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fes devoirs, & frappe en même temps le public de
l’éclat & de la majefté du lieu.
Mais, dans les juftices fubalternes, l’auditoire ne
répond pas fouvent à la dignité de la juftice. Ici
elle fe rend au pied d’un arbre, là dans une efpèce
de galetas, ailleurs le feigneur fait tenir Xaudience
dans l’endroit qu’il jyge à propos : quelquefois des
juges font allez imprudehs pour la tenir dans un
cabaret.
Les ordonnances fe font élevées, dans tous les
temps, contre ces abus, & elles ont défendu, à
peine de nullité, de donner des audiences ailleurs
que dans les endroits confacrés à cet effet ; elles
ont enjoint aux feigneurs de le fournir hors de leurs
châteaux, & même.de leurs enclos, & d’y établir un
lieu fur pour fervir au dépôt du greffe, dans lequel
toutes les minutes , expéditions & regiftres, tant
de Xaudience qjit des procès civils & criminels, demeureront
: dans' le cas de contravention, elles ordonnent
que le feigneur foit privé de fa juftice.
Telles font les difpofitions de l ’ordonnance de
15 3 5 , de celle d’Orléans, & d’un arrêt de réglement
des grands jours de Clermont, du 10 décembre
1663.
Le lieu de l’audience doit encore être fur & commode,
décemment orné & à l’abri des injures de
l ’air; il doit être garni de ftèges, de tables, & de
tout ce qui eft d’ufage ou de néceflité-ordinaire, &
fur-tout l’image d’un crucifix doit y être placée
dans l’endroit le plus apparent pour imprimer plus
de refpeâ à ceux qui font dans le cas d’y prêter
ferment. •
Lorfqu’il n’y a point d’auditoire convenable pour
l ’exercice de la juftice, le feigneur ne peut revendiquer
les caufes de fes jufticiables, portées devant
le fupérieur immédiat : & il fufiit d’exciper du défaut
d’auditoire, pour que ce dernier foit fondé
à les retenir : cette jurifprudence eft confirmée
par plufieurs arrêts qui tous font défenfes aux juges
de tenir leurs audiences dans des maifbns particulièrës
ou dans le château du feigneur.
La peine de nullité, prononcée par les ordonnances
& les réglemens contre les jugemens rendus
ailleurs que dans l’auditoire, n’eft ordinairement regardée
que comme comminatoire : mais s’ils avoient
été rendus dans un cabaret, on prononceroit fans
difficulté cette peine dans toute fa rigueur.
Lorfque l’auditoire ordinaire d’une juftice a be-
foin de réparations, Xaudience peut fe tenir dans un
autre endroit, pourvu qu’il foit honnête & décent,
quoique moins commode. Mais le feigneur doit travailler
promptement à faire remettre l’ancien auditoire
en état de fervir comme auparavant.
Il fe trouve quelquefois qu’un feigneur eft propriétaire
de plufieurs juftices yoifines, attachées à
des fiefs differens. Il peut, fans inconvénient, en
demander la reunion qu’il ne peut obtenir que du
roi-, par des lettres-patentes duement enregiftrées.
S ’il ne pourfuit pas cette réunion, il eft obligé de
fournir autant- d auditoires que de juftices particu-
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lieres : & c’eft ainfi que l’a jugé le grand - confeil
par un arrêt du 29 mars 17Ç9. Cependant fi deux
juftices étoient proches l’une de l’autre, & qu’un
feul auditoire put fervir commodément à l’exercice
des deux, ôn peut difpenfer le feigneur d’en conf-
truire un fécond, à la charge néanmoins de fixer
des jours différens pour l’exercice de Füne & l’autre
juftice, & que chaque jurifdiélion ait fes regiftres
féparés. Le parlement de Paris a adopté ce tempérament,
le 19 mai 1756, en faveur de M. le duc
d’Orléans, au fujet des juftices de Bagnolet, & du
fief de Maulny.
Du temps de la tenue des audiences. Le temps de
tenir les audiences , foit pour le jour ou pour l’heure,
n’eft pas non plus une chofe indifférente ; & , à
cet egard, on diftingue entre les audiences ordinaires
& les audiences extraordinaires.
Ce temps n’eft pas uniforme dans les tribunaux
du royaume : il dépend des affaires & de Tufage.
