
Y accaparement, nous font voir que les vues de Henri
IV & de SulU n’avoiént pas été approfondies, &
qu’on les crovoit peu propres à entretenir l’abondance
, 8c à (outènir le bas prix des denrées. Mais
le .procès fingulier pour un accaparement de mar-
chandifes d’épiceries, dans lequel fut impliqué M.
le duc de la Force, a donné lieu à la révolution
qui s’eft faite dans les efprits.
Melon, qu’il s’étoit attaché par fes bienfaits, exa-
tnina ce que c’étoit qu’approvifionnement, commerce
, concurrence, liberté, abondance. Le fruit
de fon travail fut de donner au public fon effai politique
fur le commerce, qui fut bientôt fuivi des
réflexions politiques de Dntot, Fur les finances 8c
le commerce. On apprit alors que le commerce eft
l ’échange du fuperflii contre le néceflaire ; que la
liberté eft de fon effenee ; qu’elle eft préférable à
la prote&ion ; que les plus grandes abondances de
bled font prefque toujours, fuivies de la difette ,
peut-être parce que l’aviliffement du prix-a découragé
le laboureur.
Ces vérités ont enfin dirigé les mouvemens de
notre légiflation : un arrêt du confeil de 1743 permet
le tranfport des grains de province à province,
6c de port à port, à la charge d’en faire déclaration
aux intendans; M. d’Agueffeau écrivoit en
1748 ,au parlement de Bordeaux, que le monopole
pou voit être un crime, mais que les recherches pour
le punir efFrayoientJ.es négocians, les empêchoient
«Temmagafiner, 8c par conféquent d’approvifionner
les villes; que ces aftes d’éclat augmentaient le
m a l, 8c que la liberté indéfinie étoit le feul moyen
de pourvoir à l’approvifionnement. Après cette lettre
, parut en 1734, un arrêt du confeil, qui déclara
le commerce des grains libre par terre 8c par
eau, dans tout l’intérieur du royaume, fanspafle-
ports ou permiflions particulières, 8c qui permit
îndiftin&ement à toutes perfonnes, l’exportation,
même hors du royaume, des bleds des provinces
de Languedoc, d’Auch & de Pau. La déclaration
de 1763 a été rendue dans le rt^rne efprit, Mais l’édit
de 1764 a été beaucoup plus loin. Après avoir
confirmé les difpofitions des arrêts du confeil, &
de la déclaration de 1763 , fur la, liberté du commerce
libre des grains, dans l’intérieur du royau-t
m e , il accorde la permiflion de le faire à toute
cfpèce de perfonnes , même aux gentilshommes
6c privilégiés, aux étrangers 8c aux régniGoles ; il
-autorife les emmagafinemens, 8cabroge enfin toutes
les loix prohibitives quiavoient eu lieu jufqu’alors.
Cet édit, enregiftré dans toutes les cours avec
acclamation 8c reconnoiffance, n’a pu fixer invariablement
la jurifprudence. Le prix exceflif des bleds
en 1769 8c 1770 excita l’attention des magiftrats;
on crut voir naître de la loi qui permettait la liberté
du commerce, les moyens d?exercer le mo?
nopole, 8c le parlement de Paris fit revivre les
anciens réglemens fur l’enharrement, Vaccaparement,
le monopole; 8c la vente dans les marchés. Un
arrêt dp confeil du 23 décembre 1779 renouvella,
ainft que teux du parlement, les aflcieflries pr<3|
hibitions.
Nous avons flotté pendant dix ans dans l’incertitude
, mais les principes fe font raffermis au milieu
des contradi&ions ; l’expérience nous a éclairé,
les préjugés ont difparu, oc nous oublions peu-à-
peu jufqu’aux noms d’amas, d’accaparement 8c de
monopole. L’arrêt du confeil du 13 feptembre 1774;
revêtu de lettres-patentes enregiftrées dans tous les
parlemens, a fixé les idées, 8c établi une jurifprudence
uniforme.
Le préambule de cet arrêt contient le véritable
développement des principes fur la liberté du commerce
des grains, il a porté la conviâionÔC l’évi?
dence dans l’efprit des magiftrats, qui l ’ont faifi
avec tranfport ; c’eft un monument éternel de la
bonté 8c de la bienfaifance du roi, qui y parle,
par-tout comme le véritable père de fon peuple.
