
durable, fi l’indiiftrie humaine ne prévient ces in-
convéniens, & fi la légiflation des peuples agricoles
n’eft pas fans cefîe occupée des moyens de perpétuer
cette abondance qui fait la félicité de tous, & de l’af-
furer fur une bafe folide & inébranlable. Les terreins
incultes, les friches , les landes & les marais font
donc des fignes vifibles de la négligence d’un gouvernement,
n’y ayant aucun de ces terreins que l’art
ne puifle féconder : l’agriculture livrée à la routine
& à l’ignorance des gens qui l’exercent fans principes
, la mauvaife diftribution des fols dont on
îaifle ordinairement la moitié fans culture, feus
prétexte de repos , le défaut des prairies artificielles,
par lefquelles on pourroit fuppléer fi aifémentaux
prés naturels ; la langueur du commerce, les loix
fifcales qui l’enchaînent, les formes judiciaires qui
Tendent la juftice fi lente & fi coûteufe, l’encouragement
des arts futiles , la mendicité forcée par
le défaut d’atteliers publics, oii l’on occuperoit les
mendians valides , les troupes trop nombreufes,
dont l’inaétion en tems de paix pourroit être utilement
employée aux travaux publics, &c. font
autant de reproches faits aux gouvernemens, &
de moyens pour éloigner & rétrécir cette abondance
qui rendroit les états floriffans ; mais ce n’eft qu’en
fe précautionnant contre l’intempérie des faifons &
l’incertitude des récoltes, par des approvïfionnemens
d'ordonnance & par des greniers publics de conferva-
tïon, où l’on met quelques années en réferve, que l’on
peut rendre l’abondance fixe & durable. La Chine eft
le feul pays de l’univers où l’homme ait une prévoyance
droù dépendent fa vie & celle defapoftérité.
On a écrit depuis quelques années en faveur
de la liberté du commerce des grains & de l’exportation
, avec une chaleur qui a beaucoup agité les
efprits fans les éclairer. On n’a pas fenti qu’en'
fe privant volontairement de fon fuperfiu fur l’ef-
pérance d’une récolte incertaine , avant d’avoir mis
en réferve une fuffifante quantité de bled , on
rend précaire la vie du/peuple , & on l’échange
contre l’or de^commerçans & des monopoleurs
qui hâtent le moment de la difette pour le faire
rentrer leurs fonds avec ufure. On n’a pas même
fenti que renchériffement d’une denrée dont dépend
la vie de l’homme , entraîne avec lui la
chute des manufactures & des arts, & l’émigration
de ceux dont les biens, l’induftrie ou le travail ne
peuvent atteindre le prix des grains ; que ce n’eft
qu’en fàifànt confommer à bas prix fur les lieux le
fuperfiu des récoltes, qu’on peut faire fleurir les
arts, augmenter les manufactures & encourager la
population par la certitude del’abondance ; & qu’en
tous cas, fi l’exportation pouvoit avoir quelques
avantages^ ce ne feroit qu’en la reftreignant au
fuperfiu : mais qu’il ne peut y avoir de fuperfiu
que lorfque le néceffaire eft aflùrê , & fous la
main, pour ainfi dire, dans des greniers d'abondance ,
toujours prêts à être ouverts dans les dîfêttes ; car |
plus la population eft confidérable, plus les difettes I
font à craindre«
On a dit ingénieufement que le bled étoit un cm*
quième élément, aufti néceffaire à l’homme 'que
l’air & l’eau. Il feroit donc à fouhaiter qu’il fût
aufti abondant, & que l’homme trouvât aufti aifé-
ment à appaifer fa faim qu’à étancher fa foif; mais
ce n’eft qu’à là fueur de fon front, ou par un travail
opiniâtre , que l’homme fe procure cette denrée
de première néceflité ; la providence l’y a condamné
, pour l’obliger à un exercice utile, d’où
dépendent fa vie & fa fanté.
Sed pater ipfe colendi
Haud facilem ejje viarn voluit, primufqueper artem
Movit agros curis acuens mortalia corda ,
Nec türpere gravi pajfus fua régna veterno.
