
Se c t i o n IV,
Des avantages frauduleux*
ï°* Avantages frauduleux par. interpofiùon de perfonnes.
Dans le cas ou l’on fait qu’il n’eft point
permis d’avantager ceux que l’on voudroit gratifier,
on cherche fouvent des détours en recourant à de
tierces perfonnes ; mais ces moyens, aux yeux«
de la juftice, jië font pas plus heureux que ceux
qui paraîtraient plus ouvertement contraires à la
loi.A
infi, lorfqu’il n’eft point permis d’avantager une
femme, on ne peut faire pafler cet avantage ni au
père ni à^ la mere de la femme, non plus qu’aux
enfans qu’elleauroit d’un premier mariage ; la fraude,
en ce cas, fé manifefte prefque auffi ouvertement
que fi elle agiffoit directement. Il faut dès-lôrs
prendre pour règle générale que le père, la mère
& les enfans de la perfonne prohibée, font compris
dans la prohibition : nous dirons auffi que la
femme de la perfonne prohibée y eft également
çomprife; de façon que le mineur, qui ne peut
avantager fon tuteur, ne pourroït non plus avantager
la femme de ce dèrnier.
A l’égard des frères Sc des foeurs de la perfonne
prohibée, la chofe n’eft pas la même, à moins
qu’il n’y ait de violens foupçons de fraude ; lorf-
que les foupçons ne peuvent pas s’éclaircir de
façon à donner une efpèce de certitude, la juftice
alors n a d autre reflource que de demander l’affirmation
des perfonnes avantagées; & lorsqu’elles
font-ferment que la libéralité eft pour elles, &
qu’elles ne fe font prêtées à aucune fraude , on
leur adjuge Xavantage dont il s’agit.
Dans les coutumes qui défendent d’être héritier
& légataire en ligne collatérale, on ne laiffe pas
de regarder comme bon 8c valable le legs fait à
L’un des enfans de l’héritier qui recueille la fuc-
ceffion. C’eft fur ce fondement qu’on a jugé dans
la coutume de Poitou,-par arrêt $u 9 décembre
1606 , qu’une donation faite ap mari de l'héritière
préfomptive étoit bonne, quoique par événement,
au moyen dun don mutuel, les biens fuftent re-r
tournés à la femme. On a pareillement jugé , par
arrêt du 12 juillet 1759, dans la même coutume,
que la femme de l’héritiçr préfomptif ne devoit
point être coipprife dans la prohibition.
a°: Avantage frauduleux par déguifement des cpn-
trats. Ç ’eft encore une rufe de la part de ceux qui
veulent avantager des perfonnes prohibées, de déguiser
les a&es à la faveur defquels ils Veulent leur
faire pafler leurs libéralités.
^ Un père, par exemple, ne peut avantager fon
fils autrement que par contrat de mariage : pour
éluder la loi, que fait-il ? Un contrat de vente au
profit d un de fes amis, avec mention que le prix
a été paye eu deniers comptons. Peu dç temps
apres, il fait exercer un retrait lignager au nom
de ce fils, il intervient fentçnce qui condamne à
pafl*er revente au profit de ce dernier : par le contrat
dev revente, on affe&e de ftipuler que les deniers
ont été empruntés d’un particulier, auquel
même on accorde toute fubrogation, & voilà le
fils propriétaire de l’héritage de fon père. Un fait
pareil peut-il nuire aux autres enfans P Non, fans
doute , lorfqu’on eft en état de prouver la fraude ;
mais lorfque cette preuve eft impoffible, il eft
certain que le fils profite de cette manoeuvre, parce
quil eft vrai de dire qu’il pouvôit exercer le retrait,
8c emprunter pour cet effet.
De même un teftateur ne peut difpofer que
d une certaine quantité de. fes biens , comme du
tiers, par exemple. Pour çluder la lo i, après avoir
epuife en faveur d’un particulier là faculté .que la
loi lui donnoit, il fe reconnoît enfuite débiteur
envers d autres particuliers, de tels & tels autres
objets, foir pour argent prêté ou autrement ; comme
ces reconnoiffances font cenfées être dés difpofi-
tions déguifées pour excéder les bornes de la lo i,
elles ne doivent avoir d’effet qu’autant que ceux
en faveur de qui elles fe trouvent faites, font en
état de prouver que ce que le teftateur déclare
leur devoir leur eft réellement dû; 8c cette preuve
fe reçoit facilement par témoins, parce que la déclaration
du teftateur eft déjà un commencement
de preuve par écrit.
