
avoit intérêt de s’affurer de la loyauté & du fervice
de ceux qui demeuroient fur fes terres , afin de
pouvoir compter fur eux en cas d’événement. Ce
que nous appelions aujourd’hui aveu d’aubaine, s’ap-
pelloit alors nouvel aveu, comme pour lignifier l’aveu
d’un nouvel arrivé.
Depuis long-temps, il n’eft plus queftion de cet
aveu d’aubaine: les droits d’aubaine appartiennent
aujourd’hui au roi, à l’exclufion des feigneurs.
Aveu & dénombrement, {Droit féodal. ) c’eft
ïa reconnoilfance que le valfal donne à fon fei-
gneur de fief , pour raifon des terres qu’il tient de lui.
L’aéle de cette reconnoilfance doit contenir la
defeription des héritages par tenans & aboutiffans,
& par jouxte folaire ; il doit aulîi contenir le détail
des droits & devoirs qui dépendent du fief.
Anciennement on fe contentoit de la foi & hommage.
Comme les fiefs ne fe donnoient qu’à v ie ,
le feigneur fè rappelloit aifément tous les objets de
fa libéralité. Lorfque ces fiefs' furent devenus héréditaires
, ce qui s’opéra , fuivant l’opinion commune,
au neuvième fiècle, les feigneurs exigèrent à chaque
mutation une déclaration de ce que le valfal
polfédoit, & cette déclaration fe donnoit en général
fans aucune explication plus marquée. Dans la
fuite, les différentes contestations qui s’élévèrent,
foit entre les feigneurs voifins pour l’étendue de
leur fief, foit entre les feigneurs & leurs valïàux,
pour les différens droits de féodalité ^firent qu on
voulut que cette déclaration fut accompagnée d’un
dénombrement exaél, non-feulement de tous les
héritages qui çompofoient le fief pour en connoître
plus particuliérement l’étendue, mais encore de tous
les droits aéfifs & palfifs, utiles & honorifiques,
qui y étoient'attachés, afin que les feigneurs fulfent
ce qu’ils avoient à exiger, & les valfaux ce qu’ils
avoient à payer. De forte que, depuis environ le
quinzième fiècle, on ne donne ni ôn ne reçoit d’<z-
veu qui ne foit bien détaillé ; & cet ufage fe trouve
tellement établi, qu’il a aujourd’hui force de loi.
Nous allons parler du temps où doit fe donner
cet aveu,; de la peine qu’on encourt faute de
le donner, de la manière dont il doit être donné
pour être exaét & régulier, de la façon dont on
doit s’y prendre pour le faire recevoir , & des effets
qu’il peut produire.
Du temps. Le droit commun eft que Faveu doit
fe donner dans les quarante jours après qu’on a été
reçu à foi & hommage, expreffément ou tacitement
: exprejfément, lorfque le feigneur a reçu lui-
même cette foi & hommage ; tacitement, lorfqu’elle
a été faite en fon abfence au principal manoir du
fief, comme nous l’expliquerons plus particuliérement
à l’article FOI et hommage. Ce temps de 40
jours eft franc, c’eft-à-dire , qu’on ne compte point
celui où l’on fait la foi & hommage, ni celui où
expirent les 40 jours. Ce délai eft accordé au vaf-
fa l, pour qu’il ait le temps de recueillir fes titres,
& de prendre tous les renfeignemens néceffaires
pour former un aveu jufte & régulier. Comme ce
délai efi: en faveur du vaffal, il peut l’anticiper,
& même donner fori aveu immédiatement après la
foi & hommage ; mais ce délai expire de plein droit
après les quarante jours, fans qu’il foit néceffaire
de la moindre interpellation.
Si le vaffal, dans cet intervalle, devenoit malade
ou qu’il fût retenu pour des affaires effentielles ,
il feroit obligé de le faire favoir au feigneur , 8c
de lui demander une prorogation de délai, qu’en
terme de coutume on appelle fouffrance, parce que
le feigneur eft alors obligé /de fouffrir que fon vaffal
foit en état de remplir fon devoir.
Lorfque le vaffal fe trouve en minorité, Y aveu &
dénombrement efi différé jufqu’à fa majorité. Les
bailliflres , tuteurs, mineurs, dit Loifel, ne. reçoivent
aveux ni ne les baillent. Il y a lieu à fouffrance,,
tant pour Y aveu que pour la foi & hommage ; mais
il faut que les bailliflres, tuteurs ou curateurs , requièrent
ce délai dans le temps, parce que le feigneur
n’eft pas obligé de favoir fi fon vaffal eft mineur»
Il y a encore lieu à fouffrance, lorfqu’il s’élève
un combat de fief entre deux feigneurs: le vaffal
offre alors de donner fon aveu, auquel des deux
il .appartiendra, & cette offre le met à couvert de
tout événement.
