
On appelle encore bail, l’aéle qui contient la
convention qu’on défigne fous le nom de bail.
Le bail eft une convention très-ufitée & très-né-
ceffaire entre les hommes, parce que, n’étant pas
poflïble que chacun d’eux ait en propre toutes les
chofes dont il peut avoir befoin, ni qu’il faffe tout
ce que produit l’induftrie ou le travail des autres
hommes, il a fallu, pour pouvoir fe fournir de ce
qui appartient à autrui, qu’il s’en fit une forte de
commerce. Ainfi, lorfque quelqu’un poffède un appartement
qu’il ne veut pas habiter, il en transfère
Tu lage à celui qui en a befoin, moyennant un
loyer.
' Le contrat de bail ou loyer eft un contrat du
droit des gens qui fe gouverne par les feules loix
du droit naturel, & n’eft affujetti à aucune des formes
du droit civil : il eft confenfuel, parce qu’il fe forme
par le feul confentement des parties. Il eft fynal-
lagmatique, puifqu’il contient des engagemens réciproques.
Dans ce contrat, on donne le nom de locateur
& de bailleur à celui qui donne fa chofe à loyer :
& on appelle preneur ou locataire, celui qui doit
jouir ; ft la chofe louée eft un héritage de campagne,
il reçoit la dénomination de colon 8c de fermier.
Le contrat de louage ou le bail, eft une efpèce
de contrat de vente : car on peut dire que le bailleur
vend au preneur la jouiftance de la chofe baillé
e, pour le temps que doit durer le bail, moyennant
la fomme dont on eft convenu.
Aûffi, dans le bail comme dans la vente, trois
chofes forment-elles la fubftance du contrat de
louage : une chofe louée ^ un prix convenu pour
cette jouiftance, & le confentement des contradans.
Il eft aufii de fon effence que la chofe louée exifte,
& qu’elle foit fufceptible d’üne jouiftance. Car fi,
lors du contrat, la chofe qui en faifoit l’objet, n’exif-
toit pas, il feroit nul, 8c il n’en réfulteroit aucune
obligation, foit de la part du bailleur, foit de celle
du preneur.
Pour mettre plus d’ordre & de précifion dans ce
que nous avons à dire fur la matière du bail, nous
le diviferons en feize fe&ions dans lefquelles nous
traiterons, i°. des chofes qui peuvent être louées;
2°. des perfonnes qui ont la capacité requifç pour
louer; 30. de la jouiftance de la chofe donnée;
4°. de la durée du bail; 50. du prix du bail; 6°. du
confentement des parties; 70. des engagemens du
bailleur, Sc des aérions qui en naifient; 8°. des engagemens
du preneur; 90. des réparations locatives;
1 o°. des obligations du preneur, réfuîtant des claufes
du bail; 1 1°. des motifs qui font accorder au preneur
la remife des loyers; 120. du privilège accordé
au bailleur par la loi Æde ; 130. des droits & obligations
du preneur vis-à-vis des héritiers 8c fuc-
cefleurs du bailleur; 140. des caufes qui peuvent
opérer la réfolution du bail; 150. des dommages
& intérêts réfuîtant de l’inexécution du bail; 16°. des
fins de non-recevoir contré la demande en paiement
des loyers.
^ S e c t i o n p r e m i è r e !
Des chofes qui peuvent être louées.
On peut dire en générai qu’on a le droit de donner
8c de prendre à loyer toute efpèce de chofes,
meubles 8c immeubles, même les chofes incorporelles
, tels que les droits de fervitude, de cham-
part, de dixmes ; les droits feigneuriaux d’un du-c
che, d un comté, d’une baronnie, & généralement
de tous les fiefs : cette convention s’étend même
aux arrérages de cens, aux amendes 8t profits de
fief qui doivent écheoir pendant la durée du bail.
On peut donner à bail les droits de juftice : ce
qui s’entend des différens droits utiles, tels que
les amendes & les confifeations. Les greffes, les
offices de notaire Sc d’huifiiers font fufceptibles du
contrat de louage : il y a même des chofes qu’on
ne peut vendre, 8c qu’on peut donner-à bail; par
exemple, les biens domaniaux dont la propriété eft
inféparable de la couronne ; le temporel d’un bénéfice
dont le titulaire n’a que l’ufufruit : ce qui
s’étend même jufqu’au cafuel du bénéfice dont le
preneur a droit de jouir.
