
droit-il donner la préférence ? Ce feroit à celle qui
auroit contra&é la première.
Lorfque le bailleur a loué une chofe qu’il croyoit
lui appartenir, & dont il n’avoit néanmoins pas le
droit de difpofer, il eft pareillement tenu des dommages
& intérêts qui peuvent réfulter du défaut de1
délivrance de la chofe louée. La raifon en eft que
le preneur a dû croire que le bailleur étoit propriétaire
de la chofe dont il difpofoit; & que celui-ci
doit répondre des fuites d’un engagement indifcret
à la vérité, mais qu’il ne devoit pas prendre ,• s’il
ne pouvoit pas le remplir.
Il en feroit différemment, fi c’étoit par une force
majeure que le bailleur n’eût pas exécuté la convention.
Tel feroit le cas, par exemple, où un
tremblement de terre viendroit à renverfér la maifon
louée. Etant alors impoflible que le bailleur fatis-
fàffe à fon obligation, il doit en être déchargé purement
& Amplement, fans que le preneur puiffe
prétendre autre chofe que le rembourfement de ce
qu’il a pu payer d’avance fur le loyer. La raifon
en eft que perfonne ne doit répondre des cas
fortuits.
Lorfque le preneur fe trouve obligé à quelque
dépenfe pour conferver la chofe louée, fans qu’il
en foit tenu par fon bail, ni par l’ufage des lieux,
le bailleur eft obligé de la lui fembourfer. Tel eft
le cas où le preneur fait appuyer un mur qui menace
ruine.
Si le bailleur fe laiffe mettre en demeure d’exécuter
la convention, & qu’enfui te il l’exécute, il
ne fera pas pour cela difpenfé de payer les dommages
& intérêts que le retard aura pu occafionner
au preneur. Suppofons, par exemple, que vous
m’ayez loué un bateau pour conduire des marchan-
difes a la foire de Beaucaire, & que vous ne me
l ’ayez pas délivré àffez tôt pour qu’elles puffent arriver
dans le temps convenable, vous ferez tenu
de me faire raifon de ce que j’aurois gagné, fi mes
marchandifes fuffent arrivées pour le commencement
de la foire.
Non-feulement je puis, dans cette circonftànce,
après vous avoir mis en demeure de remplir votre
engagement, vous demander les dommages & intérêts
que votre retard m’a occafionnés, je fuis encore
fondé à demander la réfolution du traité, &
à me faire autorifer pour louer un autre bateau.
Quand le bailleur offre de délivrer la chofe louée,
mais dans un état différent de celui où elle étoit,
lors de la convention, le preneur eft en droit de
la refufer, fi le changement qu’elle a éprouvé, l’a
rendue telle qu’elle n’auroit pu lui convenir de cette
manière, lorlqu’il l’a prife à bail. Il peut par conféquent
aufli demander la réfolution du contrat, &
même des dommages & intérêts contre le bailleur,
fi c’eft par le faif de celui-ci qu’eft furvenu à la chofe
le changement qui la rend inutile au preneur.
Mais il en feroit autrement, fi le changement
n’avoit eu lieu que par cas fortuit : le preneur ne
pourroit point alors prétendre de dommages & intérêts
: il feroit feulement en droit de faire réfoudre
la convention.
Second engagement du bailleur. La fécondé obligation
confraftée par le bailleur eft celle de faire en-
forte qu’il ne foit apporté aucun trouble à la jouif- •
fance du preneur pendant la durée du bail.
Le preneur feroit, par exemple, troublé dans fa
jouiffance , fi le bailleur entreprenoit de diftribuer
les pièces d’un appartement, différemment qu’elles
ne l’étoient au moment de la convention. Il en feroit
de même, f i , depuis le bail, le bailleur vou-
loit employer des champs ou des prés pour y-faire
croître du bois.
Dans ces circonftances, le preneur eft fondé à
diriger contre le bailleur une aélion par laquelle il
conclut à ce qu’il foit fait défênfe au bailleur de
le troubler dans fa jouiffance, & que, pour l’avoir
fait, il foit condamné aux dommages & intérêts
réfultant de fon entreprife. S’il y a des ouvrages
faits malgré le preneur & à fon infu, il peut quelquefois
conclure à ce que le bailleur foit condamné à
les défaire, finon que le preneur foit autorifé à les
défaire lui-même aux frais du bailleur. Au refte,
le juge ne doit faire droit fur une pareille demande,
qu’autant que les ouvrages dont le preneur fe
plaint, lui caufent un dommage confidérable. Dans
ce cas, il doit fixer au bailleur un délai convenable
pour détruire les ouvrages & retirer fes matériaux.