Nous regrettons que ia nature de notre ouvrage
nous empêche de l’inférer en entier, mais nous
allons donner 4e précis de fes difpofitions. ^
L’article premier permet à toutes perfonne|p de
quelque qualité 8c condition qu’elles foient, de faire
le commerce des grains dans l’intérieur du royaume
, de les vendre 8c de les acheter , même hors
des halles 8c des marchés, de les garder, 8c de les
voiturer où bon leur femblera. Le fécond fait dé-
fenfe à tous officiers, 8c notamment à ceux de police
, de mettre aucun obftacle à la circulation des
grains 8c des farines, fous quelque prétexte que ce
jfoit; comme aufli de contraindre les laboureurs
8c autres, de les conduire aux marchés ; le troi-
fième annonce que le roi ne fera faire à l’avenir
aucune efpèce d’achat de grains pour fon compte 1
le quatrième permet aux régnicoles 8c aux étrangers
d’importer dans le royaume des bleds étrangers
, d’en faire tel ufage qu’ils jugeront à propos,
même de les réexporter, fans payer aucuns
droits.
Cette loi a été fuivie en 1775 , d’un arrêt du
confeil qui accorde des gratifications à ceux qui
feront venir des grains de l’étranger. Ces mefures
paternelles , jointes à la fageffe de la lo i, nous
mettront à l’abri de la crainte des difettes, 8c nous
en avons goûté les fruits après la médiocre récolte
de 1774 : la rareté 8c le haut prix des grains ne
fubfiftèrentpaslong-temps,8c h peine,s’en feroit-
on apperçu, fi des gens malintentionnés n’avoienc
parcouru le royaume, femé desdifcoursféditieux,
8c foulevé les liabitans des lieux, pour exercer
plus librement leurs brigandages, C ’eft ce qui donna
lieu à une déclaration du roi du 5 mai 17 7 5 ,
qui commit les prévôts de maréchauflée pour faire
le procès aux auteurs de ces attroupemens 8c de
ces défordres : la commotion ne gagna pas les provinces
du midi, qui furent approvifiojinées par la
liberté du commerce.
Nous finirons par remarquer que l’accaparement
ne confifte que dans les alarmes que l’on répand
parmi le peuple, Mais s’il pouyoit exifter, ce que
, nou$
fions ne croyons pas ', il devroit être pumtÿs-fe-
vérement. Le motif qui lui donne naiffance eft bas,
8c fes effets font terribles; car il-n’y a point de
mal comparable à la famine, qui condamne a la
mort chaque citoyen en particulier, 8c trouble 1 état
par les féditions, les meurtres 8c le carnage. Outre
la perte dés denrées accaparées, le monopoleur
feroit puni juftemênt par la confifcation de tous fes
biens, 8c on devroit renouveller contre lui la peine
des loix romaines, qui interdifoit le feu ocl eau
à un mauvais citoyen, afin que, dénue lui-meme des
fecours dont il vouloit priver fes frères, il fubjt
un châtiment analogue a fon crime.
Il exiftoit dans plufieurs provinces du royaume
un véritable accaparement 8c un monopole odieux
•dans le commerce des vins. Chaque v ille, chaque
canton, avoient établi des loix qui empêchoient
aux villes 8c aux cantons voifins le tranfport 8c
la vente des vins de leurs crûs, avant que les vins
recueillis dans les cantons privilégiés euffent été
vendus. Louis XVI a regardé, 8c avecraifon , ces
•privilèges de vendre exclusivement 8c d’ecarter la concurrence
, comme contraires au droit naturel 8c au
•droit public, dont tous les habitans du royaume doi-
-vent jouir également, 8c comme nuifibles aux progrès
de l'agriculture 8c à l’intérêt général de l’état.
Aufli s’eft-il empreffé de profcrire cet abus,
8c de permettre, par un édit de 1776, enregiftré
dans lés parlemens de Touloufe 8c de Dauphiné,
8c au confeil fouverain de Rouflillon, la libre exportation
des vins dans toute l’étendue du royaume
, comme aufli de les emmagafiner , de les vendre
en tous lieux, en tout temps, de les exporter
en toute fâifon , par tous les ports , nonobftant
tous privilèges particuliers 8c locaux, à ce contraires
, que fa majefté fupprime.
ACCAREMENT, ou A ccariation , ( Droit
criminel. ) ces mots ne font en ufage que dans
quelques provinces du royaume , les plus méridionales
, 8c voifines de l’Efpagne. Ferrières prétend
qu’ils tirent leur origine du mot efpagnol cara, qui
lignifie la tête ou le vifage de l’homme ; ils défi-
gnent l’aétion de confronter un accufé à fes co-ac-
eufés, de les mettre tête-à-tête, ou face-à-face,
pour leur donner leélure de ce qu’ils ont dit dans
■ leurs interrogatoires 8c réponfes, s’expliquer 8c fe
défendre en préfence l’un de l’autre.