Au refte, il fera très-aifé de connoître les chofes
qui peuvent entrer dans le contrat de louage, en
faifant l’énumération de celles qui ne peuvent y
entrer.
Le droit de patronage, attaché à une terre, peut
être vendu avec la terre comme une de les dépendances
^ & la propriété en pafte à l’acquéreur : mais,
quelque étendues que fuflent les claufes du bail de
cette terre, le preneur ne feroit jamais fondé à prétendre
l’exercice du droit de patronage. La raifon
en eft que, par le bail d’une terre, le bailleur ne
transfère que la jouiftance des droits utiles, & non
celle des droits purement honorifiques, comme eft
le droit de patronage. Par la même raifon, le fermier
d’une terre feigneuriale n’a pas le droit d’exiger
, dans l’églife, les honneurs qui fout dus à fon
bailleur.
La chafle étant confidérée comme un exercice
noble qui n’a été permis aux genilshommés & aux
poffeffeurs de fiefs, que pour leur plaifir, & non
pour en tirer de l’argent y différentes loix ont détendu
de l’affermér, foit dans les domaines du rot,
foit dans ceux des feigneurs laïques ou eccléfiaftiques.
Le preneur peut néanmoins ftipuler, dans le bail^
une permiffion de chaffer.
En Lorraine, les feigneurs peuvent céder à leurs
fermiers le droit perfonnel qu’ils ont de chaffer, &
celui de pouvoir établir un chaffeur.
Les cimetières, les chapelles, les églifes & toutes
les chofes deftinées ou confacrées au culte divin,
ne peuvent être ni louées ni vendues : il en eft de
thème des places d’une v ille, des rues, des promenades
8c des autres chofes dont l’ufage appartient
au public. Obferve? néanmoins que toutes ces chofes
peuvent être louées, lorfqu on çn a changé le (jet-
vice ou la deftination.
Toutes les chofes qui fe consomment par l’ufage
qu’on en fait, telles que l’argent comptant, les grains
& les liqueurs, ne peuvent faire la matière du bail,
parce que , dans ce contrat, le bailleur conferve la.
propriété de la chofe donnée à bail, il n’en cède au
preneur que la jouiftance 8c l’ufage, 8c que ce dernier
, au terme fixé, doit rendre au bailleur la chofe
en nature.
On ne peut pas également donner à bail une fervitude
perfonnelle, parce qu’elle eft inhérente à la
perfonne en faveur de qui elle a été conftituee ; mais
lés fervitudes prédiales peuvent s’affermer conjointement
avec l’héritage auquel elles font dues. S’il
n’en avoit pas été fait mention exprefle dans le bail
de l’héritage, le preneur auroit le droit d’en jouir,
par la raifon qu’elle eft originairement établie pour
l ’utilité de cet héritage, 8c, qu’elle fait partie de fes
aifances 6c dépendances.
S e c t i o n II.
Des perfonnes qui ont la capacité requife pour louer.
Tout propriétaire capable de Contra&er peut donner
à bail les chofes qui lui appartiennent.
Et comme un bail n’eft; qu’un, aéle d’adminiftra-
lion, le mineur émancipé peut valablement affermer
fes biens.
Il en eft de même de la femme féparée de biens
d’avec fon mari.
Lorfque cette féparation n’a pas lieu, c’eft au
mari qu’appartient, durant la communauté, le droit
de louer les biens de fa femme ; mais les baux qu’il
pafié , ne peuvent excéder neuf années.
Les mêmes règles s’appliquent aux tuteurs, relativement
aux baux des biens de leurs mineurs.
Il faut remarquer que les baux de cette efpèce
ne doivent pas être faits par anticipation, c’eft-à-
dire, qu’avant l’expiration du bail aétuel, on ne
ffeut louer de nouveau les biens y énoncés, plutôt
que la plupart des propriétaires n’ont coutume de
le faire.