Le bailleur eft en droit de vifiter ou de faire vifi-
ter la maifon ou les 'terres louées, fans que le preneur
puiffe confidérer cette vifite comme un trouble
fait à fa jouiffance.
Le bailleur ne trouble pas non plus la jouiflance
du preneur, lorfque, pendant la durée du bail, il
fait travailler à quelque ouvrage qu’exige la chofe
louée. Quelle que que foit alors l’incommodité que
caufe au preneur un pareil travail, il n’eft nullement
fondé à s’en plaindre , ni par conféquent à
demander des dommages & intérêts contre le bail-
. leur : il peut feulement fe faire décharger du loyer
des chofes louées, pour le temps que la jouiffance
lui en a été ôtée.
Obfervez même à ce fujet, que, fi le travail fait,
par exemple, pour réparer un appartement, n’a
duré que quelques jours, ou n’a caufé au preneur
qu’une incommodité légère, il n’eft pas en droit de
demander une remife fur le loyer. La raifon en eft ,
qu’il eft cenfé que, dans le temps du contrat, il a été
prévu qu’il pourroit furvenir des réparations à faire
aux chofes louées, & que le preneur s’eft tacitement
obligé d’en fupporter l’incommodité.
Mais de ce que le preneur eft obligé de fupporter
l’incommodité des réparations qu’exige la chofe
louée, il ne faut pas conclure que le bailleur foit
autorifé à faire travailler à cette chofe, lorfque cela
. n’eft pas héceffaire ; s’il le faifoit, le premier feroit
en droit de l’en empêcher, parce qu’un tel travail
feroit un trouble à fa jouiffance.
Le preneur peut encore être troublé dans fa
jouiffance par des tiers : par exemple, il eflùie un I
trouble, fi un voifin ou autre perfonne lui enlève
fes beftiaux, lui vendange fâ vigne, lui coupe fes
bleds ou fes foins y il en effuie également, lorf-
qu’un tiers prétend la propriété ou la jouiffance de
fobjet de fon. bail., ou demande à exercer deffus
un droit de fervitude.
Dans la première efpèce, le bailleur n’eft pas
obligé de garantir le preneur du trouble qu’il éprouve,
il ne hii refte qu’une aftion perfonnelle contre lës
délinquans: mais s’il ne peut lès découvrir , & que
ces excès l’aient privé dé tous les fruits de fa ferme,
il peut, demander au bailleur une remife, comme
dans les cas fortuits, dedans les accfdéns de force
majèure.
Dans la fécondé efpèce, lé bailleur eft.tenu de
garantir lé preneur du trouble qu’il effuie de la
part d’iin tiers, dé l’indemnifer de la perte qu’il
éprouve à cette occafion , & de lui donner dés
dommages & intérêts , ..fi par l’événement il 'eft
évincé de la jouiffance de fon bail. Mais fi la caufé
de l’éviéfion de la jouiffance ne. procède pas du
fait dû locateur,’ lorfque,.par exemple, il a-été
obligé , par autorité publique, dé céder une maifon
qu’il avoit louée ,1 e preneur peut demander la résolution
de fon bail, mais il ne peut exiger de dommages
& intérêts.
Troifième engagement. Le bailleur eft obligé d’entretenir
la chofe louée , de manière que le preneur
puiffe en jouir: âinfi lorfque , je prends un
appartement à bail ,1 e bailleur contracte tacitement
l’obligation de le réparer de façon que je puiffe faire
un ufage commode & convenable des différentes
pièces • dont il eft compofé.
De cette obligation dérive particuliérement celle
de tenir lé preneur clos & couvert ; c’éft-à:dire, que
le bailleur doit faire enforte que la pluie ne pénètre
pas dans les pièces qui compofent l’appartement,
& que perfonne ne puiffe s’y introduire par les
portes ou- par lés fenêtres contre le gré du preneur.
S’il s’agit d’une métairie, il faut que les batimens
en foient réparés de manière que le fermier, fon
bétail, fes grains- & fes effets y puiffent être-en
fûreté, & à fàbri des tentatives des voleurs.