Uaccaremènt eft différent de la confrontation , en
ce que cette dernière fe dit des témoins préfentés
à l’accufé , 8cr Yaccarement de la préfentation des
accufés aux co-accufés : on ne dit pas accarer des
témoins , on fe fert alors du terme de confronter :
quoique l’ordonnance de 1670 ne fe ferve pas de
ce mot, 8c qu’elle femble confondre Yaccarement
avec la confrontation, 6c qu’elle établiffe les mêmes
formes pour l’une 8c pour l’autre efpèces, il n’en
eft pas moins vrai que Yaccarement des accufés, 8c
la confrontation des témoins font deux aétes trgs-
différens, dont l’aflimilation eft fouvent injufte 8c
fimefte ; cet a&e eft un des plus importans .& des
Jurisprudence. Tome /,
plus délicats de’ notre procédure criminelle, il
mérite toute l’attention du légiflsteur; la forme de
Yaccarement entraîne une multitude d’abus 8c d’in-
. convéniens qu’on fera connoître fous le mot confrontation
, auquel nous renvoyons.
A CC ÉDER , v. a, ( Droifdesgens. ) {Droitcivil. )
c’eft donner fon confentement à un contrat ou
traité, déjà conclu 8c confenti entre deux ou plufieurs
puiflànces ou perfonnes : ainfi l’on dit d’un
créancier , qu’il accédé à un contrat d’atermoiement
entre un débiteur 8c quelques-uns, de' fes créanciers
, lorfqu’il confent à fon égard l’exécution de
cet a£e ; d’un père, dont le fils s’eft marié pendant
fon abfence , qu’il accède au mariage, lorfr
qu’après fon retour il le ratifie.
On dit d’un fouverain qu’il accède à un traité
paffé 8c conclu antérieurement entre deux puiflàn-
ces, lorfqu’il le figne, 8c qu’i l déclare vouloir en
obferver fa teneur 8c les conditions. C ’eft en ce
fens qu’on dit que les états-généraux ont accédé au
traité d’Hanovre; la Czarine au.traité de Vienne ;
la maifon d’Autriche , au pafte de la maifon de
Bourbon ; le roi de Prufle à la neutralité armée ,
conclue entre la Ruflie , la Suède 8c le Dane-
marck, pour afîùrer la navigation des nations neutres
, 8c empêcher la piraterie des vaifleaux Anglois.
ACCENSE , ACCENSER , A ccenseur, ( termes
de coutumes. ) ils fe trouvent fréquemment dans les
coutumes de Berri 8c de Bourbonnois ; le mot
Yaccenfe fignifie tantôt le prix annuel d’une ferme ,
tantôt, l’aéle même par lequel on donne à ferme ,
8c alors il veut dire la même cfiofe que bail; par
le mot d’’accenfer on entend donner ou prendre à
bail, 8c enfin par celui Yaccenfeur , on défigne
communément le fermier ou locataire.
ACCENSEMENT, ce terme eft encore employé
dans les coutumes pour défigner ce que l’on entend
dans celle de Berri par celui d'accenfe ; mais
il fignifie plus particuliérement un bail à cens, ou
à rente ; c’eft par cette raifon que Ferrières appelle
Yaccenfement une fous-inféodation , par laquelle on
donne ou l’on prend un héritage à cens ou à rente ;
Yaccenfement fe. fait par celui qui aliène, à la charge
d’un cens ou d’une rente ? 8c même de tous les
deux , une partie de fon fief, fans démiflion de foi
8c hommage ; les coutumes varient fur la portion
de fief que l’on peut aliéner fous la rétention de la
.foi , 8c fans donner ouverture aux profits de mutation
, en faveur dit feigneur du fief dominant. Les
coutumes de Châions 8c d’Orléans fç fervent du
mot Yaccenfement, pour défigner Fafîtion de donner
ou de prendre un héritage à titre de cens.
ACCENSISSEMENT ou A ccensivement , ces
deux mots expriment la même chofe que celui
d’accenfement ; on trouve le dernier dans l’ordonnance
des eaux 8c forêts, tir. 6, art 11 ; c’eft l’a&ion
de donner mie terre, une maifon , un héritage à
titre de cens, de rente, ou de loyer, Les coutumes
de Chaumont 8c de Troyes s’en fervent poiçr
fignifier l’emphytéofe, & ces deux mots y fout