
breux, parce qu’on a donné des armes à M o y fe ,
à Jofué, aux douze Tribus, à Efther, à David , à
Judith , &c. 8c d’autres, dès les temps héroïques,
8c fous l’empire des Afiyriens, des Mèdes oc des
Perfes ; ceux-ci s’appuient fur Philoftrate , Xéno-
phon 8c Quint-Curce ; quelques-uns prétendent
qu’Alexandre régla les armoiries 8c l’ufage du bla-
ion ; le père Monet veut qu’elles aient commencé
fous l’empire d’Augufte ; d’autres, pendant les inondations
des Goths , & d’autres , ious l’empire de
Charlemagne. Chorier , dans fon hiftoire du Dauphiné
, remarque que chaque foldat Gaulois fai-
foit peindre fur fon bouclier, quelque marque qui
lui étoit propre , 8c par la vue de laquelle il pou-
voit être reconnu entre fes compagnons ; il cite ,.
fiir cela, Paufanias, qui le dit en effet ; 8c c’e f t là ,
felonChorier, l’origine des armes des familles nobles.
Il dit ailleurs qu’il y auroitde l’ignorance à croire que
les Romains aient entièrement manqué d'armoiries ;
mais qu’il n’y en auroit guère moins à foutenir
qu’ils en aiènt eu qui fuffent propres à chaque famille.
Spelman dit que ce font les Saxons, les Danois
8c les Normands , qui les ont apportées du
Nord en Angleterre, 8c de-là en France. Il eft
certain que , de temps immémorial, il y a eu , parmi
les hommes , des marques fymboliques, pour
fe diftinguer dans les armées, 8c qu’on en a fait
des orneinens de boucliers 8c d’enfèignes^mais ces
marques ont été prifes indifféremment pour devi-
fe s , emblèmes, hiéroglyphes, 6*c. Ce n’étoient
point des marques héréditaires de la nobleffe d’une
maifon , réglées félon l’art du blafon , 8c accordées
pu approuvées par les fouverains. Ainfi-, avant
Marius, l’aigle n’étoit point l’enfeigne perpétuelle
des généraux romains ; ils portoient indifféremment
dans leurs étendards, ou un loup , ou un léopard ,
ou un aigle, félon le choix de celui qui comman-
doit. On remarque la même diverfité à l’égard des
François ; ce qui fait que les auteurs font partagés ,
lorfqu’ils parlent des armoiries de France.
Ceux qui prétendent qu’elles doivent leur origine
aux tournois 8c aux carrouiels, difent qu’an-
v ciennement, dans les fpeâacles, les cavaliers fai-
foient peindre , fur leurs boucliers , des chiffres,
ou devifes 8c emblèmes, pour marquer leurs belles
aâions , leurs inclinations , leurs pallions, ou
quelque autre chofe à leur avantage, ou à celui de
leurs dames ; que, dans ces occafions , ils portoient,
comme un témoignage public de leur palKon , les
couleurs pour lesquelles leurs dames s’étoient déclarées
, 8c qu’ils en parfemoient ou partageoient
leur écu. Quoi qu’il en foit, les armoiries font devenues
, par la fuite , le figne diftinâif des différentes
maifons 8c familles nobles.
Des juges établis fur le fait des armoiries. Pour
maintenir l’ordre 8c la police dans le port des armoiries
, 8c prévenir les ufurpations à cet égard ,
Pliilippe-Augufte créa un roi d’armes de France,
dont les fon&ions furent de tenir , fous l’infpec-
•ïioji 8c furintendancc du .connétable 8c des murécharix
de France , des regiftres de toutes les familles
nobles, de' leurs armoiries blafonnées , 8c du
nom, furnom 8c qualité de quiconque avoit droit
d’en porter. Mais Charles V ayant, par fa chartre
de l’an 1371 , accordé aux parifiens les privilèges
de la noblefîe, ils fe virent autorifés à porter des
armoiries , 8c , fur cet exemple, les notables bourgeois
des autres villes en prirent auffi.
Charles VIII , voulant réprimer les abus qui
s’étoient introduits à cet égard, créa, en 1487 ,un
maréchal {Farines de France, auquel il attribua les
mêmes fondions , que l’ancien roi $ armes avoit
négligé d’exercer.