De la peine , faute d’aveu dans le temps prefcfit.
Lorfque le vaffal a laiffé expirer le délai fans donner
fon aveu, ou fans requérir fouffrance, le feigneur
eft en droit de faire faifir tous les revenus de
fon fief, tout comme il l’auroit pu à défaut de foi &
hommage ; mais avec cette différence qu’à défaut de
foi & hommage, le feigneur, par la faifie, gagne les
fruits, au lieu que quand cette faifie n’intervient
qu’à défaut d’aveu, le feigneur eft obligé de refti-
tuer ces mêmes fruits aum-têt que le vaffal lui fournit
fon aveu3 fous la déduction néanmoins des frais
qu’il a pu faire , lefquels demeurent à la charge du
vaffal.
Que Y aveu fourni foit exaft ou. non , il eft fuffi-
fiant pour empêcher la. faifie ou pour en A e n ir
main-levée. Mais fi, après avoir examiné cerkveu ,
le feigneur fe trouvoit fondé à le blâmer, & qu’il
fut ordonné que dans tel délai, le vaffal feroit tenu
d’en fournir un nouveau plus exaél ou plus régulier
, le vaffal feroit obligé de le donner dans le
temps preferit, autrement le feigneur pourroitufer
de la faifie féodale , & dans ce cas, il feroit les
fruits fiens , fans reftitution..
De la manière de donner l’aveu.. Il eft bon d’ob-
ferver d’abord qu’il nren eft pas de l’aveu, comme
de la foi & hommage. A chaque mutation de
,1a part du feigneur ou du vaffal, la foi & homr
mage eft due ; mais il n’y a d’obligation pour l’aveu
que quand la mutation arrive du coté du vaffal. Cè
n’eft pas que le nouveau feigneur ne puiffe bien
l’exiger ; mais, en ce cas, il doit en faire tous les frais.
Pour que l’aveu foit exaâ & régulier, il faut.,,
comme nous l’avons dit, qu’il contienne le dénombrement
, c’cft-à-direx la defeription en détail de
tout ce'qui compofe le fief. On doit donc défigner
le château & fes pré-clôtures, les autres manoirs,
maifons ou bâtimens, les héritages avec la dénomination
de leur nature, comme bois, prés, pâturages
, champs froids , communaux, terres, vignes
jB indiquer les eaux , les rivières, les moulins ,
le tout avec leurs confins, tenons & aboutiffans, .
âinfi que le nom des particuliers qui les poffedent ;
déclarer les droits de cens, rentes, dixmes, redevances
, tailles, fervitudes & autres droits & devoirs
feigneuriaux, utiles ou honorifiques. S il y a des
arrière-fiefs, on doit pareillement les déclarer avec
un détail fuffifant pour faire connoître qu’ils font
partie du fief. Il ne fuffit pas d’énoncer tous ces objets
en gros, ils doivent être décrits féparément
&' diftiu&ément les uns des autres, de façon que
rien ne foit omis. On doit y joindre une énumération
.des titres conftitutifs fur lefquels les droits
dont il s’agit font établis, leur date & le nom des
notaires qui les ont reçus, tout comme on doit
particuliérement déclarer à quel titre on eft devenu
poffeffeur du fief, fi c’eft par fuccelfion, donation,
échange , acquifition , &c. donner la date de ces
afres, le nom du notaire qui les a reçus, faire mention
s’ils font en bonne forme, &c. en un mot,
ne rien négliger pour que le feigneur ait une con-
noiffance aulfi complette de fon fief que le Vaffal
peut l’avoir lui-même. On doit tâcher fur-tout de
fe conformer aux anciens dénombremens, & éviter
avec autant de foin de ne rien exagérer, que de •
ne rien omettre.
S’il fe trouvoit quelques propriétés ou quelques
droits perdus ou conteftés , il faudroit le déclarer ,
& faire mention devant quel juge & en quel état
eft la procédure faite pour les recouvrer, aveefou-
miflîon d’en faire aveu particulier aufli-tôt qu’ils feront
recouvrés.