Selon le droit cômmun, le bail n’eft pas cenfé
fait par anticipation, lorfque, pour les maifons des
villes, il n’eft fait que fix mois avant l’expiration du
bail fubfiftant, 6c qu’on ne le renouvelle pour les
biens de campagne, que quand il n’en refte plus
qu'une année à écouler.
Obfervez que, quoiqu’un bail par anticipation ne
produife aucune obligation contre la perfonne dont
on a loué les biens, parce que l’adminiftrateur a
fait ce qu’il n’étoit pas en droit de faire, cette perfonne
peut néanmoins, fi elle le juge à propos, ufer
du bénéfice du bail, fans que le preneur puifte demander
la nullité de la convention.
Puifque les baux font des aéles d’adminiftration,
il faut en tirer la conféquence que c’eft aux admi-
niftrateurs des biens des communautés, qu’appartient
le droit de louer ces biens, en obfervant toutefois
les formalités preferites à cet égard.
Lorfque des biens font poftedés par indivis, il
faut le confentement de tous les propriétaires pour
en pafter bail : cependant comme il ne feroit pas
jufte que le refus de quelqu’un d’entre eux préjudiciât
aux autres, la jurifprudence a établi des règles pour
parer à cet inconvénient. Ainfi, dans le cas d’un
tel refus, chacun des propriétaires peut agir à l’effet
de faire adjuger eh juftice le bail des biens indivis,
au plus offrant & dernier enchériffeur.
’On peut encore employer une voie plus prompte :
c’eft de faire à ceux qui refufent de louer, une fornication
de comparoître chez un notaire pour fouf-
crire le bail projetté, fi mieux ils n’aiment faire
trouver un locataire qui faffe leur condition meilleure.
Cette fommation doit expliquer le prix 8c les
conditions du bail dont il s’agit.
Si l’on ne fait aucune réponfc à cette fommation
, Ou f i , en comparant chez le notaire, ceux à
qui elle a été faite, ne propofent pas un locataire
qui faffe aux propriétaires communs une condition
meilleure que celle du bail projetté, ceux qui ont
agréé ce bail, font autorifés à le pafter, ' fans que
les autres propriétaires par indivis puiffent par la
fuite être reçus à l’attaquer : cela eft d’autant plus
jufte que, fans ce tempérament, les uns pourraient
être les viérimes de la mauvaife volonté des autres.
Lorfqu’on a l’ufufruit d’une métairie ou d’autres
biens, on peut les louer fans la participation de
celui qui en a la propriété ; mais il y â d’ailleurs cette
différence entre un ufufruitier 8c un propriétaire ;
que celui-ci peut louer la chofe pour être employée
à des ufages auxquels elle n’avoit point été deftinée
auparavant; au lieu que l’ufufruitier ne peut louer
l’objet de fon ufufruir pour être employé à d’autres
ufages que ceux auxquels il a coutume de fervir.
Suppofons, par exemple, qu*ime maifon qui a toujours
été occupée comme maifon bourgeoife, foit
louée par le propriétaire pour y établir une manufacture
de porcelaine, ce propriétaire n’auroit fait
en cela qu’ufer du droit qu’il avoit de faire de fon
bien ce que bon lui fembloit; mais fi l’ufufruitier
d’une pareille maifon paffoit îtn bail femblable, le
propriétaire feroit en droit de s’y oppofer.
Celui qui a pris une chofe à loyer, a communément
la liberté de la fous-bailler „pour le temps
de fon bail ; mais le fous-locataire, ne pouvant avoir
plus de droit que le locataire , ne peut pas non plus
employer la chofe à d’autres ufages que ceux auxquels
elle eft deftinée.
Les juges, les commiffaires, les avocats, les
procureurs 8c leurs clercs ou commis ne peuvent
pas être fermiers judiciaires des biens faifis dans la
jurifdiétion ou ils font établis, à moins qu’ils ne
foient oppofans en leur nom pour créances dont
le titre foit antérieur à l’enregiftrement de la laifie-
réelle. Telles font les difpofitionsde l’article 35 du
réglement de 1722, 8c de l’article 132 de l’ordonnance
de Blois. Les femmes 8c les feptuagènaires
ne peuvent de même prendre aucun bail judiciaire,
parce qu’ils ne font pas fujets à la contrainte par