Les rois, fucceffeurs de ce prince, firent, dans
le même efprit, différens réglemens fur ce fujets,
comme le prouve l’art. 90 de l’ordonnance d’Orléans
, publiée fous Charles IX ; l’art. *57 de celle
de Blois, publiée fous Henri III ; 8c la déclaration
de Henri I V , du 23 août 1598. Mais la licence
des temps ayant rendu ces réglemens fans effet ,
la ncbleffe de France fupplia Louis XIII, en 1614*
de faire faire une recherche de ceux qui avaient ufurpé
des armoiries , au préjudice de Vhqnneur & du rang
des grandes maifons & anciennes familles.
Sur ces remontrances, il fut créé, par édit du
mois de juin 1615 , un jiige d'armes de la nobleffe
de France, auquel toute jurifdiâion fiit attribuée ,
pour connoître du fait des armoiries 8c des contef*
tations qui pourroient en naître , à la charge de
l’appel en dernier reffort, pardevant les maréchaux
de France. Cet officier fut en même temps chargé
de dreffer des regiftres univerfels, pour y inférer
le nom 8c les armes des perfonnes nobles ; 8c il
fut ordonné à celles-ci de fournir aux baillis 8c
fénéchaux les blafons 8c armes de leurs maifons %
pour y être envoyés. Il fut d’ailleurs fait défenfe
à quiconque feroit à l’avenir honoré du titre de
nobleffe, de porter des armoiries, qu’elles n’euffent
été reçues par le juge d’armes, 8c qu’il n’en eûl
donné fon attache.
Louis XIV ayant reconnu qu’à défaut d’autorité
fur les baillis 8c fénéchaux , le juge d'armes n’a-
voit pu former des regiffres affez authentiques pour
conferver le luftre des armoiries des grandes & anciennes
maifons, 8c fixer celles des autres maifons
qui avoient droit d’en porter, prit le parti de fup-
primer l’office de juge d'armes, 8c d’établir un dépôt
public ou dévoient être enregistrées toutes les
armoiries. Il créa en conféquence différentes maî-
trifes particulières , lefquelles dévoient connoître
chacune dans fon diftriâ , de tout ce qui auroit
rapport aux armoiries , à la charge de l'appel en
derniere in fiance , pardevant une grande maîtrife
générale 8c fouveraine à Paris. Mais les offices créés
pour compofer ces maîtrifes n’ayant point été levés
, cet établificment ne put avoir lieu , 8c par
édit du mois d’avril 1701, l’office de juge d‘armes
fut rétabli.
Louis X V , ayant voulu effectuer le projet fois*
mé par Louis XIV , rendit , 1e 2.9 juillet 1760,
une
«ne ordonnance qui , faute d’enregiftremenf au
parlement, n’a point eu d’exécution.
De ceux qui ont le droit d’avoir dés armés.^ Originairement
les gentils hommes feuls jouiffoient du
droit d’avoir un écuffon , fur lequel ils faifoient
peindre leurs armes ; 8c lorfque le roi ennoblit un
roturier, il l’autorife à avoir des armes , qui ordinairement
font repréfentées -au bas des lettres d ano-
bliffement.
Les armoiries paroiffent être tellement affeâées
à la nobleffe , qu’on brife l’écuffon d’un gentilhomme
dégradé ; 8c qu’on l’enterre , lorfque le
dernier rejetton d’une maifon vient à mourir.
Le roi Charles V , par une chartre de 1371»
ayant ennobli les parifiens , ils prirent des armoiries.
Leur exemple fut bientôt fuivi par les habi-
tans des autres villes , quoiqu’ils n’euffent pas les
mêmes droits ; ils ont toujours continué à les porter
, parce qu’on ne les a jamais troublés dans leur
poffeffion : cependant, fuivant les ordonnances , il
n’y a que les nobles qui puiffent avoir écu , ou
armes timbrées.
Maréchal , dans fon Traité des droits honorifiques
, cite un arrêt du parlement de Dijon, qui a
condamné des bourgeois en 1000 liv. d’amende,
parce qu’ils portoient des qrmoiries 6c prenoientla
qualité de nobles.
Les académies , les univerfités , les villes , les
provinces , les communautés ont des armes ; mais
il faut que ces corps les reçoivent du fouverain,
8c ils ne peuvent les changer fans fk permiffion.
Les gentilshommes ayant diffingué leurs armoiries
par le heaume 011 armure de tête, qu’on nomme
auffi cafque 8c timbre , les roturiers ont auffi
timbré les leurs , malgré les défenfes qui en ont
été faites dans les ordonnances d’Orléans , art. 206 ,
8c de Blois, art. 255. Anciennement la haute nobleffe
feulement ufoit du privilège de timbrer fes
armes ; les fimpies gentilshommes les portoient nues
8c fans timbre. Aujourd’hui lés femmes portent
encore leurs armes fans timbre ; leur écuffon eft
en lozange, entouré de cordelières, qu’on nomme
lacs d’amour.