Il eft pourtant bon d’obferver que lorfque ceux
en faveur defquels fe trouvent ces reconnoiffances,
ne font point des perfonnes prohibées, on commence
par épuifer pour eux le legs, parce qu’enfin
dans le doute, fi le teftateur a voulu excéder ou
non les bornes de la lo i, il eft naturel de penfer
qu’il a voulu que ceux pour lefqùels il fe décla-
roit débiteur , fuffent fatisfaits les premiers, fàuf au
légataire à profiter du furplùs. Dans quelques tribunaux
> ces prétendus créanciers n# font regardés
que comme des légataires, & on les fait com
courir au marc la livre , fi l’objet excède la faculté
de difpofer.
On demandera peut-être comment un a£te qui
ne peut valoir comme obligation , peut valoir
comnfe teftament ? Il eft vrai que dans la rigueur
des principes , cet ade ne peut avoir l’eftet d’un
teftament ; mais dans l’incertitude, fi la chofe eft
due ou non , on croit qu’il eft de l’équité d’en or-s
donner le paiement jufqu’à concurrence de la quotité
difponible, en affirmant par le prétendu créancier
que la chofe lui eft bien & légitimement due.
Si l’on nommoit. pour exécuteur teftam en taire
d’uné difpofition fecrete, une perfonne prohibée,
il eft certain que cette difpofition né pourrait s’exécuter.
Si le mari, par exemple ^ehargeoit fa femme
de prendre fur fa fuccèffion une certaine fomme,
pour en difpofer fuivant les intentions fecretes de
lui mari, ceci paraîtrait évidemment un avantage
prohibé, tout comme le ferait auffi ce qu’il lui
plairoit donner dans ce moment, au-delà des bornes
de la loi, pour la décharge de fa conférence.
3 Çaraflères de la fraude. Lorfque les parties
font
font intelligentes & fubtiles, rien n’eft fouvent
plus difficile que de découvrir la fraude qu’elles
ont eu deffein de pratiquer ; elle peut cependant fe
préfumer fur certains indices, comme nous venons
de le voir. Lorfqu’un acquéreur, par exemple,
n’avoit aucun intérêt de faire l’acquifition dont il
s’agit, foit à raifon de la fituation de fes affaires,
ou du peu de convenance de l’objët acquis, il eft
préfumé n’avoir prêté que fon nom pour la vente,
fans en avoir débourfé le prix. De même auffi,
lorfque le vendeur s’eft dépouillé d’un objet qui
lui convenoit, qu’il l’a fait fans y être contraint
par le dérangement de fes affaires, il eft préfumé
avoir fait cette vente gratuitement.
Par la même raifon , lorfqu’on a fait une libéralité
par donation ou par teftament, à une perfonne
plus riche que fo i, à une perfonne que l’on n’étoit
as dans le cas de voir familièrement ,• & dont
on n’avoit reçu aucun fervicê, on préfume que
c’eft un fidéicommis déguifé.
Lorfqu’un fils exerce le retrait d’un bien vendu
par fon père, & que ce fils n’étoit pas affez accrédité
F
pour trouver à emprunter la fomme nécef-
faire pour le rembourfement de l’acquéreur, il eft
dès-lors vraifemblabié ou que la vente n’étoit qu’une
aliénation finiulée, ou que le père a affeâé de
faire paraître un créancier pour, prêter au fils.
La fraude peut fe préfumer encore d’une infinité
d’autres manières, félon les voies différentes que
l’on emploie à la pratiquer: l’âge, le temps, le
lieu , les perfonnes, tout peut concourir à la dévoiler.
Mais il ne fuffit pas de fimples conjeâùres
pour l’établir comme fi elle étoit réelle. Ces con-
je&ures peuvent feulement autorifer le juge à admettre
la preuve de certains faits inconnus ,& qui
peuvent conduire à des découvertes ultérieures.