Georg. de Virg*
Mais fi l’homme ne peut fe procurer l’abondance
de cette denrée qu’avec des peines & des foins infinis
, il poprroit du moins par fon induftrie trouver
des moyens fûrs & peu difpendieux, de conferver
ces mêmes denrées de première néceftité , de les
tenir en réferve pour les tems malheureux qui
furviennent inopinément, ou par l’intempérie des
faifons, ou par des caufes que toute la fcience humaine
ne peut connoître, ni prévenir ; pour ces
années de ftérilité, où la terre femble fe refuferà
la production des femences qui lui font confiées r
l mais parvenir à rendre ces précautions générales ,
par la voie de la perfuafion, & parla conviction
que chaque famille, chaque individu,doit avoir de
fon plus grand intérêt, faire répandre ces connoif-
fançes de manière qu’elles deviennent des notions
communes, en démontrer les avantages dans des
pratiques fûres & par des exemples mis fous les-
yeux du peuple, c’eft là le point capital & le voeu;
d’une adminiftration éclairée qui fait aller au-devant
du befoin, & qui veut fixer dans fe s états
Vabondance &.le bonheur des peuples. (B . )
A BO N D AN T , ( d’ ) terme de palais , qui figni-
fie par furérogation , ou par furabondance de droit,
ou de procédure. On dit en droit ce qui abonde ne-
vicie pas , pour fignifier qu’une raifon ou un droit
de plus ne peut nuire dans une affaire.
ABONDER plus grande fomme , expreflion qui
fignifie payer plus qu’on ne doit, & qui eft employée
dans les coutumes de Loudunois & de Tours,
pour défigner la fraude que "commet l’acquéreur
d’un héritage, lorfque, pour recevoir du retrayant
une fomme plus confidérable que celle de fon acquisition,
il lui fait une déclaration infidelle, &
l’oblige par ce moyen, s’il veut ufer du droit de
retrait, à rendre plus d’argent qu’il n’en a réellement
été dêbourfé pour le prix de la vente, vin
de marché, frais & mifes.
Ces deux coutumes veulent que l’acquéreur
reftitue les deniers que le retrayant aura trop
abondés , & qu’il foit en outre condamné à l’amende
de foixante fols pour le moins. Il paroît,
par cette dernière expreflion, que l’amende dans
ce cas eft arbitraire. C ’eft le fentiment de Dumoulin
qui dit avoir vu condamner au parlement un
acquéreur de cette efpèce en foixante livresparfis.
Il y a aufti fraude , fùivant la coutume d Orléans
, fi l’acquéreur , pour qu’il en coûte davantage
au retrayant, s’eft hâté de faire faire des réparations
néceffaires , & non urgentes , que ce
dernier auroit pu faire .dans la fuite a meilleur
compte ; dans ce cas, dit la coutume, 1 acquereur
ne peut demander &' obtenir en juftice que ce
que ces réparations auroient coûte au retrayant,
lorfqu’après le retrait il les auroit fait faire.
ABONNAGE , abonnement , abonner ,
ABONNIR, ABOURNÈR & ABOURNEMENT. Tous
ces mots fynonymes font employés dans les textes
de différentes coutumes , pour fignifier lçs conventions
8c tranfattions paffées entre le feigneur dominant
& fon vaffal , par lefquelles les devoirs &
preftations , foit honorifiques, foit utiles , ou ca-
fuels , reçoivent des formes ou des conditions
différentes de celles qui font impofées ou par la
première concéflion du fief, ou par la coutume
-dans laquelle il eft affis. Voye^ les Coutumes de
Chartres 3 de la Marche , de Tours, du Maine, de la
Rochelle & du Poitou.
ABONNÉE , ( Quête ou Taille. ) la coutume
de Bourbonnois, article 345, fe fert de cette expreflion
pour défigner la taille due au feigneur
par les vaffaux,, en vertu de la coutume ou de
quelque abonnement, &qui par cette raifon eft différente
de la taille qui s’impofe à la volonté du
feigneur, fur fes hommes & fujets , & que la
coutume de la Marche appelle quête courante.
ABONNEMENT , f. m. eft aufti une convention
faite à l’amiable, par laquelle un feigneur à qui font dus
des droits, ou un créancier des fommes non liquides
, ou non encore actuellement dues , fe contente
p^r indulgence, ou pour la fureté de fes droits,
d’une fomme claire & liquide une fois payée, ou
fe relâche , en façon quelconque , de fes droits.