L’aveu, pour être régulier , doit être en forme
-authentique , paffé devant notaires, & en parchemin
, dont une copie pour le feigneur , & une
autre pour le vaffal, en obfervant que chaque copie
doit être contrôlée comme une minute, contrôle
cependant pour lequel on ne doit point un
double droit.
Lorfqu’il y a partage de propriété entre co-héri-'
tiers ou co-acquéreurs, il ne fuffit pas à chacun
d’eux de donner un dénombrement de fon lo t , ni
qu’un feul donne ce dénombrement en entier pour
lui & pour les autres. Il faut que chacun fatisfaffe
à ce devoir en déclarant tout le fie f, & en indiquant
les portions des autres : autrement il encour-
roit la faifie féodale , à moins , qu’il ne déclarât employer
pour aveu & dénombrement, celui qui auroit
été donné par un feul pour tous les autres.
II n’en eft pas de même lorfque le fief dominant
appartient à plufieurs co-propriétaires 5 le vaffal ne
doit fon aveu qu’à l’un d’eux pour tous les autres :
& c’eft à celui qui occupe le principal manoir à le
recevoir.
Quand l’ufufruit du fief fe trouve détaché de la
propriété, c’eft au propriétaire, & non à l’ufufruî-
tier que doit fe donner Y aveu, parce que cet afte
eft encore plus intéreffant pour le propriétaire que
pour l’ufufruitier.
Si le vaffal avoit perdu fes titres dans un incendie,
ou qu’il y en eût quelques-uns d’adirés , il feroit
en droit de requérir le feigneur de l’aider des fiens,
parce que ces mêmes titres doivent être communs
entre eux ; & faute, par le feigneur , de l’en aider,
il eft certain que les omiffions qui s’enfuivroient
ne feroient plus un motif pour blâmer le dénombrement
donné, du moins quant à ces omiffions»
De la manière de faire recevoir Vaveu. Lorfque
cet aveu eft rédigé dans la forme convenable, c’eft:
alors le cas de le préfenter au feigneur. Frémin-
ville prétend, d’après les arrêtés du préfident de
Lamoignon, que le vaffal eft obligé de le porter
en per-Tonne au principal manoir du fief, avec les
titres & pièces juftificatives, pour les offrir en communication
; mais la plupart des feudiftes affurent
qu’il n’en eft pas de Y aveu comme de la foi & hommage
, & qu’il fuffit d’un fondé de procuration , à
moins que la coutume n’en décide autrement. S’il
ne fe trouve perfonne qui veuille le recevoir, on
doit avoir la précaution de faire conftater la pré- .
fentation & le refus par un procès-verbal devant un
notaire ou un huiffier, avec des témoins. Si le manoir
n’ètoit point habité , & qu’il y eût une juftice
dépendante du fie f, on pourroit préfenter l’aveu au
procureur fifcal, l’audience tenant. Le feigneur a
quarante jours francs pour l’examiner. Ce délai paffé ,
il ne s’enfuit pas que l'aveu foit de plein droit, à
l’abri de toute critique. Il faut qu’après les quarante
jours le vaffal ait été le chercher, ou qu’il y ait
envoyé de fà part. On veut qu’il faffe cette démarche
par lui ou par autrui, afin de favoir fi le feigneur
eft content, ou s’il a des blâmes à propofer ;
& cette' démarche du vaffal doit être conftatée auffi
authentiquement que la préfentation de Y aveu.
Si le feigneur eft content du dénombrement, il
en met fa déclaration au bas de la copie qu’en retient
le vaffal ; fi au contraire il a fujet de le blâmer,
il propofe fes griefs. C’eft alors au vaffal à favoir
fi ces griefs font fondés ou non. Voici à-peu-près
quels font les motifs fur lefquels un dénombrement
peut être blâmé.
i°. Lorfqu’on a, omis de comprendre des objets
qu’on n’ignoroit point faire partie du fief.
z°. Lorfqu’on en a compris qui n’en dépens
doient pas.
30. Lorfqu’on a confondu les chofes, en mettant
en cenfive ou en arrière-fief ce qui étoit en féodalité
direâe, ou autrement ; en féodalité direâe ,
ce qui étoit en cenfive ou en arrière-fief.
4°. Lorfque les héritages ne fe trouvent pas dé-
fignés par leurs tenans & aboutifiàns, ni par leur
qualité ou leur nature.
< Lorfque le. fief a été partagé , & que le dénombrement
n’en contient pas l’intcgrité.
<ü°. Lorfqu’on a omis de détailler les arrière-fiefs,
E E e e a