Mais, dans tous les fièges, les jours & les heures
pour tenir les audiences ordinaires, doivent être déterminés
fuivant le nombre des affaires, de façon
que l’ufage accoutumé ne foit point interverti. Ainfi
lorfqu’on afiigne quelqu’u n , dans les délais ordinaires
, à comparoître devant le juge , on n’eft pas
obligé de lui indiquer le jour ni l’heure de l'au-
dience, il eft préfumé en être inftruit par la notoriété
publique.
Dans les fièges confidérables où l’abondance des
affaires oblige quelquefois les juges à multiplier les
audiences, il leur eft fibre de le faire, & même d’en
accorder de relevée ; mais ils doivent auparavant
l’annoncer, de façon que le public foit fuffifamment
inftruit du jour & de l’heure dé chacune.
Lorfque les juges font affez négligens pour Lifter
languir les affaires à défaut d'audiences en nombre
fumfant, on peut les contraindre d'en donner, de
façon que toutes les affaires puiffent s’expédier. Les
fieutenans généraux des juftices fubalternes du comté
de Bourgogne étoient anciennement dans une indifférence
pareille ; ils ne donnoient qu’une audience
par lemaine, & encore ne la tenoient-ils
qu’après midi : par une déclaration du 27 oâobre
ré86,.ils furent affujettis à en donner deux chaque
femaine, depuis neuf heures du matin jufqu’à
onze.
Les audiences doivent être réglées de manière que
les affaires de différente nature ne foient point confondues
, fur-tout dans les préfidiaux & les bailliages
; car,' pour ce qui eft des juftices fubalternes,
il eft affez ordinaire que toutes fortes d’affaires foient
portées à la même 'audience. On doit auffi avoir attention
que les caufes criminelles puiffent fe vuider
avec plus de célérité que les caufes civiles, & que
les affaires d’importance foient jugées plutôt le matin
que de relevée.
A l’égard des affaires qui demandent des audiences
extraordinaires, c’eft-à-dire, des audiences autres
que celles qui fe tiennent aux jours & aux heures
accoutumés, il dépend de la prudence de§ juges
de,
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55e les accorder ou de les refufer ; cependant s’il
y avoit péril dans la demeure, ce feroit une efpèce
d’injuftice, de leur part, de s’y refufer. Ces
audiences doivent fe demander fur requête : le juge
règle le jour & l’heure, & fori ordonnance fe fi-
gnific à la partie aflignée, afin qu’elle en foit inf-
truite. Il faut même qu’il lui foit accordé un délai
fuffifant pour avoir le temps de comparoître, &
ce délai dépend de l’éloignement du domicile de
la partie qu’on veut affigner ; le juge feul doit le
régler.
De la manière de tenir les audiences^ .On doit apporter
à la tenue des audiences toute la décence pof-
fible. L,es jugés, les gens du roi, les avocats, les
procureurs ■ & les huifîiers doivent y être en robe
de palais : ce font ces robes que les ordonnancés
& les réglemens appellent habits décens. Chacun doit
v être à fa place, & celui qui préfide doit avoir
l’attention d’y faire régner le plus grand filence.
Les caufes doivent s’y expédier à tour de rôle &
fans acception de perfonne. Lorfqu’un des juges
manque, le plus ancien gradué préfent eft appellé
de plein droit pour en compléter le nombre. E t ,
dans les affaires civiles, fufceptibles d’appel, le plus
ancien procureur, à défaut de gradués, eft pareillement
dans le cas d’être appellé.
Il eft étroitement défendu d’ufer d’aucune infulte
& fur-tout de voie de fait, pendant qu’on rend la
juftice.
i°. Des infultes faites aux juges. L’injure la plus
répréhenfible feroit celle qu’on feroit au juge dans
fon auditoire,.ou à ceux qui , fous fes yeux, coopèrent
à fes fondions. Dans ce moment ,vpoür
venger l’honneur de fon tribunal, il pourroit faire
arrêter le délinquant, & le punir fur le champ.
Les préfidiaux, par leur édit d'ampliation du. mois
de mars 1551, ont pouvoir de condamner fans appel,
comme en matière de police, à trois livres cl’amende
tous ceux qui, dans l’auditoire, manquent de refped
ou troublent la tranquillité.