Ce terme a fuccédé à celui d'abournement, dérivé
du mot borne , parce que 1’'.abonnement eft la facilité
qu’a quelqu’un de borner, limiter, ou reftraindre
fes prétentions. ( H. )
En matière de cens , corvées, rachat de fiefs,
& autres femblables , l'abonnement eft la même
chofe qu'abonnage. Voyez ce mot.
A bonnement d’aides. Il y a des circonf-
tances, où il eft également avantageux au fermier
des droits d’aides, & à celui qui débite des boif-
fons en détail, que les droits fe paient par abonnement
, qui peut fe faire foit au muid , foit à l’année.
Divers réglemens ont autorifé ces fortes d'abon-
nemens, & ont établi des règles propres à prévenir
les conteftations à cet égard.
Les abonnemens ne peuvent être faits qu’avec
les fermiers, ou en vertu d’un pouvoir particulier
donné par écrit, qui doit 'être enregiftré au greffe
des élections., avant que les directeurs puiffent en
faire ufage.
Les perfonnes abonnées ne font point exemptes
des vifites des commis. Les abonnemens font réfolus
de plein droit , lorfque le bail principal eft fini.
Ceux qui font abonnés à une certaine fomme, font
tenus de payer leur abonnement pour une année
entière, lorfqu’ils ceflent volontairement leur commerce
avant qu’elle foit finie, quand bien même
la fomme feroit divifée par quartiers , & qu’ils
auroient fignifié au fermier la ceflation de leur
commerce. Ceux qui font abonnés à une certaine
fomme par muid, font déchargés de Xabonnement
par la ceflation de leur commerce, en la faifant
fignifier au fermier trois mois auparavant. Voye£
A ides.
L’abonnement de dîmes, fait entre les gros déci-
mateurs & les habitans d’une paroiffe, par lequel
ceux-ci s’obligent de payer tous les ans par arpent
Une certaine fomme ,; ou une certaine quantité de
grains , doit être exécuté , fur-tout depuis l’ordonnance
de 1561 , qui confirme les tranfaCtions
contenant abonnemens pour dîmes.
Pour qu’un abonnement foit valable, il doit être
fait avec tous lès habitans , ou du moins avec
tous les propriétaires d’un canton ; s’il n’étoit fait
qu’avec un particulier il feroit nul : il faut aufti
qu’il foit revêtu des formalités prefcrites pour l’aliénation
des biens eccléfiaftiques , ou autorifé par un
arrêt d’homologation.
La pofleflion même centenaire ne fuffit pas pour
mettre les habitans d’une paroifle en droit dé fe
dire abonnés. Il faut y 'joindre un titre diabonnement
en bonne forme , ou du moins d’anciermes
preuves par écrit. Ceci cependant ne doit s’entendre
que des grojfes dîmes ou dîmes de droit : à l ’égard
des menues dîmes ou dîmes d’ufage, elles ne peuvent
être exigées des décimateurs* qu’autant qu’ils font
en pofleflion d’en jouir ; & fi de tems immémorial
, ils ne les ont perçues qu’en argent , ils
doivent fe conformer à cet ufage. Voye^ D îmes.
A bonnemens des droits de franc-fiefs , les habitans
de plùfieurs villes avoient été autrefois dif-
penfés de payer le droit de franc-fief des biens
nobles qu’ils acquéroient. Ils avoient été plufieurs
fois confirmés dans cette exemption par différens
abonnemens ; mais^. toutes ces exemptions ont été
révoquées par une déclaration du premier juin
1771 ; ainfi il ne fubfifte plus aujourd’hui diabonnemens
des- droits de franc-fief, que celui qui a été
accordé par l’arrêt du confeil du 16 mars 1762
pour les fiefs bourfaux , & les terres hommagées de .
la province du Perche. Cet abonnement ne doit
durer que jufqu’en 1782 , conformément à la déclaration
qu’on vient de citer. Voye^ Franc-fief.
A bonnement de fief, Pocquet de Livonière,
dans Ton Traité des fiefs , diftingue trois fortes dîa-
bonnemens de fiefs ; le premier , quand le feigneur
convertit la mouvance féodale en cenfive , en
fupprimant la foi & hommage , & confentant que
l’héritage ne relève de lui à l’avenir, que moyennant
un certain cens.