Il y a cependant des préfomptions qui ont une
connexité fi étroite avec le fait préfumé , qu’elles
. fuffifent en pareil cas pour déterminer la'religion
du juge. Mais il faut que ces préfomptions fe tirent
principalement de la nature des aftes & de la qualité
des parties, en obfervant toujours , comme
nous l’avons dit, que la préfomption de fraude eft
moins efficace entre parens éloignés que entre pa-
rens proches, 8c moins efficace encore à l’égard
des étrangers que de fimples parens.
Lorfque la loi n’a pas réglé que telle ou telle
préfomption tiendrait lieu de preuve, il refte à la
prudence du juge de fe déterminer fuivant les apparences
les plus probables. Mais dans le doute,
comme la fraude eft un moyen odieux à faire
valoir, & qu’on ne doit que difficilement fe décider
pour la nullité des aétes revêtus des formes
requifes, le parti le plus conforme à l’honnêteté
eft de ne point s’arrêter à de fimples foupçons, &
de donner aux aétes qu’on ne peut démontrer ouvertement
frauduleux, toute l’exécution que doivent
avoir, dans le cours ordinaire de la v ie , les
conventions qu’ils renferment.
Une dernière obfervation qui ne doit point nous
Jurifprudetice, Tome /,
échapper, c’eft que toutes les fois qu’il y a lieu
de réclamer contre lin avantage prohibé, il n’eft
point néceffaire d’obtenir des lettres de refcifion:
il fuffit d’exciper ou de la loi ou de la jurisprudence
adoptée pour le faire annuller.
A v antage , en Jîyle de Pratique ou de Palais ,
eft un defaut obtenu , foit par le demandeur oit
le défendeur, contre la partie non comparante.
Cet avantage confifte dans l’adjudication des conclurions
de la partie comparante , fi elles paroif-
fen; au juge avoir un fondement légitime , lauf au
défaillant à revenir par oppofition contre le jugement
obtenu contre lui par défaut. Voyez Jugement
& O pposition. (J7 )
AVARICE , f. f. ( Droit civil. Morale. ) c’eft
l’attachement exceffif à l’argent & aux richeffes ,
qui fait oublier à l’homme l’honneur 8c la gloire ,
dès qu’il s’agit d’éviter la moindre dépenfe, ou d’acquérir
des richeffes.
Nous laiffons aux moraliftes , le foin de montrer
la baffeffe de ce vice honteux ; il nous fuffit
de remarquer que Vavarice eft odieufe dans un juge ,
qu’elle met dans le cas de vendre la juftice au
lieu de la diftribuer.
On trouve, dans le corps du droit romain , plusieurs
loix contre l’avarice des juges. Conftantin
leur défendit , fous peine de la vie , de recevoir
même les petits préfens , appellés xenia , que les
anciennes loix leur permettoient d’accepter.
Nous avons auffi , dans notre code, plufxeurs loix
pour réprimer & punir Y avarice des juges : telles
font les ordonnances de 14 4 6 ,14 53 ,14 9 3 k « ;
8c celles d’Orléans 8c de Blois. '
AVARIE , f. f. ( Droit maritime.) en terme de
marine , on entend , par avaries, les accidens, pertes
& dommages , & les dépenfes extraordinaires
qui arrivent aux vaiffeaux & aux marchandifes pendant
le cours de la navigation , depuis leur chargement
8c départ, jufqu a leur arrivée 8c débarquement.
L’ordonnance de la marine , au titre des avaries ;
en diftingue plufieurs efpèces. Les avaries fimples
ou particulières , les groffes ou communes , 8c les
menues.
On appelle avaries fimples les dépenfes extra 1
ordinaires faites pour le bâtiment feul, ou pour
les marchandifes feulement ; 8c alors le dommage
arrivé en particulier , doit être fupporté 8c payé par
la chofe qui a fouffert ce dommage ou caufé la
dépenfe.
On met au nombre des fimples avaries, la perte
des çables, des ancres, des voiles, des mâts 8c des
cordages, arrivée par la tempête ou autre fortune
de mèr ; 8c encore le dommage des marchandifes
caufé par la. faute du maître du vaiffeau ou de l’équipage
, foit pour n’avoir pas bien fermé les écoutilles
ou bien ancré le bâtiment, foit pour n’avoir
pas fourni de bons guindages 8c cordages, &c. toutes
ces avaries doivent tomber fur le maître 3 le
vire 8c le fret»