Si le bailleur nêgligeoit de remplir fes engage-
mens à cet égard, le preneur feroit en droit dé
diriger une aâion contre lu i, & de conclure à ce
qu’il fût condamné à faire , dans un bref délai, les
réparations dont il s’agit, finon que le preneur fût
autorifé à les faire faire aux frais du bailleur.
Si le bailleur contre lequel on a dirigé une pareille
aftion, la prétend mal fondée, le juge doit
ordonner une vifite pour reconnoîtr-e fi les réparations
à l’égard defquelles le preneur fait des pour-
fuites, font réellement à faire ; & s’il réfui te de
la' vifite que l’adion eft fondée, le juge ordonne
que le bailleur fera tenu de réparer les chofes dans
un délai qu’il détermine : il autorifé en même temps
le preneur à faire ces réparations aux frais du bailleur
, fi celui-ci néglige de les faire dans le délai fixé.
Lorfque la négligence du bailleur à faire les réparations
pour lefquelles il eft pourfuivi, a occa-
fionné du dommage au preneur, il peut demander
que le bailleur foit condamné à l’indemnifcr, il
peut même quelquefois conclure à ce que le bail
foit réfolù; ol fes concluions doivent lui être adjugées
,.fi les réparations à faire font telles qu’elles
exigent des avances confidérables, & que le bailleur
ne fe mette pas en devoir de les faire.
Quatrième engagement. Il faut encore compter
parmi les obligations du bailleur, celle de garantir
les vices dé ^la chofe louée, lorfqu’ils empêchent
le preneur den jouir; mais cette garantie ne s’étend
pas aux defauts qui ne font que rendre moins
commode l’ufage de la chofe louée. Ainfi lorfque
ayant pris a bail un terrein pour y faire paître des
brebis, il s’y trouve des herbes qui font périr ces
animaux, il eft clair que ce fera un obftacle qui
m’ôtera toute jouiffance du terrein loué ; le bailleur
fera par conféquent obligé envers moi à la garantie.
Il en fera - de même f i , ayant loué des vaif-
feaux pour y mettre de l’huile, du vin ou d’autres •
liqueurs, le bailleur me les remet fi mal conditionnés
que je ne puis en tirer aucun fervice ;
mais fi j ai ^lôue. un cheval qui ait, par exemple,
le défaut d être rétif ou peureux , comme cela ne
peut pas m’empêcher de faire le voyage que j’ai
eu en vue, ni par conféquent d’ufer de la chofe
louee, le bailleur ne peut être tenu d’aucune garantie
envers moi à cet égard..
M. Pothier obferve fur cette matière, que le
bailleur eft obligé de garantir les vices qui empêchent
la .jouiflance-de la chofe louée, non feulement
lorfque ces vices exiffoient dans le temps de
la convention, mais encore lorfqu’ils n’ont eu lieu
que poftérieurement. En cela,'ajoute l’auteur cité,
le bailleur différé du vendeur, puifque celui-ci ne •
I fauroit -être garant que des vices qui exiftoient au
temps du^ contrat: la raifon de la différence eft
fenfiblé, c eft que immédiatement après que la vente
a reçu fa perfeéfion, par le confentement des parties
, la chofé ne doit plus être aux rifques du vendeur
, puifqu’il n’en eft plus propriétaire ; au lieu
que le bailleur confervant toujours la propriété de
la chofe, c eft une néceffité que les rifques ne
puiffent ceffer à fon égard. D’ailleurs dans le contrat
de vente, c’eft la chofe même que l’on a
vendue qui eft l’objet & le fujet du contrat ; c’eft
aflez que cette chofe ait exifté dans le temps de la
vente, pour que l’acheteur ne puiffe fe difpenfer
de payer ce qu’il eft convenu d’en donner : au
contraire , dans le contrat de louage , ce n’eft pas
proprement la chofe louée , c’eft plutôt la jouiffance
de cette chofe, continuée pendant tout le temps que
doit durer lé bail, .qui fait l’objet & le fujet de
la convention : c’eft pourquoi, lorfque le preneur
ne peut plus avoir cette jouiffance, le fujet du
contrat de louage manque, & lé preneur ne doit
pas par conféquent être obligé de payçr • le près
J d’une chofe dont il ne'peut plus jouir.