Un échevin de Joinville fut condamné, par arrêt
du 28 février 1578, à vingt écus d’amende &
aux dépens, pour avoir dit au juge de l’endroit par
irrévérence, que c’étoit un beau juge, qu’il en feroit
bien davantage.
Deux particuliers, pour avoir injurié, Xaudience
tenante, l’un, le lieutenant criminel de Meaux, &
l ’autre, l’avocat du roi au bailliage de Carenton,
furent condamnés , le premier par arrêt du 15 mars
1578 , & le fécond par arrêt du 13 décembre 1588,
à une amende honorable, à l’amende pécuniaire ,
à l’interdiélion, à des dommages-- intérêts & aux
dépens.
Les ordonnances de 1507 & de 1535 enjoignent
expreffément aux cours de parlement de ne pas fouffrir
les magifirats être vitupérés par outrageufes paroles. En
effet, il eft effentiel qu’un juge, dans fon tribunal,
ne puiffe être infulté impunément.
S i, au lieu d une injure verbale, il y avoit une voie
Jurijprudeme. Tome /,
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de fait fur la perfonne du juge, ce défit pourroit
aller jufqu’à faire punir de mort le coupable.
Il arrive quelquefois qu’un plaideur qui vient d’entendre
fa condamnation , s’échappe en mauvais propos;
mais il eft affez ordinaire que les juges n’y
faffent pas attention, & , en cela, rien de plus conforme
à leur dignité; ce feroit cependant une erreur
que d’adopter ce mauvais brocard du palais, fuivant
lequel on a , dit-on, vingt-quatre heures pour déclamer
contre fes juges : les parties doivent toujours
recevoir en filence les décifions de la juftice; fi elles
fe livroient à des clameurs trop vive s, elles pour-
rojent en être févérement reprifes.
2°. Des infultes faites à la partie adverfe ou à fort
défenfeur. Il ne fuffit pas d’être circonfpcéf envers
les-juges , on doit l’être auffi envers ceux qui exercent,
fous leurs y eiix, quelques fondions de leur
miniftère. Une partie, pour avoir injurié en pleine
audience l’avocat de fa partie adverfe, fut condamnée
à cent livres par forme de réparation envers cet
avocat, par arrêt du 12 juillet 1638 , rapporté au
journal des audiences.
Par un autre arrêt du parlement de Paris, une
femme, pour avoir fouffleté fon avocat adverfe,
en 1752, lorfqu’il fortoit de la fécondé chambre
des requêtes, fut éondamnée à une amende honorable
fèche eh préfence des juges.
Il en feroit à-peu-près de même, fi une partie
infultoit, hors de l’auditoire, un officier.qui vien-
droit de prêter contre elle fon miniftère à Xaudience.
Maître Eynard, procureur au parlement de Paris ,
en fartant de la troifième chambre des enquêtes où
il avoit plaidé une caufe pour fon client, fut injurié
par le comte de.... partie adverfe de ce client ;
maître Eynard rentra fur lè champ dans la chambre
où il rendit plainte de l’infulte. Les parties furent
renvoyées au bailliage du palais ; il y eut information
& appel de toute la procédure de la part du
comte ; »mais, par arrêt du 28 juin 1769, la cour ,
en évoquant le principal; fit défenfes à l’appellant de
récidiver, le condamna à trois cens livres de dommages
intérêts , applicables au pain des prifonniers ,
& à tous les dépens.
Les parties litigantes elles - mêmes, lorfqu’elles
font devant les juges, doivent prendre garde à
ne point s’infulter. Le mardi 27 oéfobre 1733,
une demoifelle, retenue pour dettes à la conciergerie
de Paris, ayant été déboutée de fa demande
en liberté, formée à une audience de la féance ( qui
eft une de celles qui fe tiennent cinq fois l’an dans
la conciergerie pour la délivrance des prifonniers ) ,
fe jetta fur fon créancier préfent à Xaudience, & lui
donna un foufflet. Le fubftitut en rendit plainte aufiï-
tôt, & la prifonnière fut condamnée à une amende
honorable fèche : ce qui fut exécuté fur le champ.
30. Des infultes faites par le juge aux parties. Si
les parties doivent ufer de circonfpeéfion envers les
juges à Xaudience, & envers ceux qui coopèrent à
leurs fonélions, les uns & les autres ne font pas
moins obligés de fe comporter avec fageffe envers ,