Les couronnes de comtes 8c de marquis, fervent
aujourd’hui de timbre aux armoiries des roturiers.
L’édit de 1696 les autorifoit à demander au
prince le droit d’armoiries , 8c il eft libre d’en prendre
à ceux qui en ont obtenu la permiffion ; mais
comme cette loi n’a jamais été révoquée, 8c fub-
fifte encore dans toute fa vigueur ; qu’elle prononce
300 liv. d’amende contre ceux qui nfurpent indue-
inent le droit de porter des armes , on pourroit
l’exiger de tous ceux qui fe fervent d’armoiries fans
titre, 8c leur faire en outre fupporter la confifca-
tion de tous les meubles , fur lefquels elles fe trou-
veroient peintes.
Ceux qui , par rapport à une charge ou à une
dignité, ont -le droit de prendre , dans leur écuft-
fon , certaines marques d’honneur qui cara&érifent \
Iêu* état , font dépouillés du privilège de porter
Jurifpritde.ucg, fpm
ces ornemens extérieurs, par la perte ou la vente
de leur office ou dignité. Ainfi, un duc 8c pair,
un préfident à mortier , ne peuvent plus pofer leurs
armes fous le manteau herminé, lorfque le duc n’eft
plus poffeffeur de la pairie , 8c que le préfident à
mortier a réfigné fon office ; cependant fi le roi
leur conferve les honneurs de leur dignité , ils
peuvent continuer à en porter les marques, mais
leurs enfans n’ont pas le même droit.
Lorfqu’une famille noble eft éteinte, ou du moins
qu’il n’en refte plus de mâles, il faut le concours
de l’autorité fouveraine , pour donner le droit à
quelqu’un de porter le nom 8c les armes de cette
famille. Ce principe eft certain ; il eft fondé fur ce
que les particuliers ne peuvent valablement faire
entre eux aucune convention contraire à l’ordre
établi par le fouverain, à moins qu’il n’y ait donné
fon approbation. O r , cet ordre exige que les
enfans portent le nom 8c les armoiries de leurs
pères. Auffi , dans les lettres-patentes du mois de
novembre 15 7 a , par lefquelles Antoine de Bh.n-
chefort fut autorité à porter le nom 8c les armes
de Créqüi, le roi s’exprime ainfi : à nous feuls appartient
de permettre la mutation & changement de cri,
noms & armes des grandes & illuflres maifons , 8cc.
Obfervant néanmoins que les lettres , par lefquelles
le roi autorife un fujet à prendre îe nom
oc les armoiries d’une famille, demeureroient fins
effet, s’il y avoit encore des mâles de cette famille,
8c qu’ils s’ôppofaffent à l’enregiftrement de ces lettres.
La raiton en eft que , quand le fouverain
accorde une grâce , il ne veut pas qu’elle'porte
préjudice aux droits d’un tiers.
La fille, qui époufe un homme noble , conferve
les armoiries de fa famille , 8c elles fe placent a»
côté gauche de celles de fon mari.
Du droit de faire pofer fes armes dans Téglife.
Lés feigneurs hauts-jufticiers 8c les patrons peuvent
faire mettre leurs armoiries dans leurs juftices
ou fondations, mais celles du patron doivent être
placées au-deffus de celles du haut-jnfticier. Le
Prêtre rapporte un arrêt qui l’a ainfi jugé le 2.5.
août 1614.
Quoique le patronage 8c les droits honorifiques
foient tranfmis, par la vente de la terre à laquelle
ils font attachés, l’acquéreur n’eft point pour cela
autorifé à ôter les armoiries des patrons , parce que
ce feroit faire une injure à leur famille. Cet ufage
eft conforme aux ioix romaines , qui défendoient
d’effacer l’infcripfion mife en l’honneur de celui
qui avoit fait un ouvrage public.
La chambre de l’édit a jugé conformément à *
ces difpofitions , par arrêt du 2.2. mai 1658 , en
défendant à l’acquéreur d’une terre ou il y avoit
un couvent de cordeliers , fondé paries aïeux du
duc de Rohan ^d’ôter.-de deflus les vitres 8c autres
endroits, les armpïriçç des, fondateurs. Ç ’eft que ces
marques d'honneur , étant tout à la fois des monu-
mens de libéralité 8c de reconnoiffance, doivent
bien mojn$ être confidérçes comme réelles , q«©
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