
qu’il n’eft permis au peuple de rompre ceux qui
le mettent dans lâ dépendance du fouverain.
Lorfque la loi de la fucceffion au trône eft établie
& reconnue, & qu’elle fait une loi fondamentale
de l’état, le prince qui eft appellé au gouvernement
, devient fouverain fans qu’il ait befoin de
demander le confentement des peuples, qui lui eft
notifié d’avance par la loi ; mais cette même loi le
déclare auffi chargé des foins de la royauté , fans
que les peuples aient befoin de fon confentement
pour le proclamer.
Dans les royaumes élettifs l’acceptation de l’élection
attache le prince élu à la nation, de la même
manière qu’elle s’eft liée vis-à-vis de lui. Auffi la
république de Pologne ne permet-elle pas à fes fou-
verains d’abdiquer fans fon confentement ,& celle
de Venife en a refufé conftamment la permiflion
au doge Jean Cornaro.
Cependant il femble qu’un fouverain vieux , infirme
, incapable de gouverner , & ayant un fuc-
cefleur pourvu de toutes les qualités néceffaires pour
régner, pourrait abdiquer la fouveraineté avec le
feul confentement tacite de fes peuples.
Le fouverain qui abdique ne peut réfigner**fa
couronne à une perfonne qui n’eft pas autorifée à
la recevoir, foit par la loi , foit par la difpofition
de la nation. Ainfi lorfque la couronne eft élettive ,
il ne peut nommer fon fucceffeur , il n’a que le droit
de l’indiquer & de le propofer au peuple » qui Peut
ierejetter & en choifirun autre, fuivant fa volonté
fouveraine en ce point.
Dans le cas où la fucceffion au trône eft déterminée
par la loi , le fouverain ne peut abdiquer
pour fes enfans. La fouveraineté n’eft pas un bien
patrimonial dont il puifTe difpofer à fa volonté ,
c’eft un bien national dont il n’eft que le dépofi-
taire , l’adminiftrateur , le propriétaire ufufruitier.
Sa poftérité la plus reculée eft appellée à lui fuc-
céder par une loi de l’état, qui eft la volonté permanente
de la nation ; or , fuivant tous les principes
de droit, ce que la loi donne ne peut être
* ôté par la volonté de l’homme.
A bdication , en droit romain , fe difoit de
■ fattion d’un homme libre, qui renonçoit à fa liberté
Jurifprudence. Tome I,
& fe faifoit volontairement efclave : on fe fervoifc
auffi de ce terme pour défigner un citoyen romain
qui renonçoit à cette qualité, & aux privilèges qui
y étoient attachés. Nous nous fervons auffi du
mot d'abdication dans cette dernière Lignification ,
ainfi que nous allons le dire.
A bdication , ( Droit françois, ) c’eft l’attiorx
par laquelle un homme abandonne volontairement
fa patrie, fa famille , fes charges , fes dignités ; ainfi
il y a abdication de la patrie -, abdication de la
famille, & abdication de fes droits ou de fes charges
: nous allons parcourir ces trois efpèces à'abdications.
L’abdication de la patrie peut être écrite &
formelle , ou de fait & tacite.
Nous ne connoiffons d’exemple d’une abdication
écrite & formelle que celle de Jean-Jacqueç
RoufTeau, qui en 1763 écrivit au premier fyndic
de Genève qu’il lui déclaroit, & le prioit de dé -
clarer au magnifique confeil, qu’il abdiquoit fon
droit de bourgeoifie 8c de cité dans la ville & république
de (Genève.
Dans les grands états, l’abdication ne peut guè-
res être que de fait & tacite, encore la loi ne la
préfume-t-elle point •; 8c telle fut la jurifprudence
des Romains, qui recevoient tous ceux qui venoient
s’établir parmi eux , 8c ne forçoient perfonne d’y
refter. A Argos,au contraire ,les loix défendoient,
fous peine de mort, de quitter le pays.
Grotius 8c Puffendorf traitent ces loix d’injuftes ;
les empires ne doivent pas être des prifons , & le
vrai moyen d’y retenir les hommes , eft d’afîurer
leur liberté & de leur procurer le bortheur. Les
légi dateurs peuvent-ils efpérer qu’ils retiendront ,
par la crainte des peines;, ceux qui croient trouver
dans un autre pays le bien-être qu’ils ne rencontrent
pas dans leur patrie ? Il en eft des hommes
comme de l’argent, que la balance du commerce
& le change font échapper, malgré la rigueur des
loix qui en défendent l’exportation.
D ’ailleurs la loi qui prétend arrêter l’émigration
d’un fujeteft illufoire,il n’eft pas coupable 8c ne
peut être puni, s’il n’eft pas encore forti des limites
du royaume ; & fi fon émigration eft confom-
mée , il eft , par fa fuite même, à l’abri des poqr-
fuites qu’on peut faire contre lui.
Nous avons en France plufieurs loix fuivant lefi*
quelles les hommes qui abdiquent leur patrie, pour
aller s’établir dans les pays étrangers, font condamnés
aux galères, les femmes à être renfermées, &
les biens des uns & des autres confifqués. Mais il
eft néceffaire d’obferver que ces loix ont été rendues
après la révocation de l’édit de Nantes, afin
d’empêcher les émigrations des proteftans ; auffi la
jurifprudence , plus fage que ces loix , n’a-t-elle
jamais regardé l’émigration d’un françois , comme
une véritable & perpétuelle abdication : elle lui
fuppofe toujours l’efprit de retour : c’eft ce qui faifoit
dire à M. le chancelier d’Aguefleau, que la
patrie eft une bonne mère , qui. tend toujours lés